La cire d’oreille, une nouvelle méthode pour dépister le cancer et le diabète

Photo: Marina Demeshko/Shutterstock
Nous avons tendance à ne pas nous préoccuper de la cire d’oreille… et même à éviter d’y penser. Pourtant, cette substance sous-estimée ne se contente pas de protéger nos oreilles des impuretés : les scientifiques ont découvert qu’elle recèle un véritable trésor de données médicales. La cire d’oreille pourrait même révéler des maladies comme le diabète ou certains cancers.
Le terme scientifique pour désigner la cire d’oreille est « cérumen ». Elle est sécrétée dans le conduit auditif externe par les glandes cérumineuses et sébacées, puis se mêle à la sueur, aux poils, à la poussière et à d’autres débris. Son rôle est de garder l’oreille lubrifiée, propre et de former une barrière qui limite l’intrusion d’insectes ou d’objets susceptibles de causer des problèmes.
En 2006, une étude pionnière a révélé que le type de cire d’oreille varie d’une personne à l’autre en fonction d’un polymorphisme mononucléotidique (SNP), qui détermine si le cérumen est sec ou humide. Un SNP (prononcé « snip ») est la variation génétique la plus fréquente : il correspond à une différence d’un seul élément constitutif de l’ADN (un nucléotide).
Des travaux ultérieurs ont montré que le type de cire d’oreille varie aussi selon les groupes ethniques : le cérumen sec est prédominant chez les Asiatiques de l’Est, tandis que le type humide est plus courant chez les populations d’origine européenne ou africaine.
Fait intéressant, le gène qui détermine le type de cire d’oreille est également responsable de l’odeur corporelle. Ceux qui ont une cire d’oreille sèche transpirent généralement moins et produisent moins d’odeurs – un trait plus fréquent dans les populations d’Asie de l’Est.
La science de la cire d’oreille
Jadis négligée, la cire d’oreille est devenue ces dernières années un véritable objet d’étude scientifique, notamment dans le domaine du diagnostic.
En 2019, des chercheurs ont mis au point une nouvelle méthode de détection du cancer à partir de la cire d’oreille, publiée dans la revue Nature. Ils l’ont baptisée le « Cérumenogramme ». L’étude a comparé des échantillons prélevés sur des personnes atteintes de cancer (lymphome, carcinome ou leucémie) et sur des personnes en bonne santé.
Les résultats sont impressionnants : 27 marqueurs biologiques présents dans la cire d’oreille ont permis de distinguer, dans 100 % des cas, les patients cancéreux des sujets témoins. Ce test pourrait ainsi devenir une méthode rapide, non invasive, peu coûteuse et très fiable pour diagnostiquer le cancer.
Une étude publiée en avril est venue confirmer ces résultats, démontrant l’efficacité du Cérumenogramme dans la détection des changements métaboliques liés au cancer.
Nelson Roberto Antoniosi Filho, professeur de chimie à l’Université fédérale de Goiás (Brésil) et auteur principal de ces travaux, a expliqué les implications de ces découvertes pour le dépistage précoce.
Avec ses collègues, il a démontré dès 2019 que la cire d’oreille pouvait être utilisée pour diagnostiquer n’importe quel cancer, à n’importe quel stade. Depuis, ils l’ont confirmé en analysant plus de 1000 échantillons. Leur recherche la plus récente indique que la méthode permet aussi de détecter des stades précancéreux, de suivre une rémission métabolique du cancer et de distinguer une tumeur bénigne d’une tumeur maligne.
Selon le professeur Filho, cette méthode permet de détecter un cancer plus tôt que les tests classiques ou l’imagerie médicale coûteuse. Le traitement peut ainsi commencer plus rapidement – parfois même avant que le cancer ne soit complètement développé – être moins agressif et moins onéreux, augmentant considérablement les chances de succès. Pour les patients en rémission, la méthode permet également de confirmer avec précision le moment de la guérison, mettant fin à des années d’anxiété liées au suivi médical.
Son équipe concentre désormais ses recherches sur les maladies métaboliques (comme le diabète), le xeroderma pigmentosum, certains cancers, mais aussi la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, l’autisme et la dépression.
« Chaque étude nous surprend un peu plus par l’éventail d’applications possibles du cérumen. Nous sommes convaincus que le Cérumenogramme deviendra un test de routine, avec de multiples usages pour la santé humaine et animale », a déclaré le professeur Filho dans un courriel à Epoch Times.
Un dispositif d’auto-prélèvement
En 2020, une étude menée par le Dr Andrés Herane-Vives, psychiatre et enseignant-chercheur à l’University College London et au King’s College London, a comparé la mesure du cortisol dans la cire d’oreille à celle réalisée habituellement dans les cheveux. Ces derniers sont utilisés pour estimer les niveaux de cortisol sur le long terme dans les cas de stress chronique ou de troubles endocriniens. Les résultats suggèrent que la cire d’oreille fournit des données plus fiables.
Dans une recherche complémentaire, l’équipe du Dr Herane-Vives a montré que les niveaux de glucose mesurés dans la cire d’oreille correspondaient à ceux du sang. Mieux encore, ils reflétaient les taux de glucose à court et long terme avec une précision supérieure de 59 % à celle du test HbA1c, l’examen de référence pour surveiller et diagnostiquer le diabète.
Le Dr Herane-Vives explique pourquoi la cire d’oreille est unique :
« Nous avions besoin d’un nouveau type d’échantillon capable de refléter les niveaux chroniques de différents biomarqueurs. Pour l’instant, les échantillons disponibles – salive, urine ou sang – n’accumulent pas les substances : ils ne donnent qu’un instantané », a-t-il indiqué à Epoch Times.
Pour ses recherches, il a mis au point un dispositif d’auto-prélèvement, aujourd’hui développé par sa société de biotechnologie Trears Biomarkers. Cet outil permet aux patients de recueillir leur propre cire d’oreille à domicile et de l’envoyer ensuite en laboratoire pour analyse.

