Réentraîner l’algorithme de TikTok US ne suffira pas si l’application conserve ses caractéristiques

Une femme tient un téléphone affichant l’application TikTok, sur cette photo d’archive, le 11 août 2024.
Photo: Oleksii Pydsosonnii/Epoch Times
Lorsque des responsables de l’administration Trump ont annoncé qu’un accord concernant TikTok aux États‑Unis était imminent, ils ont insisté sur le fait que cet accord placerait entièrement sous contrôle américain l’algorithme du populaire réseau social.
« L’entreprise sera entièrement gérée par les Américains », a déclaré le président Donald Trump après avoir signé le décret autorisant un accord sur TikTok U.S. et accordant 120 jours aux parties pour le finaliser.
Une loi promulguée l’année dernière avait interdit le contrôle de TikTok par un adversaire étranger, en l’occurrence la société chinoise ByteDance, pour des raisons de sécurité nationale. La loi chinoise avait empêché ByteDance de vendre l’algorithme controversé et opaque de TikTok, soulevant des questions relatives au contrôle de cet algorithme, fréquemment mis à jour par ByteDance, qui sera assuré dans le cadre de la nouvelle coentreprise. Selon des responsables de la Maison-Blanche, la nouvelle coentreprise est censée exercer un contrôle total sur la copie de l’algorithme détenue par TikTok U.S. et verser des droits de licence à ByteDance.
Le code source et l’algorithme, ainsi que les pratiques commerciales de TikTok et ByteDance, ont suscité au fil des ans de vives critiques, des éléments attestant d’une surveillance de journalistes et de collusions applicatives ayant été relevés, TikTok contournant la demande de consentement des utilisateurs pour collecter des données et les recherchant via d’autres applications.
S’y est ajoutée la suppression de contenus portant sur Hongkong, la place Tiananmen, Taïwan, et la persécution par le Parti communiste chinois (PCC) de minorités telles que les pratiquants de Falun Gong et les Ouïghours — des thèmes que le régime communiste chinois censure notoirement. Le PCC est connu pour mener, via le groupe de travail spécial 912 de son agence de renseignement, des campagnes de désinformation visant les Américains sur les réseaux sociaux, en promouvant des contenus incendiaires pour semer la division.
TikTok a présenté ses excuses dans certains de ces cas, attribuant certaines erreurs à des facteurs humains.
Les responsables américains s’inquiètent également des volumes inconnus de données que les sociétés ont reconnu avoir envoyés en Chine pour que des employés de ByteDance y travaillent, même si ces données étaient in fine stockées sur des serveurs Oracle situés sur le sol américain.
Et des familles ont tiré la sonnette d’alarme sur les conséquences néfastes des algorithmes des réseaux sociaux, qui ont coûté la vie à certaines personnes.
Désormais, l’accord offre l’occasion de couper l’influence chinoise de cette application vidéo populaire, et décideurs publics comme associations espèrent qu’il marquera un changement réel.
« La cession place l’exploitation des algorithmes et du code, ainsi que les décisions de modération des contenus, sous le contrôle de la nouvelle coentreprise », stipule le décret de Trump.
Il prévoit également une « surveillance intensive des mises à jour logicielles, des algorithmes et des flux de données » par Oracle et « exige que tous les systèmes de recommandation, y compris les algorithmes, qui utilisent des données d’utilisateurs américains soient réentraînés et surveillés par ces partenaires de sécurité de confiance ».
Cependant, réentraîner l’algorithme existant sur des données d’utilisateurs américains ne suffit pas, estime Sherry Yin, qui dirige une plateforme vidéo ayant pour mission de placer l’humain avant la technologie. Mme Yin est la directrice générale de Gan Jing World (GJW), une plateforme vidéo qu’elle décrit comme délibérément « non addictive », à l’image d’une bibliothèque permettant aux personnes de guider elles-mêmes leur parcours de contenus plutôt qu’un algorithme conçu pour maximiser le temps d’écran.
Mme Yin renvoie à une directive de 2021 émise par l’Administration du cyberespace du régime chinois, imposant aux « activités de recommandation algorithmique » des produits et services internet de « promouvoir les valeurs sociales centrales du socialisme » et de protéger les intérêts du PCC.
