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Opinion

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Boualem Sansal libéré : « Le régime algérien, pour ne pas perdre la face, ne pouvait pas sortir de son isolement en s’adressant directement à la France», souligne Arnaud Benedetti

ENTRETIEN – Presque un an jour pour jour après son incarcération, l’écrivain Boualem Sansal a été gracié mercredi par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, avant de prendre un vol pour l’Allemagne. Une libération qui a notamment été rendue possible grâce à la médiation du président allemand, Frank-Walter Steinmeier.

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Arnaud Benedetti.

Photo: DR

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Durée de lecture: 6 Min.

Arnaud Benedetti est le fondateur du Comité de soutien international à Boualem Sansal et le directeur de la Nouvelle Revue Politique. Dès le début de cette affaire, nous savions que l’Allemagne était l’un des pays qui pouvait jouer un rôle important dans la libération de l’écrivain, explique-t-il.
Epoch Times – Comment avez-vous réagi à la libération de l’essayiste ?
Arnaud Benedetti – Cela a été un soulagement et une joie évidente pour moi-même, mais aussi pour tous les membres du comité de soutien. Nous avons été d’autant plus soulagés que la bataille a été difficile et souvent pleine d’incertitudes.
Nous sommes passés par tellement de phases d’espoir et de doutes qu’il nous est parfois arrivé de nous interroger sur la faisabilité de l’objectif de libération de Boualem Sansal.
Tout s’est indéniablement accéléré ces derniers jours. Et c’est à partir de là que nous avons commencé à être plus optimistes quant à l’issue de la situation. Notre optimisme a été récompensé cette fois-ci.
Lundi, le chef d’État allemand a exhorté son homologue algérien à gracier Boualem Sansal. Le rôle de Berlin a donc été déterminant dans la libération de l’écrivain ?
L’avion qui transportait Boualem Sansal s’est posé à Berlin et non pas à Paris. Nous pouvons donc en déduire que l’initiative allemande, qui ne s’est pas faite non plus sans concertation avec la France, a été le facteur déterminant qui a permis de débloquer la situation.
Dès que nous avons pris connaissance de la déclaration du président allemand, nous avons tout de suite cru en la libération de Boualem Sansal puisqu’elle comportait des éléments solides qui rendaient cette issue plausible.
Ensuite, une dépêche de l’agence de presse officielle du régime algérien nous a confortés dans notre optimisme puisqu’elle indiquait que l’initiative allemande allait faire l’objet d’un examen.
Cette médiation allemande n’est-elle pas, d’une certaine manière, une surprise ?
Non, puisque dès le début de cette affaire, nous savions que l’Allemagne était l’un des pays qui pouvait jouer un rôle important dans la libération de l’écrivain.
Par ailleurs, en décembre 2024, lorsque le président algérien a annoncé des mesures de grâce présidentielle pour plus de 2 400 détenus, la piste de la médiation allemande avait déjà été évoquée.
Le rôle joué par Berlin est d’autant moins surprenant que la relation entre l’Allemagne et l’Algérie n’est pas contrainte par le poids de l’histoire, comme celle entre Paris et Alger.
Et manifestement, le président allemand entretenait, depuis quelque temps, une relation de confiance avec Abdelmadjid Tebboune. Le président algérien lui-même se fait d’ailleurs soigner en Allemagne aujourd’hui.
N’oublions pas un autre élément majeur. Boualem Sansal est un écrivain très lu outre-Rhin, au point qu’il a reçu en 2011 le Prix de la paix des libraires allemands. Cela a certainement joué sur la détermination des autorités allemandes à agir dans ce dossier.
Avez-vous désormais plus d’espoir quant à la libération du journaliste Christophe Gleizes, condamné en juin à sept ans de prison ferme pour « apologie du terrorisme » ? On sait qu’il va être rejugé en appel le 3 décembre.
En tout cas, nous espérons qu’il sera libéré le plus vite possible. Bien que notre comité ait été initialement créé pour obtenir la libération de Boualem Sansal, nous avons insisté pour que le sort de Christophe Gleizes soit lié à celui de Boualem.
Après la grâce accordée par le président algérien à Boualem Sansal, peut-on parler d’apaisement des relations entre Paris et Alger ou est-ce encore trop tôt ?
Il est encore trop tôt pour le dire. Cependant, il est certain que l’une des conditions pour que l’on puisse renouer un dialogue apaisé avec Alger était d’obtenir cette libération.
En même temps, il y a, actuellement, tout un contexte géopolitique qui n’est pas très favorable au régime algérien.
Alger a perdu des soutiens internationaux de poids sur la question du Sahara occidental. Les Chinois et les Russes se sont abstenus au Conseil de sécurité de l’ONU le 31 octobre lors d’un vote d’une résolution soutenant le plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental.
Et puis, son voisin du Sud, le Mali, est aujourd’hui en grande difficulté à cause des djihadistes.
À cela s’ajoutent certainement des tensions à l’intérieur même du pouvoir algérien.
Tous ces éléments ont fait qu’Alger devait rompre avec une forme d’isolement. Évidemment, le régime algérien, pour ne pas perdre la face, ne pouvait pas sortir de son isolement en s’adressant directement à la France. D’où l’intervention de l’Allemagne.
 

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.