Terres rares chinoises
Que se passera-t-il si la Chine cesse de fournir des terres rares ?
Selon une étude récente, près de 4 millions d’emplois seraient menacés en Allemagne si la Chine arrêtait ses livraisons. L’Union européenne, consciente du danger, entame dès à présent des pourparlers avec les pays du G7 afin de définir une réponse collective.

Extraction de métaux rares : une grande excavatrice dans une carrière.
Photo: Shutterstock
La Chine, maître incontesté du marché des terres rares
Le géant asiatique domine le commerce mondial de ces minéraux stratégiques, indispensables à la haute technologie. Au mois d’avril, Pékin a annoncé des restrictions d’exportation sur sept éléments et les aimants qui en découlent. Cette décision s’inscrit dans le même contexte que le différend commercial entre les États‑Unis et la Chine, où le président Donald Trump a menacé d’appliquer, à compter du 1er novembre, des droits de douane de 100 % sur les produits chinois.
L’Europe prise dans le tourbillon
« Nous ne pouvons rester les bras croisés ; il nous faut une réponse coordonnée », a déclaré le commissaire européen au commerce, Maroš Šefčovič, après une réunion des ministres du commerce de l’UE au Danemark. La Commission européenne envisage, quant à elle, d’accroître fortement les droits de douane sur l’acier afin de protéger l’industrie locale contre la concurrence bon marché venue de Chine. La guerre tarifaire sino‑américaine a poussé la Chine à réorienter davantage ses flux commerciaux vers l’Europe, accentuant la pression sur les marchés européens.
Des matières premières irremplaçables pour la haute technologie et l’industrie
Les terres rares regroupent 17 éléments essentiels à la fabrication de semi‑conducteurs, d’aimants permanents, de véhicules électriques, de disques durs, d’écrans LED, d’éoliennes et d’aéronautique. Sans elles, de nombreux secteurs industriels seraient paralysés.
Selon l’Office fédéral de la statistique, 65,5 % des terres rares importées par l’Allemagne provenaient directement de Chine en 2024 – bien au‑dessus de la moyenne de l’UE (46,3 %).
Le néodyme, le praséodyme et le samarium, cruciaux pour les aimants des moteurs électriques, ainsi que plus des trois quarts des composés de lanthane (utilisés notamment dans les batteries), sont presque exclusivement fournis par Pékin.
4 millions d’emplois en jeu en Allemagne
Une étude par le cabinet de conseil McKinsey a chiffré l’impact d’une rupture totale des approvisionnements chinois :
— 1 million d’employés travaillent directement dans les filières qui transforment les terres rares (automobile, énergie, aéronautique). Leur contribution annuelle au PIB allemand s’élève à 150 milliards d’euros.– 3 millions d’autres salariés dépendent indirectement de la consommation de ces secteurs, générant une valeur ajoutée supplémentaire de 220 milliards d’euros.
— 1 million d’employés travaillent directement dans les filières qui transforment les terres rares (automobile, énergie, aéronautique). Leur contribution annuelle au PIB allemand s’élève à 150 milliards d’euros.– 3 millions d’autres salariés dépendent indirectement de la consommation de ces secteurs, générant une valeur ajoutée supplémentaire de 220 milliards d’euros.
En cas d’arrêt des exportations, 4 millions d’emplois et près de 9 % du PIB allemand – soit 370 milliards d’euros de valeur ajoutée – seraient menacés.
Ces chiffres montrent clairement que l’Allemagne est fortement dépendante des terres rares et donc de la Chine, non seulement pour son approvisionnement en matières premières, mais aussi tout au long de la chaîne de valeur, y compris la production, la transformation, les applications technologiques et les effets en retour sur la consommation et les services. Si la Chine renforce ses contrôles à l’exportation ou retarde ses livraisons, des secteurs industriels entiers tels que l’industrie automobile, la fabrication de moteurs électriques ou les éoliennes pourraient être touchés à court terme, tant en raison de la hausse des prix que des difficultés d’approvisionnement.
