Taxe foncière
De l’impôt sur les fenêtres à la taxe sur l’eau courante : le « ridicule » ne tue toujours pas
Dès 2026, 7,4 millions de propriétaires verront leur taxe foncière grimper. La raison ? L'ajout de « mètres carrés fictifs » pour des équipements aussi luxueux que l'eau courante, l'électricité ou un simple lavabo. Une réforme qui fait écho aux impôts les plus absurdes de l'Histoire de France et qui n'épargne personne, pas même les propriétaires modestes, dénonce Ophélie Roque dans Le Figaro.

Photo: LOIC VENANCE/AFP via Getty Images
Le ministère de l’Économie et des Finances prévoit de réviser le calcul de la taxe foncière en intégrant six « éléments de confort » dans l’évaluation cadastrale. Environ 7,4 millions de logements seraient concernés, soit 10 % du parc immobilier taxable.
« Il faut croire que le ministère de l’Économie et des Finances, décidément à la recherche du moindre sou, devient à court d’idées sur la manière de racketter le contribuable », écrit Ophélie Roque, professeure de français et auteure d’une tribune cinglante dans Le Figaro.
Quand Bercy redéfinit le luxe
Derrière cette expression technocratique se cache une réalité prosaïque : le raccordement à l’eau courante vaudra 4 mètres carrés supplémentaires, l’électricité 2 m², une baignoire 5 m², une douche et des WC intérieurs 3 m² chacun, et chaque lavabo ou pièce chauffée 2 m².
Selon Bercy, « c’est une question d’efficacité et d’équité de l’impôt : que chacun paie selon le type de logement qu’il détient », a justifié le cabinet d’Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics. La modification des bases de la taxe foncière repose « sur l’idée d’actualiser un cadastre devenu obsolète », selon le bulletin des communes.
La hausse moyenne est estimée à 63 euros par an et par logement, ce qui correspond à une moyenne d’environ 12,50 euros par mètre carré ajouté, selon le site de Capifrance. La hausse dépendra des communes et de leurs taux d’imposition locaux. Dans les territoires où la taxe foncière est déjà élevée, l’addition grimpera plus vite. L’opération rapporterait environ 466 millions d’euros à l’État.
Le paradoxe du studio parisien
L’ajout de mètres carrés fictifs risque de créer des différences notables d’un logement à l’autre.
Ophélie Roque illustre parfaitement l’impact important de la réforme sur les petits logements urbains. Elle calcule le cas d’un jeune propriétaire qui vient d’acquérir un studio de 13 mètres carrés à Paris. Son bien dispose de l’eau courante, de l’électricité, d’une douche, d’un lavabo et d’un radiateur. Les toilettes, elles, se trouvent sur le palier, « heureusement pour lui « , ironise-t-elle. En additionnant ces équipements selon la nouvelle grille (4 + 2 + 3 + 2 + 2 = 13 m²), sa surface fiscale double instantanément pour atteindre 26 mètres carrés. L’État lui offre ainsi, sur le papier, 13 mètres carrés de plus sans qu’il ait déplacé le moindre mur.
« Vous avez acheté une vieille grange en belles pierres de taille pour la retaper ? Grave erreur ! », écrit Ophélie Roque avec causticité. « Qu’avez-vous besoin de sanitaires (bourgeois que vous êtes) quand un simple trou au sol suffit ? », ironise-t-elle encore. Les logements anciens rénovés figureront également parmi les logements les plus touchés par la hausse de la taxe foncière.
L’absurdité comme tradition française
« En termes d’impositions saugrenues la France s’est toujours bien classée, pas une époque n’a su échapper au ridicule de l’impôt. Des taxes en veux-tu en voilà et sur tout et n’importe quoi », tempête Ophélie Roque. De 1798 à 1926, la France a appliqué un impôt sur les portes et fenêtres, basé sur le principe simple : plus votre logement comportait d’ouvertures, plus vous payiez, rappelle-t-elle.
Les conséquences furent désastreuses. Les Français ont alors massivement muré leurs fenêtres et « les portes non nécessaires », condamnant des générations à vivre dans l’obscurité et l’air vicié. Les immeubles de nos villes portent encore aujourd’hui les stigmates de cette taxe, avec leurs façades criblées de fenêtres condamnées. Victor Hugo dénonçait déjà dans Les Misérables ce système qui obligeait les familles modestes à renoncer à la lumière du jour.
« Il y a en France treize cent vingt mille maisons de paysans qui n’ont que trois ouvertures, dix-huit cent dix-sept mille qui ont deux ouvertures, la porte et la fenêtre et enfin trois cent quarante-six mille cabanes qui n’ont qu’une ouverture, la porte. Et cela à cause d’une chose qu’on appelle l’impôt des portes et fenêtres. Mettez-moi de pauvres familles, des vieilles femmes, des petits enfants dans ces logis-là, et voyez les fièvres, les maladies. Hélas ! Dieu donne l’air aux hommes, la loi le leur vend ! », a écrit Victor Hugo.
L’impôt fut finalement supprimé en 1926, sous la pression des hygiénistes qui alertaient sur ses conséquences sanitaires catastrophiques.
Le retour du ridicule
Un siècle plus tard, l’Histoire bégaie. On ne taxe plus les fenêtres comme le souligne Ophélie Roque, mais l’eau courante et les sanitaires. Des équipements que plus personne ne considère comme du luxe, mais comme le strict minimum vital. À l’heure où l’on parle de rénovation énergétique et de logement décent, cette réforme apparaît en totale contradiction avec les objectifs affichés.
Face à la polémique, la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a annoncé que l’exécutif « se réserve le droit d’interroger la pertinence de cette mesure dans quelques mois, lors d’un point d’étape ». Amélie de Montchalin a également indiqué qu’une consultation avec les élus serait lancée.
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