Taxe foncière
Hausse de la taxe foncière : l’État vous facture des toilettes que vous n’avez peut-être pas
Présomption de confort, taxation sans contrôle : l'administration fiscale va considérer par défaut que tous les logements français sont équipés de toilettes, d'eau courante et d'électricité, sans vérifier sur place. Conséquence : 7,4 millions de propriétaires verront leur taxe foncière grimper de 63 euros en moyenne en 2026, que leur bien dispose réellement de ces équipements ou non.

Photo: Pixabay
Alors que les parlementaires examinent les textes budgétaires pour 2026, le ministère de l’Économie prépare une réforme discrète mais significative de la taxe foncière. Cette modification concerne la réévaluation de valeur locative cadastrale qui sert au calcul de la taxe foncière. Cette révision impacte 32 millions de propriétaires français et touchera 7,4 millions de logements. L’augmentation moyenne de la taxe foncière attendue s’élève à 63 euros par bien concerné, selon un rapport interne de la Direction générale des finances publiques, selon BFMTV.
Une présomption d’équipement généralisée
Le principe de cette révision repose sur une hypothèse simple : plus de cinquante ans après l’élaboration des bases de données fiscales, l’administration considère que l’ensemble des logements français dispose désormais d’équipements de confort modernes. En d’autres termes, que votre habitation soit réellement pourvue ou non de toilettes, d’une salle de bains complète ou de l’électricité, la Direction générale des finances publiques intégrera automatiquement ces éléments dans le calcul de votre imposition si elle ne les avait pas enregistrés auparavant, rapporte le site Journaldugeek.
Cette opération massive de mise à jour concerne un quart des maisons et 15 % des appartements en métropole, soit 7,4 millions de logements sur les 71 millions de biens que compte le pays. L’enjeu financier est considérable : cette régularisation devrait rapporter 466 millions d’euros supplémentaires aux communes et départements. La taxe d’habitation sur les résidences secondaires connaîtra également une augmentation mécanique.
Un impact géographique inégal
Toutes les régions ne seront pas touchées de la même manière par cette réévaluation. La Haute-Corse figure en tête des départements les plus concernés avec plus de 60 % des habitations impactées. Suivent la Corse-du-Sud avec 45 % de logements concernés, l’Aude avec 42 %, et Paris avec 25 % des biens touchés. Ces disparités révèlent l’ampleur du retard dans la mise à jour des données cadastrales selon les territoires.
Le mécanisme de calcul en question
Pour comprendre l’origine de la hausse de la taxe foncière, il faut s’intéresser au fonctionnement de la valeur locative cadastrale, qui sert de base imposable au bien et au calcul de la taxe. Cette valeur intègre six caractéristiques dites « de confort » et chaque équipement ajoute virtuellement des mètres carrés supplémentaires à la surface imposable du logement. Ainsi, l’eau courante compte pour 4 m² supplémentaires, l’électricité pour 2 m², une baignoire pour 5 m², une douche pour 4 m², un lavabo pour 3 m², et le chauffage ou climatiseur pour 2 m² par pièce équipée, détaille Ça m’intéresse. Les WC ajoutent 3 m² à la surface imposable.
Jusqu’à présent, si votre logement ne disposait pas de l’un de ces équipements dans les données de l’administration, votre taxe foncière restait plus basse. Dès 2026, la DGFiP va automatiquement considérer que tous ces éléments sont présents, même sans contrôle sur place. Le dernier relevé complet de ces données datant de 1970, l’administration fiscale estime que beaucoup de logements rénovés n’ont pas donné lieu à une réévaluation de leur valeur locative malgré l’ajout de ces équipements.
Une légalité âprement débattue
La légalité de cette mise à jour automatique divise profondément. Me Jean-Pascal Michaud, avocat fiscaliste au cabinet LMD, conteste la démarche de l’État auprès de BFMTV : « Le système est complètement obsolète, ce n’est pas évalué de la manière dont cela devrait l’être aujourd’hui. Donc il y a des mises à jour qui n’ont pas été faites : notamment, si à l’époque, il n’y avait pas de toilettes dans le logement et que vous en avez installé depuis, vous deviez le déclarer. Et ce que va faire Bercy, c’est considérer par défaut que si vous n’avez pas déclaré que vous avez des toilettes depuis 50 ans, c’est que vous êtes en tort et il va corriger de lui-même votre base taxable ».
