Comment les frappes ukrainiennes fragilisent le pétrole russe

L'usine ZapSibNefteKhim de la holding pétrochimique russe Sibur, dans la banlieue de Tobolsk, au cœur de la Sibérie russe.
Photo: ANDREY BORODULIN/AFP via Getty Images
Depuis début août, l’Ukraine a intensifié ses attaques contre les raffineries et infrastructures pétrolières russes, menant une trentaine de frappes, dont la dernière lundi. L’objectif : affaiblir la capacité de Moscou à financer son effort de guerre.
La Russie, troisième producteur mondial et deuxième exportateur de brut derrière l’Arabie saoudite, dépend fortement de cette manne. En 2023, les produits pétroliers représentaient plus de 20 % de ses exportations en volume, et en 2024, les revenus du pétrole et du gaz comptaient pour environ 30 % du budget national, selon l’Oxford Institute for Energy Studies (OIES).
Une production en baisse et des répercussions internes
Ces frappes ont déjà eu des effets notables : la production des raffineries russes a reculé d’environ 10 %, selon Homayoun Falakshahi, analyste chez Kpler. En septembre, elle a diminué d’environ 400.000 barils par jour par rapport au premier semestre, atteignant 4,9 millions de barils, selon Janiv Shah, de Rystad Energy.
Cette contraction a eu un impact direct sur les consommateurs : au 1er septembre, les prix de l’essence au détail avaient grimpé de 6,7 % par rapport à la fin 2024, selon l’agence russe Rosstat, malgré une baisse du prix mondial du baril. Craignant une pénurie, le gouvernement russe a décidé de restreindre les exportations de produits pétroliers jusqu’à la fin de l’année, prolongeant notamment l’interdiction des exportations d’essence.
Un futur « rationnement domestique » ?
Si la baisse des revenus pétroliers russes s’explique encore principalement par le recul des prix mondiaux, les analystes estiment que la situation pourrait s’aggraver. « Lorsque les infrastructures sont endommagées, il faut généralement un temps prolongé pour rétablir leur fonctionnement », souligne M. Shah.
L’Ukraine serait en outre « de plus en plus efficace » dans ses frappes, selon Bjarne Schieldrop, analyste chez SEB, qui juge probable un arrêt complet des exportations russes d’essence et de diesel, voire un futur « rationnement domestique ». L’émissaire américain pour l’Ukraine, Keith Kellogg, n’a d’ailleurs pas exclu que Kiev puisse mener prochainement des frappes en profondeur à l’aide d’armes américaines.
Des sanctions internationales encore inefficaces
Face à ces attaques, la Russie tente de rediriger vers l’exportation une partie du brut initialement destiné à ses raffineries. Mais elle se heurte à des difficultés logistiques et à un nombre restreint de partenaires commerciaux prêts à absorber ces volumes supplémentaires.
Pour Adi Imsirovic, directeur du cabinet Surrey Clean Energy, les sanctions internationales « ne fonctionnent pas » jusqu’ici : le plafonnement du prix du pétrole et la baisse des achats européens n’ont pas suffi à enrayer le commerce russe. Vladimir Poutine a eu le temps de mettre en place « un système commercial parallèle avec des navires, des financements et des clients », décrit l’expert. Même les droits de douane additionnels de 25 % imposés en août par Washington sur des produits indiens pour faire pression sur New Delhi n’ont pas produit les effets attendus.
Des capacités de production durablement affaiblies
Le retrait des entreprises pétrolières occidentales a par ailleurs freiné les investissements dans les infrastructures énergétiques russes, limitant les marges de croissance de la production. Aujourd’hui, la Russie produit environ 9,25 millions de barils par jour, pour une capacité maximale estimée à 9,45 millions, contre près de 10 millions avant la guerre, selon Homayoun Falakshahi. Cette érosion progressive de la capacité de production illustre la fragilité d’un secteur pétrolier stratégique désormais sous pression militaire, économique et technologique.
Avec AFP
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