L’Europe face à une crise de dépendance
L’Allemagne n’est pas seule. Toute l’Union européenne dépend des terres rares chinoises pour produire des milliers de biens.
En raison des contrôles à l’exportation imposés par Pékin sur les matières premières recherchées, la Chambre de commerce européenne en Chine s’attend à de nouvelles interruptions de production, qui pourraient entraîner 46 arrêts de production dans ses entreprises membres, a rapporté Epoch Times.
Le commissaire européen au Commerce, M. Šefčovič, a déclaré recevoir de nombreux appels inquiets, notamment de la part des constructeurs automobiles. Seule la moitié environ des demandes de licences d’exportation envoyées à Pékin ont été correctement traitées jusqu’à présent, malgré des échanges constants avec les autorités chinoises. Cela complique considérablement la planification et le développement des activités des entreprises.
Vers une réponse coordonnée
Douze des dix‑sept terres rares figurent désormais sur la liste de contrôle des exportations chinoises, dont des produits liés aux batteries et aux diamants synthétiques. Les dirigeants chinois ont ajouté 5 articles supplémentaires à leur liste de contrôles à l’exportation. Le commissaire européen prévoit d’aborder ces questions lors d’une vidéoconférence avec le ministre chinois du commerce, prévue pour la semaine prochaine, et de discuter également des différends commerciaux croissants avec la Chine afin d’y trouver des solutions possibles dans le cadre du G7 (Allemagne, France, Italie, États‑Unis, Royaume‑Uni, Canada, Japon).
Le commissaire européen a critiqué le fait que les contrôles à l’exportation « visent directement les industries civiles ». Pékin avait invoqué une menace pour la sécurité nationale de la Chine et déclaré que les terres rares pouvaient également être utilisées pour des biens militaires.
Le Japon a également appelé à une réaction commune des pays du G7. Tokyo est « profondément préoccupé par les restrictions importantes à l’exportation de terres rares annoncées par la Chine la semaine dernière », a déclaré jeudi le ministre japonais des Finances, Katsunobu Katō, devant des journalistes à Washington. Les pays du G7 devraient « agir ensemble sur cette question », a exigé M. Katō.
Le conflit commercial s’intensifie-t-il à l’échelle mondiale ?
L’annonce par la Chine de ces contrôles renforcés à l’exportation a déjà conduit la semaine dernière à une escalade du conflit commercial avec les États-Unis. Le président américain Donald Trump a alors fait savoir qu’il comptait imposer des droits de douane supplémentaires de 100 % sur les produits chinois à partir du 1er novembre. Les États-Unis ont déjà imposé depuis un certain temps à la Chine des restrictions importantes à l’exportation de puces électroniques haute performance.
Auparavant, le ministre américain des Finances, Scott Bessent, avait déjà critiqué les contrôles à l’exportation annoncés par la Chine et souligné que Washington et ses alliés « ne se laisseraient ni commander ni contrôler ».
L’UE est également indirectement impliquée dans le conflit douanier entre les États-Unis et la Chine. La Commission européenne a récemment annoncé son intention de protéger l’industrie sidérurgique nationale contre la concurrence bon marché de pays comme la Chine en imposant des droits de douane nettement plus élevés. Le problème de l’inondation du marché européen par des produits bon marché en provenance de Chine s’est encore aggravé depuis que Pékin et Washington s’imposent de plus en plus mutuellement des droits de douane punitifs et des restrictions commerciales. La Chine redirige donc de plus en plus ses flux commerciaux vers l’Europe.
Sources : agences de presse, étude McKinsey, déclarations officielles de l’UE et du G7.

Lydia Roeber a déjà financé ses études à l'université libre de Berlin grâce à ses écrits et a longtemps travaillé comme journaliste de télévision. Ancienne journaliste de voyage, elle s'intéresse aujourd'hui de préférence aux questions sociales urgentes dans le journal Epoch Times, du transhumanisme au contrôle numérique en passant par la crise de l'éducation.
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