À Paris, l’appartement du poète Jacques Prévert menacé par un projet d’expansion du Moulin Rouge
L’appartement parisien du poète Jacques Prévert tombera-t-il dans l’oubli ? Un projet d’expansion du Moulin Rouge, désireux de ressusciter la scène légendaire de Mistinguett, fait peser une menace sur la demeure de l’auteur au cœur de Montmartre.
Paris, 25 avril 2024 : l’appartement de Jacques Prévert (arrière gauche) et celui de Boris Vian (arrière centre), au-dessus du cabaret du Moulin Rouge.
Photo: GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP via Getty Images
Réuni cette semaine, le Conseil de Paris – l’assemblée délibérante de la Ville – a adopté un vœu pressant l’État d’intervenir « rapidement » pour sauver ce patrimoine « unique », véritable témoin de l’histoire littéraire et culturelle parisienne.
Jacques Prévert, dont l’œuvre est traduite et étudiée dans le monde entier, a vécu plus de vingt ans Cité Véron, étroite impasse tapissée de vignes à l’ombre du célèbre cabaret. Il y retrouva son ami Boris Vian et sa compagne Ursula Vian-Kübler, où tous animaient les soirées extravagantes du Collège de Pataphysique, cette fantaisie intellectuelle inspirée par Alfred Jarry.
Un écrin menacé par l’ambition du Moulin Rouge
Cet appartement, perché sur une terrasse partagée, jouxte le site de la salle Mistinguett, l’une des scènes mythiques du music-hall parisien. « La salle Mistinguett, c’est la salle historique du Moulin Rouge », rappelle son directeur général, Jean-Victor Clérico. Le projet de rénovation prévoit la transformation en un théâtre à l’italienne digne des futures grandes revues, et la non-reconduction des baux, décidée en septembre dernier, oblige les ayants droit à quitter les lieux d’ici mars 2026.
Un musée vivant voué à disparaître ?
Le logement de Prévert, siège de l’association « Chez Jacques Prévert », abrite un musée visité sur rendez-vous. On y retrouve le bureau de l’écrivain, son téléphone, ses toiles, et la chambre de sa fille Michèle, immortalisée au cinéma en 1956. « Toute la mémoire de mon grand-père est là », insiste Eugénie Bachelot-Prévert, petite-fille de l’auteur, qui valorise l’architecture signée Jacques Couëlle : murs organiques, niches creusées et esprit méditerranéen s’expriment en plein Paris.
Dialogue tendu autour de la mémoire du lieu
La mairie de Paris, les héritiers et le Moulin Rouge s’opposent sur le devenir du site. Si le cabaret propose une relocalisation de l’appartement, les opposants plaident pour une préservation in situ. La Ville réclame une protection officielle, un vœu relayé par les élus communistes.
Discussions et conciliations se poursuivent auprès de la Direction régionale des affaires culturelles : « Le ministère de la Culture suit avec attention ce dossier ». Le maire du 18ᵉ arrondissement propose quant à lui une médiation. Le dialogue est ouvert, sur fond d’attachement patrimonial et d’ambitions scéniques pour le Montmartre du XXIe siècle.
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