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Opinion

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Retraites : « Nos responsables politiques doivent introduire une dose de capitalisation tout en réformant le pilier répartition », selon Bertrand Martinot

ENTRETIEN – Alors que l'Assemblée nationale a adopté la semaine dernière la suspension de la réforme des retraites, la Fondapol vient de publier une note « Vers un système de retraite mixte répartition-capitalisation ». L’objectif ? Promouvoir l’ajout d’un volet capitalisation au système de retraite français.

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Photo: Crédit photo : Bertrand Martinot

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Durée de lecture: 6 Min.

Bertrand Martinot est économiste, expert associé à l’Institut Montaigne et co-auteur de l’étude avec le président du groupe de courtage Kereis, Philippe Gravier et le président de Kereis Technologies, Renan Muret. Si l’économiste juge vertueuse l’introduction d’une dose de capitalisation dans le système de retraite, il estime qu’il ne faut pas laisser le pilier répartition s’effondrer.
Epoch Times – Dans la note, vous défendez l’introduction d’une dose de capitalisation. Quel est le but de cette réforme ? Quels en seraient les avantages ?
Bertrand Martinot Cette réforme comporte trois avantages. D’abord, elle permet à terme de baisser les cotisations sur les retraites. C’est-à-dire, diminuer la charge que représentent les retraites sur les actifs et les entreprises. Avec l’effet capitalisation, vous pouvez en effet financer un même niveau de pension avec des cotisations plus faibles puisque, par définition, les cotisations se capitalisent. C’est un point sur lequel les économistes s’accordent largement.
Ensuite, l’introduction d’une dose de capitalisation est un gain en termes d’équité intergénérationnelle.
Le système actuel fait que, mathématiquement, le poids des retraites va être de plus en plus important pour les générations d’actifs, qui elles-mêmes, bénéficieront de pensions toujours plus faibles.
Autrement dit, les actifs nés en 1980 auront des retraites moins élevées que ceux nés dans les années 1960, et la génération des années 1990 sera, elle aussi, moins avantagée que celle des années 1980, et ainsi de suite. La situation ne va qu’empirer. Ce qui n’est pas acceptable sur le plan moral, vous en conviendrez.
Sur ce pilier capitalisation, qui atteindrait à terme 25 % des pensions versées, il y aurait une équité totale car chaque cotisant aurait cotisé pour sa propre retraite.
Et puis, cette réforme contribue au financement de l’économie. Une partie de ce fonds géant de capitalisation serait investie en fonds propres de long terme dans des entreprises françaises cotées ou non cotées, et des secteurs stratégiques.
Le système actuel est-il dépassé ?
Dans son fonctionnement actuel il est condamné par la démographie. Sauf si vous acceptez l’idée que les pensions vont être de plus en plus faibles et donc de faire pression sur les générations futures.
Dans quels autres pays le système par capitalisation a-t-il été mis en place ?
Le système le plus proche de ce que nous proposons dans la note se trouve en Suède. Il a été mis en place à la fin des années 1990.
Au départ, le système de retraite reposait seulement sur la répartition. Le gouvernement suédois a donc décidé de faire émerger à l’intérieur du système par répartition, un pilier capitalisation. Bien sûr, en même temps, il a profondément réformé le pilier répartition afin qu’il ne soit plus déficitaire.
Mais à l’époque, le taux de croissance de la Suède était plus élevé que chez nous aujourd’hui, et le système de retraite par répartition avait des réserves financières qui ont pu être recylées vers la capitalisation.
Les Suédois ont donc été en mesure de doter les fonds de capitalisation de ressources importantes. In fine, il n’y a pas eu d’effort brutal à réaliser, même si, parallèlement, les paramètres de la retraite par répartition ont été considérablement durcis pour assurer son équilibre.
Jusqu’à présent, cela a très bien fonctionné ?
Le système suédois est considéré par tous les experts internationaux des retraites comme le meilleur mix répartition-capitalisation possible.
Nos responsables politiques doivent, comme les Suédois, introduire une dose de capitalisation tout en réformant le pilier répartition. Il ne faut surtout pas laisser le pilier répartition s’effondrer.
Que faut-il faire justement pour remettre le pilier répartition sur les rails ?
Pour le rééquilibrer, il n’y a pas de miracle. Il faut introduire des règles automatiques et de long terme modifiant ses paramètres sans augmenter le taux de cotisations, qui est, je le rappelle, le plus élevé de l’OCDE.
C’est-à-dire, agir, soit sur l’âge légal de départ à la retraite, soit sur la durée de cotisation, voire les deux, mais aussi agir sur le degré d’indexation des pensions.
Si la croissance est plus faible qu’attendue, je pense que tout le monde devra faire un effort pour remettre le système à l’équilibre. Pas seulement les actifs, mais aussi les retraités.
Avez-vous aujourd’hui le sentiment que de plus en plus de responsables politiques défendent l’introduction d’une dose de capitalisation dans notre système ?
Si les responsables politiques de gauche ne cherchent pas à travailler le sujet et préfèrent inventer chaque jour de nouveaux impôts, je constate qu’à droite, tout le monde s’en est emparé.
Cela ne veut pas dire que le concept de capitalisation ne fait plus l’objet de tabou. Mais je note qu’une grande partie de la droite y est désormais acquise.
Mais attention ! Contrairement à ce qu’imaginent certains, l’introduction d’un pilier capitalisation ne peut en aucun cas sauver le pilier répartition.
Ce n’est pas un remède miracle. Nous précisons bien dans la note que des efforts importants devront être fournis pour remettre le pilier répartition à l’équilibre.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.