Un groupe aéronaval américain met le cap sur l’Amérique latine : ce qu’il faut savoir
Le groupe aéronaval du Gerald R. Ford va projeter sa puissance dans la région, sur fond d’intensification des frappes létales américaines contre des bateaux de narcotrafiquants présumés.
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Un MH-60S Sea Hawk passe devant l’USS Gerald R. Ford (CVN 78) en mer du Nord, le 24 septembre 2025.
Photo: US Navy, Mass Communication Specialist 3rd Class Gladjimi Balisage
Le Pentagone a annoncé, le 24 octobre, avoir ordonné au groupe aéronaval du Gerald R. Ford de mettre le cap sur l’Amérique latine afin d’appuyer les efforts de lutte contre le trafic de drogue dans la région.
« En soutien à la directive du Président visant à démanteler les organisations criminelles transnationales (TCO) et à contrer le narco‑terrorisme pour la défense du territoire, le Secrétaire à la Guerre a dirigé le groupe aéronaval du Gerald R. Ford et sa flottille embarquée vers la zone de responsabilité (AOR) du Commandement Sud des États‑Unis (USSOUTHCOM) », a affirmé vendredi le porte‑parole du Pentagone, Sean Parnell, sur X.
Officiellement chargé de traquer les passeurs, ce déploiement amènera un arsenal américain considérable dans la région à un moment de fortes tensions entre les États‑Unis et le président vénézuélien Nicolás Maduro.
Voici ce qu’il faut savoir sur ce déploiement aéronaval.
Montée en puissance actuelle
Le groupe aéronaval du Ford met le cap sur la zone de responsabilité du SOUTHCOM, qui couvre l’Amérique du Sud, les Caraïbes et toute l’Amérique centrale à l’exception du Mexique.
Les forces américaines se massent depuis des semaines dans cette zone, incluant trois destroyers lance‑missiles, un croiseur lance‑missiles, un sous‑marin d’attaque et un navire de combat littoral.
S’y trouve également un groupe amphibie prêt au combat, composé de deux bâtiments de transport de chalands de débarquement et d’un navire d’assaut amphibie. Ce groupe peut mettre en œuvre des hélicoptères et des AV‑8B Harrier. Le 22e Marine Expeditionary Unit y est embarqué.
À ces moyens s’ajoutent dix chasseurs furtifs F‑35B Lightning II, ainsi que des drones MQ‑9 Reaper de l’US Air Force et des gunships AC‑130J Ghostrider.
Frappes de bateaux, tensions croissantes avec Maduro
Les forces américaines massées dans la zone SOUTHCOM ont déjà employé une partie de leur puissance de feu contre des passeurs présumés naviguant dans la région.
Depuis septembre, elles ont mené au moins dix frappes létales contre des embarcations suspectes, majoritairement en mer des Caraïbes, et à deux reprises dans l’est du Pacifique.
Depuis l’entrée en fonctions du président Donald Trump, le Département d’État a inscrit treize cartels et organisations criminelles d’Amérique latine et des Caraïbes sur la liste des organisations terroristes étrangères. Plus tôt ce mois‑ci, l’exécutif a notifié au Congrès que les forces américaines sont engagées dans un « conflit armé non international » contre des cartels, qualifiés par l’administration de « combattants illégaux ».
Annonçant la première de ces frappes contre des bateaux suspects le 2 septembre, Donald Trump a décrit la cible comme un bâtiment opéré par des membres du Tren de Aragua, désigné organisation terroriste étrangère en février par le Département d’État. Trump a affirmé que ce groupe « opère sous le contrôle de Nicolás Maduro ».
Capture d’écran du moment précédant une frappe américaine sur un navire suspecté de transporter des stupéfiants dans les eaux internationales près du Venezuela, le 14 octobre 2025. (@realDonaldTrump via Truth Social)
La montée en puissance américaine dans la zone SOUTHCOM a débuté en août, quelques jours après que le Département de la Justice a porté à 50 millions de dollars la récompense pour des informations menant à l’arrestation de M. Maduro. Ce dernier est visé par des poursuites pour trafic de drogue aux États‑Unis, des accusations qu’il conteste.
Trump a rendu l’épreuve de force plus explicite ce mois‑ci en confirmant avoir autorisé la CIA à conduire des opérations clandestines au Venezuela.
