Entrisme islamiste : la commission d’enquête se heurte au refus de LFI
La France insoumise durcit le ton face à la commission d’enquête parlementaire sur les liens entre partis politiques et islamisme. Manuel Bompard estime que Jean‑Luc Mélenchon et les élus Insoumis ne doivent pas répondre aux convocations d’une instance qu’il juge irrégulièrement constituée, tandis que la droite et le gouvernement défendent la légitimité de ses travaux.

Le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard.
Photo: Bertrand GUAY / AFP via Getty Images
La controverse enfle autour de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les liens supposés entre mouvements politiques et réseaux islamistes, que les Insoumis considèrent comme visant implicitement LFI. Le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, a jugé dimanche sur France 3 que les Insoumis, au premier rang desquels Jean‑Luc Mélenchon, ne doivent pas répondre aux « invitations » de cette commission.
Une composition contestée par LFI
Au cœur de la critique figure la composition du bureau de la commission, qui ne comprend aucun député issu des groupes de gauche. Les Insoumis dénoncent une entorse au règlement de l’Assemblée, lequel prévoit que les nominations doivent se faire en s’« efforçant de reproduire la configuration politique de l’Assemblée ».
Ils y voient la preuve d’un déséquilibre politique de l’instance, qui selon eux invalide le cadre dans lequel se déroulent les auditions.
« Je considère que cette commission d’enquête ne respecte pas les règles et donc ce n’est pas une commission d’enquête. Et donc je considère que les Insoumis ne doivent pas répondre à ses invitations », a déclaré M. Bompard.
Les rappels du rapporteur Matthieu Bloch
Le rapporteur de la commission d’enquête, Matthieu Bloch (Union des droites pour la République), rejette cette lecture. Sollicité par LCP, il rappelle qu’à l’origine la députée socialiste Sophie Pantel avait été élue présidente de la commission.
« On ne peut donc pas nous reprocher un manque de représentativité », estime le rapporteur, qui rappelle que la présidente avait rapidement démissionné en juillet, en invoquant précisément le déséquilibre du bureau arrêté après son élection.
Une « fable » anti‑LFI ?
Jean‑Luc Mélenchon lui‑même s’est saisi du sujet dans une note publiée sur son blog le 21 novembre. Il y qualifie la commission de « commission Wauquiez anti‑LFI » et estime qu’elle « sombre dans le ridicule ».
Selon le fondateur de La France insoumise, l’instance aurait été mise en place pour « écrire une fable où La France Insoumise serait accusée d’entretenir des liens avec des groupes terroristes ou fanatiques islamiques ».
Matthieu Bloch défend, lui, la raison d’être de l’instance face aux accusations de « cirque médiatique ». « On n’est pas là pour se faire LFI », affirme le rapporteur ciottiste.
Selon lui, la commission d’enquête « va permettre de faire un état des lieux précis sur le phénomène d’entrisme dans notre pays » et doit déboucher sur des « propositions concrètes », notamment pour éclairer les élus locaux.
Le gouvernement regrette le refus de LFI
Le ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, déplore la position de LFI sur les plateaux de télévision. Interrogé dimanche sur BFMTV, il juge « dommage » que les Insoumis refusent de répondre à la convocation de la commission d’enquête.
Le ministre met en cause le discours de LFI lorsqu’elle accuse le gouvernement français d’« islamophobie » en raison de sa lutte contre l’entrisme. À ses yeux, « indirectement, quand vous critiquez le gouvernement français et que vous le traitez d’islamophobe parce qu’il mène des actions pour lutter contre l’entrisme (…), en reprenant un discours de l’islam politique qui dit qu’en fait le gouvernement français est islamophobe, quelque part en condamnant l’action du gouvernement, vous donnez du crédit à cette mouvance ». Pour lui, il serait « intéressant d’entendre » LFI sur ce point.
Auditions politiques à la chaîne
Malgré les réticences de LFI, la commission poursuit ses travaux et maintient son calendrier. Mardi, elle doit auditionner la patronne des Écologistes, Marine Tondelier, à 16h30, puis prévoit d’interroger le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, jeudi, selon une source parlementaire.
« Marine Tondelier a été contactée en même temps, et a répondu tout de suite », souligne Matthieu Bloch, qui insiste sur le caractère « constructif » de la démarche : « Cette commission n’est pas faite pour faire des coups politiques, du cirque médiatique. C’est une commission d’enquête constructive. Il a tout intérêt à venir », ajoute‑t‑il à propos de Jean‑Luc Mélenchon, en assurant que le travail mené « doit permettre de voir comment on peut améliorer les choses sur le phénomène de l’entrisme ».
Une échéance proche pour les travaux
Constituée après de multiples soubresauts politiques, la commission arrive déjà à l’échéance de son calendrier. Elle doit conclure ses travaux autour du 10 décembre.
Dans l’intervalle, les députés ont entendu de nombreux acteurs : journalistes, sondeurs, chercheurs universitaires, mais aussi plusieurs hauts responsables publics.
Parmi les personnalités déjà entendues figurent le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez, le ministre de l’Enseignement supérieur Philippe Baptiste, le directeur du renseignement de la préfecture de police de Paris, Hugues Bricq, le directeur général de la sécurité extérieure, Nicolas Lerner, ainsi que le directeur de Tracfin, Antoine Magnant.
Comme les autres commissions d’enquête parlementaires, cette instance dispose de pouvoirs étendus : elle peut convoquer des personnes avec obligation de comparution, mener des investigations et conduire des auditions sous serment.
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