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Le « mur de drones » européen marque un tournant vers une défense autonome

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Les forces armées roumaines participent à l’exercice militaire multinational Sea Shield 25 à bord de la frégate Regina Maria, en mer Noire, au large de Constanța, en Roumanie, le 8 avril 2025.

Photo: Andrei Pungovschi/Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

La Commission européenne a dévoilé le 16 octobre une feuille de route en matière de défense visant à fortifier le continent face aux menaces extérieures d’ici 2030, incluant la création d’un « mur de drones ».
Officiellement baptisé « Initiative européenne de défense contre les drones », le projet de mur de drones est l’un des quatre dispositifs phares de sécurité — aux côtés de l’« Eastern Flank Watch », du « European Air Shield » et du « European Space Shield » — qui, ensemble, dessinent l’effort de défense global de l’Union européenne.
Ce réseau est destiné à fonctionner en étroite coordination avec l’OTAN.
Pour certains experts, l’accélération de la riposte européenne face aux menaces pourrait redéfinir la protection de l’espace aérien du continent et renforcer le rôle de l’UE au sein du cadre de l’OTAN.
Cette initiative intervient après une série d’incursions présumées de drones et d’aéronefs russes dans l’espace aérien européen, alors que la guerre en Ukraine est entrée bien au-delà de sa troisième année.
La Russie a démenti les accusations répétées de l’OTAN de violations de l’espace aérien.
La hausse des incidents a débuté le 9 septembre, lorsque la Pologne a déclaré avoir abattu des drones qui avaient violé son espace aérien — poussant l’OTAN à renforcer ses défenses sur son flanc oriental et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à appeler à la mise en place d’un « mur de drones ».
Des incidents similaires ont suivi, notamment l’entrée présumée d’aéronefs russes dans l’espace aérien estonien et des observations de drones au-dessus du Danemark.
En réponse, la Commission a fait de l’Initiative européenne de défense contre les drones et de l’Eastern Flank Watch des priorités immédiates.
À quoi pourrait ressembler le « mur de drones »
Les projets en sont encore au stade de proposition, et les États membres ont jusqu’à la fin de l’année pour décider de s’engager ou non dans cette stratégie.
La Commission européenne envisage un système potentiel de défense anti-drones doté de capacités « flexibles, agiles et de pointe » pour contrer les aéronefs sans pilote (UAV : unmanned aerial vehicles).
Selon l’exécutif européen, il devrait combiner la détection, le suivi et la neutralisation au sein d’un réseau multicouche capable de répondre à des menaces venant de toutes les directions.
Tomas Nagy, chercheur senior pour le nucléaire, l’espace et la défense antimissile au sein du think tank Globsec, décrit ces trois piliers — détection, suivi et neutralisation — comme l’« approche classique » de la défense aérienne.
Il rejoint l’estimation formulée le mois dernier par le commissaire européen à la Défense, Andrius Kubilius, selon laquelle le pilier de la détection pourrait être opérationnel sous un an.
M. Nagy a indiqué à Epoch Times que cela tenait au fait que, « sur le plan technologique, c’est de loin l’élément le plus simple à réaliser. »
« Il faudra trancher sur les technologies à employer et l’architecture à bâtir, car on peut recourir à des radars ou à des systèmes acoustiques », précise-t-il.
L’expérience de l’Ukraine a déjà montré comment des réseaux improvisés de téléphones mobiles peuvent servir à détecter les signatures acoustiques des UAV.
L’UE cherchera probablement des solutions plus avancées spécifiquement conçues pour un usage militaire, ajoute M. Nagy.
La Commission a indiqué que l’Initiative européenne de défense contre les drones devrait disposer d’une capacité initiale d’ici fin 2026, pour une pleine opérationnalité fin 2027.
Neutraliser la menace
La physionomie du système dépendra en grande partie des pays participants.
La Commission a précisé que, si les capacités de lutte anti-drones doivent être « pleinement interopérables et interconnectées entre États membres » et capables de sécuriser les infrastructures critiques en coordination avec l’OTAN, il reviendra à chaque nation européenne de définir ses propres objectifs.