Le dispositif d’auto-prélèvement de la cire d’oreille mis au point par Trears Biomarkers. (Crédit : Dr Andrés Herane-Vives)
Selon lui, l’avenir de la recherche sur la cire d’oreille – et de son entreprise Trears – est d’améliorer le diagnostic pour que chacun bénéficie du bon traitement.
« Nous n’avons pas besoin de nouveaux traitements ; nous avons besoin de meilleurs diagnostics », affirme-t-il.
Un tel dispositif pourrait changer la donne pour de nombreux patients souffrant de maladies chroniques comme le diabète. Il faciliterait la collecte d’échantillons réguliers, tout en rendant les tests plus accessibles, fiables et économiques, réduisant ainsi le poids financier sur les systèmes de santé.
Le seul obstacle ? Certaines personnes produisent très peu, voire pas du tout de cire d’oreille, ce qui complique les analyses. « Nous finalisons actuellement des études pour résoudre ce problème », précise le Pr Filho.
Vers un usage de routine
La combinaison entre le Cérumenogramme et ces dispositifs d’auto-prélèvement, qui évitent de se rendre au cabinet médical ou au laboratoire, ouvre une perspective enthousiasmante pour l’avenir de la médecine.
Au Brésil, cette approche est déjà utilisée pour diagnostiquer la progression tumorale – cancers et stades précancéreux – et pour évaluer les rémissions.
« Cet examen est déjà pratiqué de façon routinière à l’Hôpital Amaral Carvalho (Jaú, São Paulo), l’un des plus grands centres d’oncologie du pays. Nous travaillons à ce que, dans les cinq prochaines années, toutes les institutions publiques d’enseignement et de recherche le proposent au coût le plus bas possible pour l’ensemble de la population », explique le Professeur Filho.
Il n’a aucun doute : dans le reste du monde, le Cérumenogramme deviendra aussi courant qu’une simple prise de sang d’ici une décennie.
« Peut-être qu’un jour, en écoutant de la musique avec des écouteurs, ceux-ci diagnostiqueront nos états de santé et nous indiqueront les précautions à prendre. J’aimerais qu’une samba retentisse pour annoncer que la santé est bonne ! » conclut-il.

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