Opinion
Terres rares : comment se défaire de la dépendance à la Chine ?

Illustration. Une mine d'or à Barmouth, au Pays de Galles.
Photo: Matthew Horwood/Getty Images
La Chine domine plus de 60 % de l’extraction minière des métaux appelés « terres rares » et 92 % de leur production raffinée à l’échelle mondiale, selon l’Agence internationale de l’énergie, à coups de subventions publiques et de réglementations environnementales accommodantes.
Début juillet, le chef de la diplomatie allemande a reproché à la Chine des restrictions d’exportations « unilatérales et souvent peu transparentes » pour les terres rares, qui « inquiètent beaucoup » l’économie allemande. Depuis avril, les autorités chinoises exigent des entreprises chinoises l’obtention de licences pour l’exportation de ces matériaux stratégiques.
En mai, une société minière australienne a annoncé avoir produit des terres rares lourdes pour la première fois hors de Chine, une étape clé pour la diversification d’une chaîne d’approvisionnement cruciale pour de nombreux secteurs.
L’Europe veut également accélérer ce découplage en dévoilant 47 projets prioritaires pour l’extraction, le traitement et le recyclage de terres rares et métaux stratégiques sur le sol européen afin de réduire la dépendance à la Chine et sécuriser l’approvisionnement de son industrie.
Le problème principal dans l’extraction et le traitement des terres rares sont les normes environnementales très strictes des pays occidentaux en comparaison de la Chine. D’où l’intérêt de les assouplir et d’en même temps s’appuyer sur la recherche pour optimiser leur exploitation.
Une domination chinoise
La domination de la Chine sur les chaînes d’approvisionnement mondiales en terres rares est le résultat d’une politique industrielle de long terme. Elle a été permise par l’exploitation in situ, une technique d’extraction bon marché mais polluante, possible en Chine mais difficile à mettre en place dans les pays où les normes environnementales sont plus strictes.
La Chine a proposé d’instaurer un « canal vert » pour faciliter les exportations de terres rares vers l’Union européenne, a indiqué début juin le ministère chinois du Commerce, après que Pékin a restreint leur exportation en riposte aux droits de douane américains.
Les négociations sur un engagement de prix pour les voitures électriques chinoises, visées par une enquête anti-dumping de Bruxelles, sont « en phase finale », a affirmé le ministère chinois du Commerce.
Ces discussions prennent place dans le contexte du sommet entre l’UE et la Chine, à l’occasion des 50 ans de la relation entre Bruxelles et Pékin.
Ce sommet a dans l’espoir de rééquilibrer les relations entre le bloc européen et la Chine, alors que les différends politiques et commerciaux sont tenaces.
L’industrie automobile européenne bousculée par les restrictions chinoises
L’industrie automobile européenne est suspendue aux restrictions imposées par la Chine sur ses exportations de terres rares, dont elle a le quasi-monopole et dont elle use comme d’une arme commerciale.
« Depuis début avril, des centaines de demandes de licences d’exportation ont été soumises aux autorités chinoises, mais seul un quart environ semble avoir été approuvé », a dénoncé début juin l’Association européenne des équipementiers automobiles (CLEPA).
« Les procédures sont opaques et incohérentes d’une province à l’autre, certaines licences étant refusées pour des raisons de procédure tandis que d’autres exigent la divulgation d’informations sensibles de propriété intellectuelle », ajoute-t-elle.
Certaines terres rares (néodyme, dysprosium…) permettent de fabriquer de puissants aimants, dont la Chine assure 90 % de la production mondiale. Ces aimants ont « un rôle essentiel dans les moteurs électriques, capteurs de direction assistée, systèmes de freinage régénératif, entre autres fonctionnalités avancées des véhicules », détaillent les experts du cabinet BMI.
La situation met en lumière la forte dépendance du reste du monde : l’Europe importe de Chine 98 % de ses aimants aux terres rares, selon BMI.
