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Éponges marines

Zanzibar : quand les éponges marines deviennent l’or bleu des femmes

Chaque matin, dans les eaux cristallines de Zanzibar, un spectacle inhabituel se déroule. Des femmes vêtues de longues robes colorées et de voiles se frayent un chemin dans les eaux peu profondes de l'archipel tanzanien. Leur mission ? S'occuper de leurs cultures d'éponges marines, une activité devenue leur bouée de sauvetage économique.

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Des membres de la coopérative des cultivateurs d'éponges de Zanzibar, une organisation dirigée par des femmes, s'occupent de leur exploitation au large de la côte de Jambiani, le 25 octobre 2025.

Photo: MARCO LONGARI/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

Le réchauffement climatique n’épargne personne, pas même les communautés côtières de Jambiani. Les températures océaniques en hausse, combinées à la surpêche intensive et à la pollution croissante, ont progressivement détruit les écosystèmes marins locaux. La culture d’algues, pilier économique traditionnel du village, a été particulièrement touchée.
« Les températures élevées ont décimé les algues et la diminution des stocks de poissons a poussé de nombreux pêcheurs à abandonner leur métier », constate Ali Mahmudi, responsable du projet pour l’ONG suisse Marine Cultures.

Une reconversion réussie : l’élevage d’éponges

Face à cette crise, les habitantes de Jambiani ont dû se réinventer. Elles se tournent désormais vers l’élevage d’éponges marines, une activité paradoxalement favorisée par les eaux plus chaudes. Ces organismes marins, qui servent de refuge et de source alimentaire à de nombreuses créatures, trouvent dans ces nouvelles conditions un environnement propice.
Depuis la plage, on distingue des perches noires émergeant de l’eau turquoise, supportant des rangées d’éponges en croissance.

« J’étais stupéfaite » : le témoignage de Nasiri

« J’ai été stupéfaite d’apprendre que des éponges existent dans l’océan », confie Nasiri Hassan Haji, 53 ans, qui pratique cette activité depuis plus d’une décennie. Cette mère de quatre enfants cultivait autrefois des algues, un travail qu’elle décrit comme épuisant et peu rentable.

Un projet pilote devenu success story

En 2009, l’association Marine Cultures a initié une ferme expérimentale avec des veuves du village pour tester le potentiel de cette activité. Le pari était audacieux dans un archipel où plus d’un quart des 1,9 million d’habitants vit sous le seuil de pauvreté.

Une agricultrice de la coopérative des cultivateurs d’éponges de Zanzibar, une organisation dirigée par des femmes, tient une éponge de mer dans sa ferme au large de la côte de Jambiani, le 25 octobre 2025. (MARCO LONGARI/AFP via Getty Images)

La réussite a dépassé toutes les espérances. Le marché des éponges naturelles connaît une expansion constante, porté par la demande croissante de produits écologiques. L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) évaluait ce marché à 20 millions de dollars en 2020.

Des revenus qui changent des vies

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon leur taille, les éponges peuvent atteindre 30 dollars l’unité, et une ferme peut en abriter jusqu’à 1.500 spécimens.
« Cela a changé ma vie. J’ai pu construire ma propre maison », s’exclame Shemsa Abbasi Suleiman, 53 ans, le visage rayonnant. De nombreuses femmes ont depuis rejoint la coopérative pour développer cette activité prometteuse.

Vaincre ses peurs pour saisir sa chance

Le chemin vers le succès n’a pas été sans obstacles. « Au début, j’avais peur de me lancer car je ne savais pas nager. Beaucoup me décourageaient, disant que j’allais me noyer », se souvient Nasiri Haji. Déterminée, elle a appris à nager à 39 ans grâce au programme d’une ONG.

Un double bénéfice : économique et écologique

Au-delà des revenus générés pour les populations locales, les éponges marines jouent un rôle crucial pour l’environnement. Leur structure squelettique facilite la capture du carbone dans les écosystèmes coralliens, tandis que leur corps poreux filtre et purifie naturellement l’eau de mer.
Un atout majeur quand on sait que, selon les Nations unies, « l’océan est en crise profonde », avec environ 60% des écosystèmes marins mondiaux dégradés ou exploités de manière non durable.
Les éponges participent également à la restauration des récifs coralliens, véritables sanctuaires abritant 25% de la vie marine et actuellement menacés.
« Ce qui m’a séduit, c’est que nous ne détruisons pas l’environnement », souligne Nasiri Haji avec fierté.

Contexte tanzanien : des élections controversées

Zanzibar fait partie intégrante de la Tanzanie. Comme dans l’ensemble du pays, le parti au pouvoir CCM a été déclaré vainqueur des élections législatives et présidentielle organisées fin octobre.
Le scrutin a toutefois été marqué par de graves violences en Tanzanie continentale. Selon l’opposition et des défenseurs des droits humains, la répression brutale de manifestations anti-gouvernementales aurait fait des centaines, voire des milliers de victimes. L’ONU a réclamé l’ouverture d’une enquête sur ces événements.
Avec AFP