La semaine dernière, des bombardiers stratégiques B‑52H Stratofortress ont volé vers le sud depuis les États‑Unis pour mener une « démonstration d’attaque de bombardiers » au‑dessus de la mer des Caraïbes.
Trump a également de plus en plus évoqué le passage d’opérations en mer à des frappes contre des cibles à terre dans la région.
« Vous savez, la terre viendra ensuite, et il se peut que nous allions au Sénat, au Congrès, pour leur en parler. Mais je ne peux pas imaginer qu’ils aient le moindre problème avec cela », a déclaré Trump lors d’une conférence de presse à la Maison‑Blanche, le 23 octobre.
Quelques instants plus tard, au cours de la même conférence, Trump a indiqué qu’il pourrait ne pas solliciter de déclaration formelle de guerre à l’heure d’envisager des frappes sur des cibles terrestres.
« Je ne pense pas que nous allons nécessairement demander une déclaration de guerre », a‑t‑il dit. « Je pense que nous allons simplement tuer des personnes qui amènent de la drogue dans notre pays. D’accord ? Nous allons les tuer. »
Les tensions montent aussi entre Trump et le président colombien Gustavo Petro.
Dans une publication du 18 octobre, M. Petro a accusé les forces américaines d’avoir tué un pêcheur innocent lors d’une frappe en mer en septembre. Trump a ensuite qualifié M. Petro de « dirigeant de la drogue illégal » et annoncé que les États‑Unis allaient réduire leurs subventions à la Colombie et relever les tarifs contre ce pays voisin du Venezuela.
Davantage de puissance de feu en route
Le déploiement du groupe aéronaval du Ford apporte un éventail supplémentaire de capacités de frappe dans la zone SOUTHCOM.
L’aéronavale du porte‑avions comprend trois escadrons de chasseurs F/A‑18 Super Hornet, ainsi qu’un escadron d’E/A‑18G Growler de guerre électronique, conçus pour brouiller et détruire les radars et communications adverses. Elle inclut aussi des appareils de commandement et de contrôle et des hélicoptères dédiés aux missions anti‑sous‑marine et anti‑surface.
Le plus grand porte‑avions du monde, l’USS Gerald R. Ford (CVN 78), dans le détroit de Gibraltar, le 1er octobre 2025. (Seaman Apprentice Alyssa Joy/US Navy)
Le porte‑avions est escorté par une escadre de trois à cinq destroyers lance‑missiles.
« Ces forces renforceront et augmenteront les capacités existantes pour perturber le trafic de stupéfiants et dégrader puis démanteler les TCO », a déclaré M. Parnell vendredi.
Traversée de l’Atlantique
Le groupe aéronaval du Ford pourrait mettre plusieurs jours à projeter sa puissance dans la zone d’opérations du SOUTHCOM.
Le 24 octobre, jour de l’annonce du Pentagone, le porte‑avions était à quai à Split, en Croatie.
L’historien naval Phil Weir a estimé qu’il faudrait entre une et deux semaines au porte‑avions pour traverser l’Atlantique et rejoindre la région SOUTHCOM.
Les destroyers USS Forrest Sherman (DDG‑98) et USS Mitscher (DDG‑57) — qui avaient appareillé avec le groupe du Ford en juin — ont été aperçus cette semaine, respectivement en mer Rouge et en mer d’Arabie. On ignorait s’ils rejoindraient de nouveau le groupe du Ford, et quand ils pourraient se rallier à la force principale.
Maduro critique le déploiement
Après l’annonce, vendredi, du déploiement du groupe aéronaval du Ford, Nicolás Maduro a de nouveau exprimé sa crainte d’un conflit direct entre le Venezuela et les États‑Unis.
Dans une allocution nationale vendredi soir, le dirigeant vénézuélien a accusé Trump de « fabriquer une nouvelle guerre éternelle ».
« Le Venezuela est un pays qui ne produit pas de feuilles de coca », a déclaré M. Maduro.
Le dirigeant a déjà placé les forces armées et les milices volontaires de son pays en état d’alerte renforcée depuis l’attroupement d’actifs militaires américains dans les Caraïbes en août. Deux aéronefs militaires vénézuéliens ont également survolé des bâtiments de l’US Navy en septembre.