Budget de la Sécu : le Sénat s’oppose à la suspension de la réforme des retraites
Le Sénat s'est opposé massivement, mardi soir, à la suspension de la réforme des retraites dans le cadre du budget de la Sécurité sociale, marquant son désaccord avec la concession majeure du Premier ministre, Sébastien Lecornu, en direction des socialistes.

Photo: AUGUSTIN PASQUINI/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Par 190 voix contre 108, la chambre haute, dominée par la droite, a refusé ce décalage à janvier 2028 de la réforme « Borne » portant l’âge légal de départ à 64 ans.
Ce rejet ne signe pas pour autant l’enterrement définitif de la mesure, qui pourra être réintroduite par l’Assemblée nationale, mais il hypothèque un peu plus la possibilité d’un compromis entre les deux chambres sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, à la veille d’une commission mixte paritaire (CMP) entre députés et sénateurs qui s’annonce d’ores et déjà vouée à l’échec.
En toile de fond, c’est l’équilibre politique du quinquennat qui se joue autour de cette suspension, présentée par Matignon comme un geste envers la gauche et vue par la droite comme une ligne rouge budgétaire.
Une concession gouvernementale sèchement retoquée
« La suspension de la réforme des retraites, c’est le tribut payé par le gouvernement à la gauche pour durer », a martelé le président des Républicains, Bruno Retailleau, redevenu sénateur, refusant de « reporter sur les générations futures le fardeau de l’endettement ». Dans le même camp, la sénatrice LR Pascale Gruny a fustigé une mesure de « poudre de Perlimpinpin », en redoutant qu’elle ne vienne « sacrifier la jeunesse » pour « sauver le gouvernement ».
Le coût total du dispositif est évalué à 300 millions d’euros en 2026 et 1,9 milliard en 2027, en incluant l’extension aux carrières longues de la suspension de la réforme Borne. Pour la majorité sénatoriale, cette facture alourdit un budget social déjà sous tension et contredit l’objectif de maîtrise de la dépense publique, au cœur de son argumentaire contre la manœuvre de l’exécutif.
Une gauche vent debout contre la droite
Au cours de débats fermes mais globalement respectueux, la gauche a multiplié les attaques à l’adresse de la droite et des centristes, qu’elle accuse de « refuser le compromis » par « idéologie ». Le chef des sénateurs PS, Patrick Kanner, a dénoncé le « matraquage méthodique, inique, cynique » par la droite « des quelques avancées qui avaient été obtenues à l’Assemblée nationale ».
« Ce vote démontre que le Sénat ne cherche pas le compromis », a-t-il affirmé devant des journalistes.
« J’espère que le Premier ministre trouvera les voies et moyens pour un compromis avant la deuxième lecture à l’Assemblée nationale », prévue la semaine prochaine, a insisté le patron des socialistes, misant désormais sur le retour du texte au Palais-Bourbon.
L’exécutif en quête de « convergence »
Devant les sénateurs, le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, a défendu la suspension de la réforme des retraites, présentée comme une « condition pour donner une stabilité politique et économique à notre pays ». Après le scrutin, le ministre s’est tourné directement vers la droite, l’invitant au « recul et à la réflexion ».
« Nous avons au Sénat des groupes sur lesquels bâtir la fameuse convergence dont on a besoin. Si on n’y arrive pas, je ne sais pas si c’est le chaos, mais il va se passer des choses bizarres et curieuses. Je ne sais pas si ça fait du bien au pays quand même », a-t-il encore lancé en direction de Bruno Retailleau.
Les sénateurs doivent se prononcer mercredi sur l’ensemble du budget de la Sécurité sociale, dans un climat politique alourdi par ce nouveau bras de fer autour des retraites.

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