Opinion
« En violant l’espace aérien polonais, les Russes ont malheureusement mis en lumière les faiblesses de l’OTAN », déplore Patrick Edery

Photo: Crédit photo Patrick Edery
ENTRETIEN – À la tête de la Pologne depuis le 6 août, le président conservateur Karol Narowcki s’est rendu en France le 16 septembre et a rencontré Emmanuel Macron. Les deux chefs d’État ont évoqué le traité avec les pays du Mercosur, et surtout la violation de l’espace aérien polonais par des drones russes.
Patrick Edery est éditorialiste pour le think tank Deliberatio. En envoyant des drones dans l’espace aérien polonais, Moscou a adressé un message clair à l’OTAN explique-t-il.
Epoch Times – À l’aune de cette visite et de la signature du traité de Nancy au mois de mai. Comment qualifieriez-vous aujourd’hui les relations franco-polonaises ? Sont-elles bonnes malgré les divergences idéologiques entre les deux chefs d’État ?
Patrick Edery –Les relations franco-polonaises sont plutôt bonnes. Pour une raison simple : elles sont surtout intergouvernementales. Et le Premier ministre polonais, Donald Tusk, est du même bord politique qu’Emmanuel Macron. C’est un progressiste. Certes, avec les particularités de l’Europe de l’Est.
Chez les progressistes polonais, la question migratoire ne fait pas l’objet d’un tabou comme on peut le voir chez leurs homologues français. Ils vont même se montrer intransigeants vis-à-vis de l’immigration en provenance du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, sauf quand l’immigration de travail est nécessaire.
Mais dans l’ensemble, les relations sont bonnes. D’ailleurs, l’accord de Nancy signé par les deux pays est venu renforcer l’amitié entre Paris et Varsovie et présente un intérêt stratégique, notamment sur le plan de la coopération militaire.
De quels pouvoirs dispose le président polonais ?
En Pologne, le président n’est pas celui qui a le plus de pouvoirs. Il ne préside pas par exemple le Conseil des ministres. Cette fonction revient au chef du gouvernement, Donald Tusk.
C’est une différence nette avec le système français.
Cependant, le président polonais ne fait pas seulement de la représentation. Il a un pouvoir de veto sur les lois et, dans la situation actuelle, son rôle s’est vu être renforcé puisqu’il n’est pas issu du même parti que le Premier ministre et peut ainsi bloquer ses textes législatifs.
La rencontre entre le président français et polonais est intervenue quelques jours après le survol de l’espace aérien polonais par des drones russes. Lors d’un entretien avec Darius Rochebin sur LCI, Karol Narowcki a appelé les pays membres de l’OTAN à s’unir face à la Russie. Vous déplorez l’absence de réactions de l’Alliance atlantique. Pourtant, la France a envoyé trois Rafale en réponse à cette provocation russe…
Il est vrai que c’est un geste honorable de la part de la France. Surtout quand on connaît l’état de nos finances publiques.
Aujourd’hui, la France doit faire face à la menace russe, mais ne met pas suffisamment de moyens sur la table.
Il va falloir choisir entre une dépense publique hors norme (57 % du PIB) et la préparation à une potentielle guerre.
Désormais, la plupart des gouvernements européens parlent de « guerre hybride » quand ils évoquent la menace russe, ce qui correspond au stade qui précède celui de l’affrontement militaire. Si la Russie ose de telles opérations, c’est qu’elle perçoit une faiblesse dans notre préparation à un conflit conventionnel. Une dissuasion militaire crédible est donc cruciale pour limiter l’audace de ces tactiques hybrides.
Pour vous, l’OTAN doit-elle davantage montrer les muscles ?
En violant l’espace aérien polonais, Moscou a mis en lumière les faiblesses de l’OTAN. Sur la vingtaine de drones ayant franchi la frontière, seuls trois ou quatre ont été arrêtés.
La Russie nous envoie ainsi un message clair : nous ne sommes absolument pas prêts à encaisser une attaque massive d’armes low-cost, alors que la Russie en produit à grande échelle.
Quelques jours plus tard, des vieux avions russes survolaient le ciel estonien, faisant apparaitre une autre fragilité de l’Alliance atlantique : les règles d’engagement différentes des États membres. L’OTAN sans les Américains, c’est une mosaïque de pays avec de petites capacités inégales et des règles divergentes. La Russie, elle, n’a pas ce problème.
L’erreur est de considérer l’OTAN comme une seule et même armée alors que nous avons ici affaire, sans les États-Unis, à plusieurs nations ayant de petites armées qui, en dépit de l’article 5, ont des règles et des intérêts très différents les unes des autres.
En une semaine, les Russes ont malheureusement mis en lumière les grandes failles de l’Alliance atlantique.
Il faut « soutenir la seule personne qui est capable de négocier avec Vladimir Poutine pour trouver une solution. Et cette personne, c’est le président des États-Unis d’Amérique, Donald Trump », a-t-il également expliqué sur LCI. Les bonnes relations entre le président américain et le président polonais constituent-elles un atout pour l’OTAN face à la menace russe ?
Qu’un dirigeant étranger ait des bonnes relations ou non avec Donald Trump ne change pas grand-chose. Dire l’inverse revient à reprendre les analyses crédules que l’on trouve dans certains médias. Le président américain a une stratégie et s’y tient quoi qu’il arrive.
Il y a éventuellement la possibilité de négocier avec lui en jouant notamment sur son opinion publique, mais changer sa politique, non.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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