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Santé mentale : quand la société française va de plus en plus mal

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Le ministre en charge de la santé et de l'accès aux soins, Yannick Neuder, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à Paris, le 18 juin 2025.

Photo: THOMAS SAMSON/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

Alors que la santé mentale est devenue une grande cause nationale en 2025, les hospitalisations d’adolescentes et de femmes jeunes pour tentatives de suicide ou automutilations ont massivement augmenté l’an dernier en France, notamment chez les jeunes de 10 à 14 ans.
« La brutale dégradation de la santé mentale d’une importante minorité d’adolescentes et de femmes de moins de 30 ans est un phénomène international apparu dans les années 2010 », rapporte une étude de la Drees, qui vient d’être publiée.
Avec un coût de 25 milliards d’euros en 2021, les maladies et troubles mentaux constituent le premier poste de dépenses de l’Assurance maladie. Selon un rapport du Haut commissariat au plan publié en septembre 2024, les politiques de confinement lors de l’épidémie de Covid-19 auraient « accentué » les besoins, particulièrement chez les jeunes.
Ajouté à cela, une psychiatrie qui subit une grave crise structurelle en France, avec un tiers des postes de praticiens hospitaliers vacants et le volume de lits qui diminue, alors que le nombre de patients a été multiplié par deux ces vingt dernières années.
« Hausse massive » des hospitalisations d’adolescentes et de jeunes femmes en 2024
Près de 82.000 personnes âgées de 10 ans ou plus ont été hospitalisées au moins une fois pour un geste auto-infligé l’an dernier, soit une hausse de 6 % comparé à 2023, et près des deux tiers d’entre elles (64 %) étaient des femmes, précise le service statistique des ministères sociaux (Drees), dans un rapport publié le 18 juin.
La France connaît des hausses d’hospitalisations d’adolescentes et de femmes jeunes pour tentatives de suicide ou automutilations « massives », constate la Drees, qui s’appuie sur les données du système national de données de santé (SNDS).
« Bien qu’il soit difficile de déterminer les causes de cette détérioration, une hypothèse semble se démarquer, pointant le mésusage des réseaux sociaux et les agressions spécifiques à cette population qui peuvent y avoir lieu », note-t-elle.
Un tiers des actifs ont des problèmes de santé mentale, selon une étude dans 16 pays
Concernant la santé mentale, près d’un tiers de la population éprouve actuellement des problèmes, une proportion qui se retrouve chez les actifs, les jeunes étant particulièrement affectés, selon une étude menée dans 16 pays et publiée fin mars.
L’enquête, réalisée par Ipsos pour l’assureur Axa dans des pays européens, américains et asiatiques, montre que 32 % des personnes interrogées disent éprouver actuellement des problèmes de santé mentale (dépression, anxiété, trouble alimentaire, addiction…).
Parmi les facteurs ayant un impact sur la santé mentale, les personnes interrogées citent l’instabilité financière et la précarité de l’emploi (53 %), les incertitudes sur l’avenir dans un monde en mutation rapide (53 %), l’exposition constante à des actualités négatives (45 %) ou encore l’usage excessif des réseaux sociaux et des outils numériques (36 %).
Santé mentale des enfants et ados : l’usage excessif des psychotropes
Une personne sur trois souffre d’un trouble psychique à un moment de sa vie, environ deux millions de Français sont pris en charge chaque année en psychiatrie et 25 % de la population consomme des anxiolytiques, antidépresseurs et autres psychotropes.
En début d’année, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) a alerté sur la hausse de la consommation de médicaments psychotropes, avec des données inédites.
Pointée en 2023 dans un rapport intitulé Quand les enfants vont mal, comment les aider, la prévalence de cette consommation a encore augmenté. Au total, cela concernait 486.220 enfants en 2023, selon le dernier rapport du HCFEA, citant des chiffres du Système national des données de santé (ESND).
Entre 2010 et 2023, les prescriptions ont bondi chez les 3 à 17 ans: + 137 % pour les hypnotiques, + 88 % pour les antidépresseurs, + 62 % pour les antiépileptiques, + 50 % pour les neuroleptiques et + 40 % pour les psychostimulants, détaille le document.
« Ces niveaux de consommation sont parmi les plus élevés en Europe », affirme Sébastien Ponnou, psychanalyste et professeur en sciences de l’éducation à l’université Paris 8.
Pour ces experts, le risque est que la prise en charge se résume à une prescription médicamenteuse, alors que peu d’études accréditent une efficacité des psychotropes chez l’enfant, et au vu d’ « effets indésirables importants ». Le HCFEA prône une « approche globale et préventive » afin de « réduire les facteurs sociaux et environnementaux de la souffrance psychique des enfants ».
Le plan du gouvernement pour la santé mentale
Le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder, a annoncé le 11 juin un plan pour la santé mentale et la psychiatrie, qui a largement déçu les professionnels de santé.
Le gouvernement souhaite plus d’adultes formés en milieu scolaire, une offre de soins plus lisible et graduée, davantage de soignants formés pour tenter de mieux repérer et soigner les troubles psychiques, une annonce qui intervenait au lendemain du meurtre d’une surveillante de collège par un élève de 14 ans, qui a provoqué un émoi national.
Le premier axe du plan vise à favoriser les repérages et interventions précoces face aux troubles psychiques notamment des jeunes de 12-25 ans, reprenant certaines mesures annoncées mi-mai par la ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, jugées « étriquées » par des syndicats.
Il est aussi prévu de mobiliser les étudiants en santé du service sanitaire intervenant dans les établissements scolaires pour former les jeunes aux compétences psychosociales et de former 300.000 secouristes en santé mentale d’ici 2027 – deux fois plus qu’à présent, ce qui augure aussi des formations très courtes pour gérer un problème de fond.
Le deuxième axe entend favoriser « une psychiatrie de proximité, lisible et accessible », pour mieux traiter avant, pendant et après une crise aiguë. Entre autres mesures : un appui financier prioritaire aux centres médico-psychologiques proposant des créneaux de rendez-vous non programmés et des dispositifs de suivi intensif, et un renforcement de la régulation des urgences en psychiatrie pour orienter vers des soins adaptés.
Pour « reconstruire » la psychiatrie, troisième axe de ses mesures, le gouvernement entend « renforcer la formation » des étudiants en médecine, avec un module en psychiatrie avancée dans chaque faculté couplé à un stage pratique. Le nombre d’internes en psychiatrie sera porté de 500 à 600 par an à partir de 2027.
Mais le système de soin français est déjà à bout de souffle, alors que la France s’enfonce dans un crise économique, avec peu de marges de manœuvre. Le paradigme actuel engendre de plus en plus d’enfants et de jeunes adultes malades, instables psychologiquement et mentalement. Le signe d’une société moderne incapable de donner des repères stables à ses jeunes générations, et dont les causes et les remèdes pourraient s’avérer plus profonds que seulement politiques.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.