La corruption dans la police explose : l’IGPN tire la sonnette d’alarme

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Photo: GABRIEL BOUYS/AFP via Getty Images
La corruption au sein des forces de police françaises explose, et l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la “police des polices”, tire officiellement la sonnette d’alarme.
Dans son rapport annuel dévoilé le 16 octobre, l’organisme alerte sur un phénomène qui gagne en ampleur et en sophistication, accéléré par la montée du numérique et des nouveaux modes de délinquance. C’est désormais une réalité inquiétante pour l’institution, dont la crédibilité et la transparence sont mises à rude épreuve.
Ce constat s’appuie sur une série de chiffres évocateurs. En 2024, l’IGPN a été saisie de 234 enquêtes pour atteintes à la probité (corruption, trafic d’influence, détournement, favoritisme, concussion…), soit quasiment deux fois plus qu’il y a cinq ans, alors que l’on recensait 137 affaires du même type en 2020.
Selon Le Point, derrière ces statistiques, se dessine une mutation profonde des pratiques illicites, désormais facilitées par les technologies et l’accès dématérialisé aux informations ultra-sensibles.
Des affaires en nette augmentation
Selon les constats de l’IGPN et les analyses de son directeur Stéphane Hardouin, les services spécialisés et les gestionnaires de sources humaines sont particulièrement ciblés par des groupes criminels organisés, notamment les narcotrafiquants.
La vente de données policières, le piratage de fichiers et la revente de scellés deviennent des pratiques courantes, parfois orchestrées par des intermédiaires sur le darknet. « Aujourd’hui, il n’y a même plus besoin de contact humain. C’est l’ère de la corruption distancielle, dématérialisée, connectée », explique Thomas de Ricolfis, sous-directeur des enquêtes administratives et judiciaires de l’IGPN.
La virtualisation des échanges facilite ces dérives, tout comme l’usage de tablettes Néo (un projet qui vise à fournir aux policiers et aux gendarmes français des terminaux mobiles dotés d’une connexion sécurisée haut débit) qui permettent aux policiers d’accéder en dehors du cadre professionnel aux fichiers confidentiels.
Selon plusieurs magistrats, cette évolution se traduit par « une ubérisation de la corruption », où le policier, le client et l’intermédiaire ne se rencontrent pas, limitant les risques d’identification et les pistes pour remonter les filières.
Les modes opératoires évoluent
Si la corruption dans la police reste marginale, elle touche désormais tous les échelons du service public, et fragilise l’ensemble du corps policier. La tentation est parfois alimentée par la proximité quotidienne avec l’argent des trafics et la pression des réseaux criminels. De plus en plus d’agents arrondissent leurs fins de mois ou remboursent leurs dettes en vendant des informations contre quelques dizaines d’euros.
« Le malfrat est souvent à la recherche d’informations issues des fichiers de police, pour savoir s’il est recherché, si une voiture est signalée volée, à quelle adresse habite telle personne », constate Stéphane Hardouin.
Dans certains cas, les données cédées ont permis l’élimination de rivaux de trafiquants. Un renforcement du contrôle des accès aux fichiers est désormais en cours, avec l’expérimentation d’algorithmes visant à repérer d’éventuelles consultations anormales.
La réponse de l’IGPN
Face à ces dérives, l’IGPN change de braquet et place la lutte contre la corruption au premier rang de ses priorités, avec la création d’une délégation nationale anticorruption et des moyens renforcés.
Le contrôle des actes administratifs gagne en sophistication, tout comme les options de traçabilité numérique, qui permettent de remonter plus rapidement les chaînes de décisions suspectes.
L’institution, qui recense près de 150.000 policiers en France, cherche à inverser la tendance par une politique de tolérance zéro et une traque systématique des « ripoux » sur tout le territoire.
Cela passe également par une coordination accrue entre services spécialisés, justice et organes de contrôle internes, ainsi que par une mobilisation sur la formation et la prévention des infractions.
Les enjeux pour la société
La multiplication des enquêtes et la médiatisation des affaires soulignent une crise de confiance latente dans l’opinion publique, qui attend plus de transparence et d’exemplarité. Si l’écrasante majorité des policiers reste intègre, ces fragilités mettent en lumière des points de vulnérabilité du système, amplifiés par la puissance des réseaux criminels.
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