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Vos os gardent la mémoire des cigarettes que vous avez fumées

Des ossements anciens aident les scientifiques à mieux comprendre les effets durables du tabac et de la pollution sur la santé des os. Imaginez ceci : il y a des centaines d’années, un homme allume une cigarette, et la fumée s’envole au gré du vent. Des siècles plus tard, les scientifiques peuvent encore retrouver cette « mémoire du tabagisme » conservée dans ses os.

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Photo: Epoch Times/Shutterstock

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Durée de lecture: 7 Min.

Une équipe de chercheurs de l’université de Leicester, au Royaume-Uni, a publié ses découvertes dans la revue Science Advances, révélant que les fumeurs laissent dans leurs os des signatures moléculaires uniques qui, même après des siècles d’inhumation, peuvent encore révéler leurs habitudes de tabac.

Un voyage à travers le temps

L’équipe de recherche a analysé 323 restes humains anciens, datés entre le XIIe et le XIXe siècle, couvrant ainsi la période précédant et suivant l’introduction du tabac en Europe et sa popularisation en Grande-Bretagne.
Les échantillons comprenaient 177 personnes issues du cimetière de St. James’s Garden, à Londres, datant des XVIIIe et XIXe siècles — une époque où les défunts vivaient dans un environnement urbain industrialisé, saturé de fumées de charbon et d’émanations chimiques. Les 146 autres provenaient du cimetière rural de Barton-upon-Humber, dans le North Lincolnshire. Parmi eux, 45 avaient vécu entre 1150 et 1500, avant l’arrivée du tabac en Europe, tandis que les 101 autres avaient vécu entre 1500 et 1855, après son introduction. Ce cadre temporel ingénieusement conçu permettait d’utiliser la population antérieure à l’ère du tabac comme « groupe témoin sans tabagisme », afin de vérifier la validité de la méthode d’analyse.

Quand les dents ne suffisent plus

Traditionnellement, les archéologues se fient aux dents pour identifier les fumeurs. Le tabagisme à long terme, notamment la pipe, laisse des marques d’usure caractéristiques sur les dents, tandis que le tabac provoque des taches brunes sur l’émail. Mais cette méthode présente de grandes limites.
Dans cette étude, seules 90 personnes (soit 28 %) ont pu être identifiées comme fumeurs à partir de leurs dents, tandis que 68 autres (21 %) dotées de dents intactes ont été confirmées comme non-fumeurs. Au total, 153 individus (47 %) n’ont pas pu être catégorisés en raison de dents manquantes ou endommagées. Plus problématique encore : les fumeurs occasionnels, les utilisateurs de tabac à priser ou les fumeurs passifs ne laissent aucune trace dentaire. Les scientifiques se sont donc tournés vers les os pour trouver des réponses.

À la recherche d’un « profil de fumeur »

Les chercheurs ont prélevé environ 40 milligrammes d’os cortical sur le fémur (l’os de la cuisse) de chaque individu — soit à peu près le poids d’un grain de riz — et les ont analysés par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse à haute résolution, une technique permettant d’identifier avec précision les composés chimiques d’un échantillon selon leur masse et leur structure.
Après un tri rigoureux des données — passant de 3083 signaux moléculaires détectés à 125 signatures biologiques jugées fiables —, les chercheurs ont découvert 45 « marqueurs chimiques » permettant de distinguer clairement les fumeurs des non-fumeurs. Les os des fumeurs présentaient des concentrations nettement plus élevées de 15 substances spécifiques, tandis que ceux des non-fumeurs contenaient des taux supérieurs de 17 autres composés. Treize autres molécules montraient également des différences significatives entre les deux groupes.
En d’autres termes, tout comme les empreintes digitales permettent d’identifier une personne, la combinaison de ces concentrations chimiques forme une « empreinte chimique ». Les fumeurs possèdent un schéma distinct, les non-fumeurs un autre — et les deux ne se recoupent pas.
Ces différences sont stables et nettes. Lorsqu’ils ont utilisé des modèles statistiques pour analyser les données, les chercheurs ont constaté que les fumeurs et les non-fumeurs formaient deux groupes clairement séparés sur les graphiques, presque parallèles, sans chevauchement notable.

Pourquoi l’histoire du tabagisme se cache-t-elle dans les os ?

L’os n’est pas un tissu statique : il se renouvelle continuellement tout au long de la vie. Les informations métaboliques issues des cellules osseuses se figent dans la structure même de l’os. Lorsqu’une personne fume du tabac, les substances chimiques pénètrent dans la circulation sanguine et affectent le métabolisme de tout le corps, y compris celui des cellules osseuses. Ces changements métaboliques laissent des « fossiles chimiques » enregistrés de manière permanente dans les os.
L’étude s’est concentrée sur l’os cortical, la couche externe dense du tissu osseux, moins vulnérable aux perturbations environnementales. Même si la surface osseuse change de couleur selon la composition du sol ou le degré d’humidité, sa signature chimique interne demeure intacte.

Des traces de pollution environnementale

Les os provenant de zones rurales et urbaines présentaient également des caractéristiques distinctes. Dans les échantillons ruraux, la différence entre fumeurs et non-fumeurs apparaissait nettement. En revanche, dans les os issus du Londres industrialisé, la distinction était plus floue.
Au cours de la Révolution industrielle, l’air londonien était saturé de suie et de rejets chimiques. Ces polluants semblent affecter le métabolisme osseux d’une manière similaire au tabac, brouillant ainsi le signal chimique du tabagisme. Cette observation rejoint d’autres travaux montrant que la pollution atmosphérique réduit la densité osseuse et accroît le risque de fractures.

Effets du tabagisme sur les os et la santé

Bien que cette étude n’ait pas directement exploré les maladies, la médecine moderne établit clairement les effets néfastes du tabac sur la santé osseuse. Le tabagisme réduit la densité minérale des os, accélère l’ostéoporose, augmente le risque de fractures et retarde la consolidation en cas de fracture. Il accroît également le risque de parodontite, une maladie grave des gencives pouvant entraîner une perte osseuse au niveau de la mâchoire.
Les chercheurs estiment en outre que le tabagisme à la pipe a l’effet le plus marqué sur les os, tandis que le tabac à mâcher aurait un impact relativement faible.
Cette étude démontre que les effets délétères du tabac ne sont nullement exagérés — et que la pollution environnementale influence elle aussi la santé osseuse. Pour les personnes vivant aujourd’hui, le message le plus clair est sans ambiguïté : arrêter de fumer dès que possible.
 

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