Casse du Louvre
Casse du Louvre : Portrait de « Doudou Cross Bitume », un suspect aux deux visages
Abdoulaye N., 39 ans, incarne un paradoxe troublant. Celui qui se fait appeler "Doudou Cross Bitume" sur les plateformes sociales est aujourd'hui soupçonné d'avoir participé au spectaculaire cambriolage du musée du Louvre. Sur TikTok et Instagram, cet habitant d'Aubervilliers cultivait l'image d'une "légende" locale, athlète urbain et passionné de moto-cross. Désormais, il fait face à des accusations autrement plus graves : vol en bande organisée et association de malfaiteurs.

Vue extérieure après le cambriolage au Louvre à Paris, France, le 30 octobre 2025.
Photo: MAGALI COHEN/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Le contraste saisit immédiatement. Comment un homme qui exposait publiquement ses performances sportives et sa passion pour les deux-roues a-t-il pu se retrouver impliqué dans une opération nécessitant discrétion et minutie ? Cette double identité interroge les enquêteurs comme les observateurs de cette affaire hors norme.
L’exhibition permanente d’un athlète urbain
Avec 201 abonnés sur Instagram et une présence active sur plusieurs plateformes (TikTok, YouTube, Dailymotion), Abdoulaye N. s’était forgé une identité numérique bien définie. Ses 18 publications dressent le portrait d’un sportif ancré dans la culture du « street workout », cette pratique de musculation en plein air qui transforme la ville en terrain de jeu.
Les vidéos le montrent enchaînant les figures acrobatiques, mais aussi pratiquant le snowboard ou chevauchant diverses machines : une imposante Yamaha FJR 1300, une Honda CRF de cross, et surtout un scooter Tmax. Ce dernier détail a retenu l’attention des enquêteurs, puisque c’est précisément ce type de véhicule qu’ont utilisé les suspects pour s’enfuir après le cambriolage du 19 octobre.
Son univers culturel, révélé à travers ses comptes, mêle références au rap américain des années 90 (Tupac Shakur, Death Row Records), aux séries télévisées (The Sopranos), aux mangas (Dragon Ball Z) et aux super-héros. Un éclectisme qui contraste avec l’image stéréotypée du criminel organisé.
Des preuves scientifiques accablantes
L’arrestation d’Abdoulaye N. et de son complice présumé, un homme de 34 ans également originaire d’Aubervilliers, est intervenue le 25 octobre, six jours après le casse. Les deux hommes sont soupçonnés d’avoir fait partie du commando de quatre individus qui s’est introduit dans la prestigieuse galerie d’Apollon.
Les analyses ADN constituent l’élément central de l’accusation. Les traces génétiques d’Abdoulaye N. auraient été identifiées sur une vitrine brisée et sur des objets abandonnés lors de la fuite. Quant à son complice supposé, son ADN aurait été prélevé sur l’un des deux scooters Tmax utilisés pour disparaître dans les rues parisiennes.
Des profils qui déjouent les attentes
« Généralement, on n’associe pas ces profils au haut du spectre de la criminalité organisée », a souligné la procureure de Paris, Laure Beccuau. Effectivement, un chauffeur de taxi clandestin déjà connu pour des vols aggravés et un ancien livreur ne correspondent guère à l’image des cerveaux du crime.
Abdoulaye N. devait d’ailleurs comparaître ce mercredi devant le tribunal de Bobigny pour une affaire de dégradation remontant à 2019, sans rapport avec le Louvre. L’audience a été reportée au 17 avril, le prévenu ayant refusé de comparaître par visioconférence depuis sa cellule.
Écroué avec trois autres suspects, il est poursuivi pour vol en bande organisée, un crime passible de quinze ans de réclusion criminelle. Lors de sa mise en examen, ses déclarations ont été qualifiées de « minimalistes » par le parquet. Sa défense, elle, insiste sur la présomption d’innocence et rectifie : « On parle de braquage, c’est une erreur. Il s’agit d’un cambriolage. »
Le butin demeure introuvable
Les huit joyaux de la Couronne dérobés, dont la valeur est estimée à 88 millions d’euros, n’ont toujours pas été récupérés. Cette question demeure la plus préoccupante pour les enquêteurs.
Sur les réseaux sociaux, les comptes de « Doudou Cross Bitume » sont devenus le théâtre de commentaires moqueurs depuis son arrestation. « T’as fait quoi des diamants ? », « Rends les bijoux », peut-on lire parmi des centaines de messages ironiques adressés à celui qui se proclamait « légende » de son quartier.
L’instruction se poursuit, tandis que le mystère plane encore sur l’identité complète du commando et le sort du trésor national dérobé.
Avec AFP

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