TikTok est en réalité interdit en Chine, où ByteDance exploite à la place l’application Douyin, réservée au marché domestique. La nouvelle règle exigeait que les entreprises enregistrent leurs algorithmes de recommandation auprès de l’agence, et Douyin a figuré parmi les premières sur la liste.
« Le socialisme, l’athéisme, le communisme et la critique de la culture américaine sont enracinés dans l’idéologie d’État en Chine : elle rejette la foi traditionnelle et les cadres moraux tels qu’ils sont compris en Occident, se pose en rivale des ‘valeurs occidentales’, et s’impose par un strict contrôle étatique et la censure », a déclaré Mme Yin à Epoch Times.
« Réentraîner le même algorithme sur des données différentes serait-il suffisant ? Ma réponse est non. »
Selon Mme Yin, la plateforme a été conçue non seulement pour maximiser l’engagement et le temps de visionnage, mais aussi pour servir les objectifs du PCC, tout en étant « façonnée par des valeurs socialistes ».
Après de récentes négociations à Madrid, le secrétaire au Trésor américain Scott Bessent a indiqué aux journalistes que les négociateurs chinois tenaient beaucoup à conserver des « caractéristiques chinoises » de l’application — une expression que les responsables du PCC utilisent souvent pour désigner la version du marxisme propre au régime.
Matthew Bergman, fondateur du Centre juridique pour les victimes des médias sociaux, estime que réentraîner l’algorithme sur des données américaines ne veut rien dire si des changements ne sont pas aussi apportés à l’algorithme qui a diffusé à de très jeunes adolescents des vidéos les incitant à participer à des défis dangereux, voire mortels, tels que l’asphyxie volontaire, le surf sur les toits de métro ou l’ingestion de drogues.
« C’est un danger pour la santé publique et une menace claire et présente pour la jeunesse américaine… tant que ces algorithmes ne changent pas, peu importe qui en est propriétaire », a déclaré M. Bergman à Epoch Times. « Arrêtez d’envoyer des vidéos de suicide aux enfants. »
Au cours des trois années qui ont suivi la création de son cabinet d’avocats, M. Bergman a représenté des milliers de parents dont les enfants sont décédés ou ont subi des abus psychologiques, physiques ou sexuels des mains de prédateurs qui auraient été facilités par ces applications. Parmi ses clients figurent des centaines de familles qui poursuivent TikTok en justice pour obtenir des dommages-intérêts.
M. Bergman juge que l’accord permettant une propriété américaine de l’application constitue un pas positif pour des raisons de sécurité nationale, et que les inquiétudes concernant un contrôle chinois ne sont pas infondées.
Il souligne que TikTok est interdit en Chine, et que l’application homologuée par l’État, Douyin, qui compte encore 746 millions d’utilisateurs mensuels, privilégie des contenus éducatifs et intègre des limites de temps d’écran.
C’est sciemment une plateforme complètement différente — et bien plus sûre —, affirme M. Bergman.
Lors de la signature du décret, M. Trump a dit avoir confiance dans le fait que la nouvelle entité était entre de bonnes mains ; à savoir, des Américains patriotes qui « ne veulent rien voir de tel [qu’une influence étrangère] se produire ».
Le président de la Commission spéciale de la Chambre des représentants sur le PCC, le représentant John Moolenaar (Républicain du Michigan), a indiqué le 26 septembre avoir déjà demandé à l’exécutif un briefing sur l’accord, et que sa commission exercerait sa surveillance.
« ByteDance a montré à maintes reprises qu’il s’agissait d’un mauvais acteur, et l’objectif ultime du Parti communiste chinois est de voir l’Amérique divisée et affaiblie », a déclaré M. Moolenaar, en soulignant que la propriété majoritairement américaine de la nouvelle entité ne suffirait pas, à elle seule, à satisfaire la loi, qui vise à couper tout contrôle de l’application par le régime chinois.
« J’ai hâte d’accueillir la direction de la nouvelle entité TikTok lors d’une audition de la Commission spéciale l’année prochaine », a conclu M. Moolenaar.

Catherine Yang est journaliste pour Epoch Times, à New York.
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