L’industrie souffre déjà. « Avec une chaîne d’approvisionnement mondiale profondément imbriquée, ces restrictions paralysent déjà la production des équipementiers européens », insiste Benjamin Krieger, secrétaire général de la CLEPA.
Cette fédération fait état « d’importantes perturbations » en Europe, où ces restrictions « ont entraîné la fermeture de plusieurs lignes de production et usines ». « De nouvelles répercussions sont attendues dans les semaines à venir avec l’épuisement des stocks », avertit-elle.
Le début des terres rares non-chinoises
L’annonce de l’entreprise australienne Lynas Rare Earths révèle également les difficultés à trouver de nouveaux fournisseurs de ces matériaux devenus indispensables aux industries de l’électronique, des énergies renouvelables ou de l’armement.
Lynas Rare Earths a annoncé avoir commencé à produire de l’oxyde de dysprosium en Malaisie, offrant pour la première fois aux clients intéressés des terres rares lourdes d’une provenance autre que chinoise.
L’entreprise prévoit de produire une autre terre rare lourde dans cette usine, le terbium : un matériau utilisé pour les aimants permanents et certaines ampoules.
Pékin a restreint en avril les exportations de tungstène et de sept catégories de terres rares dans le cadre de sa riposte aux nouveaux droits de douane imposés par le président Donald Trump sur les produits chinois.
« Même avec la production de Lynas, la Chine restera en position dominante » dans les terres rares, note Gavin Wendt, directeur de MineLife. « Dans tous les cas, c’est un début. Il est essentiel que d’autres projets possibles aux États-Unis, au Canada, au Brésil, en Europe et en Asie prouvent leur faisabilité technique et puissent être approuvés, afin que l’équilibre de l’offre puisse réellement commencer à changer », dit-il.
Bruxelles dévoile 47 projets européens
Bruxelles a dévoilé en mars 47 projets prioritaires pour l’extraction, le traitement et le recyclage de terres rares et métaux stratégiques sur le sol européen afin de réduire la dépendance à la Chine et sécuriser l’approvisionnement de l’industrie.
Ces projets, qui incluent l’ouverture de mines de lithium, de cuivre, de nickel ou de tungstène dans l’Union européenne, bénéficieront de procédures d’autorisation simplifiées et d’un soutien financier européen.
Ils sont implantés dans 13 pays membres. Huit d’entre eux sont situés en France, dont deux projets d’extraction de lithium dans l’Allier (groupe Imerys) et en Alsace (Eramet). Le lithium est notamment indispensable pour fabriquer les batteries des véhicules électriques.
L’UE a adopté l’an dernier une législation pour sécuriser ses approvisionnements en matières premières. L’objectif est de réduire la dépendance à la Chine pour des matières utilisées notamment dans la fabrication de batteries, d’éoliennes, ou de munitions.
Il s’agit en particulier de rouvrir des mines en Europe, tout en respectant des normes environnementales strictes, alors que ces projets sont contestés par des militants écologistes.
Le texte établit une liste de 17 matières premières stratégiques comme le cobalt, le nickel et l’aluminium pour lesquelles elle fixe des objectifs chiffrés. L’UE doit pouvoir d’ici à 2030, pour chacune de ces matières, assurer sur son territoire au moins 10 % des besoins d’extraction, 40 % de la transformation et 25 % du recyclage.
Le texte stipule aussi que l’UE ne devra pas dépendre d’un pays tiers unique pour plus de 65 % de ses besoins pour les matières premières stratégiques.
Mais, note le cabinet, si l’UE cherche à doper sa production de terres rares, « ces activités en Europe peinent à concurrencer les producteurs chinois en termes de coûts » et sont loin de pouvoir satisfaire l’appétit du secteur automobile. « Les efforts déployés en Europe pour diversifier les approvisionnements […] n’offrent aucune solution à court terme », insiste la CLEPA.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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