Pour l’avocat, le véritable problème réside ailleurs : « Les valeurs locatives qui sont retenues aujourd’hui n’ont rien à voir avec la réalité, ce qui pousse les communes à voter des taux totalement délirants de leur côté pour arriver à récupérer les impôts dont elles ont besoin. Tout le système est à remettre à plat. Et ce n’est pas en venant dire maintenant que l’électricité et les toilettes sont des éléments de confort, ce qui est déjà ridicule en soit, qu’on va résoudre le problème ».
La Direction générale des finances publiques défend sa position en rappelant le cadre légal : « Chaque propriétaire est tenu de déclarer ces nouvelles caractéristiques dans les 90 jours de la fin des travaux (article 1406 du code général des impôts (CGI)). Toutefois conformément à l’article 1517 du CGI, l’administration fiscale est habilitée à constater d’office les changements de caractéristiques physiques comme les éléments de confort sans solliciter le propriétaire ». L’administration justifie également sa démarche par un souci d’équité.
Des critiques virulentes
Les syndicats et associations de propriétaires dénoncent vigoureusement cette méthode. Frédéric Scalbert, secrétaire général de la CGT Finances publiques, condamne une approche arbitraire. « Le gouvernement spécule sur des éléments de confort sans en avoir la preuve. C’est comme si on vous disait que vous devez payer plus d’impôts parce que vous avez touché des revenus supplémentaires que vous n’avez jamais vus », affirme-t-il dans Lejournaldugeek. Il ajoute : « Il y a un côté très parisien de considérer que tous les logements français disposent de tout le confort. Il y a encore des endroits en France où toutes les maisons ne sont pas forcément équipées de salle de bains. Même chose pour le chauffage. Dans certaines maisons, toutes les pièces n’en sont pas forcément pourvues ».
Sylvain Grataloup, président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers, exprime son incompréhension : « Je ne comprends pas comment l’administration fiscale pourrait faire ça. Cela va forcément ouvrir de nombreux contentieux ». L’UNPI qualifie cette démarche de « présomption totalement arbitraire », particulièrement pour des logements comme les chambres de bonnes.
Comment contester cette hausse ?
Face à cette réforme appliquée automatiquement, les propriétaires ne seront pas tous prévenus de la même manière. Seuls ceux dont le logement connaîtra une « variation la plus significative » recevront un courrier personnalisé dans leur espace sécurisé sur impots.gouv.fr en juin 2026. Pour les autres, impossible de savoir à l’avance si la taxe foncière va grimper : ils devront le découvrir en comparant leurs avis d’imposition.
Les propriétaires peuvent anticiper en demandant au fisc le formulaire 6675-M, qui détaille tous les éléments ayant servi au calcul de la valeur locative cadastrale, y compris les équipements de confort. Ce document permet de vérifier si les aménagements ont été correctement déclarés et si une augmentation de la taxe foncière est justifiée.
La DGFiP précise néanmoins que les propriétaires auront jusqu’à juin 2026 pour contester ce changement dans la valeur locative de leur bien s’ils ne disposent pas des éléments de confort qui leur sont attribués. Les contribuables seront invités à se manifester directement dans un centre des impôts en avril 2026 pour présenter des documents administratifs, comme des contrats d’eau ou d’électricité, en cas d’erreur.
Même après réception de l’avis d’imposition fin août 2026, une contestation reste possible pour obtenir un remboursement ou un dégrèvement du montant dû. Il est conseillé d’utiliser la demande écrite en ligne via la rubrique « Contact » sur impots.gouv.fr ou de se rendre directement au centre des finances publiques.
Cette nouvelle augmentation intervient dans un contexte déjà tendu pour les propriétaires : en dix ans, la hausse de la taxe foncière a été deux fois plus importante que celle de l’inflation. En 2024, elle atteignait en moyenne 1072 euros pour une maison et 851 euros pour un appartement. Depuis 2020, elle a grimpé de 30 % pour atteindre une moyenne de 1082 euros.
Articles actuels de l’auteur










