Camions surchargés, bêtes en souffrance : la réforme européenne du transport des animaux à l’arrêt

Un camion transportant du bétail contrôlé à la station autoroutière Brockbachtal-Sued près de Lotte, dans l'ouest de l'Allemagne, le 11 octobre 2007.
Photo: SASCHA SCHUERMANN/DDP/AFP via Getty Images
Il y a deux ans, la Commission européenne a présenté une proposition de loi destinée à améliorer les conditions de transport des animaux vivants en Europe. Ce texte visait notamment à limiter à neuf heures les trajets des animaux destinés à l’abattoir, à augmenter l’espace attribué à chaque bête dans les camions et à les protéger des températures extrêmes, en imposant par exemple le transport de nuit lors des périodes de forte chaleur.
Une négociation à l’arrêt
Malgré ces objectifs, la négociation autour de ce texte est aujourd’hui totalement bloquée. Les éleveurs s’opposent largement à la réforme, qu’ils jugent inadaptée à la réalité de terrain. Depuis la grande contestation agricole de 2024, plusieurs États membres et l’aile droite du Parlement européen cherchent à ménager la profession. Cette impasse rend l’avenir de la réforme particulièrement incertain.
Désaccord profond au Parlement européen
Au Parlement, les deux rapporteurs chargés du dossier, l’écologiste luxembourgeoise Tilly Metz et le député roumain de droite Daniel Buda, peinent à trouver un terrain d’entente. Tilly Metz déplore une situation « complètement bloquée » et « très frustrante », arguant que le texte remet en cause l’élevage intensif — une évolution qu’elle estime soutenue par l’opinion publique européenne. Face à elle, Daniel Buda plaide pour une simple adaptation ciblée de la législation actuelle (qui date de 2005), qu’il considère déjà à la pointe sur la scène internationale. Il insiste sur la nécessité d’écouter les syndicats agricoles, « qui connaissent mieux que quiconque la situation sur le terrain ».
Critiques des professionnels et débats techniques
La réglementation européenne actuelle permet des trajets variant de 8 à 28 heures selon les espèces, avec parfois l’absence de pauses obligatoires pour certaines (notamment les porcs). Les températures admises dans les camions peuvent aller de 5 à 30 degrés, avec une marge tolérée de 5 degrés supplémentaires. Du côté de l’élevage, la filière juge la réglementation « plutôt bien faite » et considère que les vrais problèmes viennent du manque de contrôles, souvent aux frontières.
Certains professionnels défendent aussi le maintien d’une forte densité des animaux pendant le transport, arguant qu’« il vaut mieux que les animaux soient les uns contre les autres pour éviter incidents et chutes en cas de coup de frein », selon Patrick Bénézit, vice-président de la FNSEA.
L’avis des scientifiques et des ONG
Pourtant, la proposition de loi s’appuie sur les avis scientifiques et recommandations de l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui préconise des trajets plus courts, plus d’espace et des températures abaissées pour garantir la santé des animaux – un facteur-clé pour la sécurité alimentaire. Les ONG environnementales dénoncent quant à elles les « nombreuses lacunes » d’une législation « vieille de vingt ans ». Selon Tea Dronjic, vétérinaire de l’ONG Animal Welfare Foundation, l’espace prévu pour les animaux reste « très vague et surtout insuffisant ».
L’EFSA affirme avoir fourni des preuves scientifiques et regrette que « de nombreux États membres s’opposent » à cette évolution, situation jugée « incompréhensible » par Tea Dronjic.
Des contrôles souvent en défaut, notamment aux frontières
Les ONG illustrent ces failles par des missions sur le terrain, comme à la frontière bulgaro-turque, où elles dénoncent régulièrement la situation dramatique d’animaux bloqués de nombreux jours dans des camions, publiant des images choc de bêtes blessées, parfois en train de mettre bas dans des conditions déplorables.
Le sort incertain de la réforme
La Commission européenne rappelle qu’il appartient désormais aux États membres et aux eurodéputés de trancher, et espère « une adoption rapide ». Un point d’étape entre les États doit avoir lieu en décembre, mais pour l’heure, aucune avancée concrète n’est en vue.
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