Concernant la détection, le chercheur de Globsec souligne : « Chaque pays devra disposer d’une architecture propre, adaptée à sa réalité géographique et topographique, mais il est raisonnable d’être confiant sur une mise en place rapide, car cette technologie n’est pas nouvelle. »
« Il s’agit essentiellement d’adapter des technologies existantes pour s’assurer qu’elles peuvent suivre des cibles volant à basse altitude. »
Selon M. Nagy, le dernier pilier — la neutralisation — pourra reposer sur des moyens cinétiques ou non cinétiques.
Les options cinétiques consistent à abattre la cible ; les méthodes non cinétiques incluent l’usage de micro-ondes, de lasers ou le brouillage des systèmes électroniques.
« Il existe plusieurs manières d’intercepter une cible ou de conduire la phase terminale de la défense aérienne, mais il n’y a pas d’alternative à une infrastructure robuste de capteurs, et il faut disposer de ce qu’on appelle le ‘Command and Control’, qui relie la première et la dernière phase de la défense aérienne, afin de s’assurer que l’on voit, que l’on peut engager, et que l’on suit des procédures d’engagement pour chaque cible », explique-t-il.
Intégration OTAN
Bartosz Grodecki et Maciej Romanow, experts de l’équipe sécurité de l’Institut Sobieski (think tank polonais), soulignent qu’un « mur de drones » « n’est pas une barrière physique », mais un réseau coordonné de capteurs, de centres de commandement et de technologies conçu pour « détecter, identifier et neutraliser les drones hostiles avant qu’ils n’atteignent des cibles critiques ».
S’ils jugent le concept techniquement réalisable, ils mettent en garde contre l’évolution possible des menaces à un rythme plus rapide que celui du système.
« Des acteurs hostiles pourraient passer de l’utilisation de drones à bas coût au déploiement de technologies plus sophistiquées, y compris des essaims de drones autonomes, des armements pilotés par l’intelligence artificielle, ou des cyberattaques intégrées visant les infrastructures de défense », préviennent-ils.
« Parallèlement, les menaces missilières et hybrides pourraient s’intensifier, exigeant une stratégie de défense aérienne plus globale que ce que le seul ‘mur de drones’ peut offrir. »
La deuxième priorité de la feuille de route — l’Eastern Flank Watch — reliera les défenses aériennes, terrestres et maritimes de la mer Baltique à la mer Noire et s’intégrera pleinement à la structure de commandement de l’OTAN.
Une capacité initiale est attendue d’ici fin 2026, pour une fonctionnalité opérationnelle d’ici fin 2028.
Les autres stratégies de l’UE — le « European Air Shield » et le « European Space Shield » — seront également mobilisées pour assurer une couverture de défense plus large, avec l’ambition que ces quatre systèmes permettent de défendre l’Europe dans les cinq prochaines années.
Bâtir les fortifications européennes de l’OTAN
Les experts de l’Institut Sobieski estiment que des initiatives comme le mur de drones témoignent de la montée en puissance de la capacité de l’Europe à se défendre — une évolution longtemps encouragée par les États-Unis.
Selon eux, le fait que l’UE prenne l’initiative pour se préparer à de nouvelles menaces démontre « que l’Europe ne se repose pas passivement sur les États-Unis, mais investit activement dans sa propre défense ».
« Cela accroît la crédibilité de l’Europe à Washington et manifeste un véritable engagement en faveur d’un partage du fardeau », poursuivent-ils.
Ce basculement « fait évoluer la position de l’Europe, de réceptrice de sécurité à fournisseuse de sécurité », ajoutent-ils.
« Pour les États-Unis, cela signifie un partenariat plus équilibré, dans lequel les alliés européens assument une part du fardeau financier et technologique. »
Le rôle central de la Pologne sur le flanc est de l’OTAN lui confère, selon eux, la position de « pierre angulaire d’une nouvelle architecture européenne de défense ».
« Le concept de ‘mur de drones’ est passé d’une notion futuriste à une nécessité stratégique immédiate », concluent MM. Grodecki et Romanow.
« La prolifération rapide des drones et des missiles souligne l’urgence de systèmes de défense aérienne résilients et multicouches. »
« Le conflit en cours en Ukraine a clairement montré qu’aucune nation ne peut se considérer en sécurité sans une telle protection intégrée. »