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En harmonie avec la nature : ce que les peuples autochtones peuvent nous apprendre sur notre environnement
Nous vivons à une époque où la Terre est exploitée jusqu’à ses limites. Les forêts sont abattues pour faire place à des plantations de soja et de palmiers à huile. Les sols sont artificialisés afin de permettre la construction de nouvelles routes, de bâtiments industriels et d’éoliennes.

La Nature comme monde partagé : comment les perspectives autochtones peuvent changer notre regard.
Photo: Akhmad Fitriannor/iStock
L’eau, droit fondamental de toute forme de vie, est mise en bouteille, étiquetée et vendue comme une marchandise dont seuls quelques grands groupes tirent profit, tandis que des régions entières s’assèchent. L’État perçoit des impôts pour chaque mètre carré de sol, comme si la Terre lui appartenait. Dans le même temps, l’air que nous respirons tous est pollué, les rivières sont saturées de produits chimiques et les mers transformées en décharges. Le monde moderne considère la Nature comme une ressource, comme un bien qui nous appartient, que nous pouvons dominer, répartir, acheter et vendre.
Parallèlement, nombre de personnes en Occident recherchent aujourd’hui un sens plus profond à leur existence. Elles voyagent vers des contrées lointaines, expérimentent diverses méthodes de méditation ou s’engagent pour la protection de l’environnement. Pourtant, subsiste souvent le sentiment que la Nature n’est qu’un décor – un lieu où l’on se promène, fait du sport ou cherche le repos, et où, au mieux, l’on enlace un arbre pour tenter de renouer un lien avec elle.
Perspectives autochtones : vivre en harmonie avec la Nature
Il existe pourtant une autre manière de voir les choses, une vision qui nous enseigne que nous ne sommes pas au-dessus de la Nature, mais que nous en faisons partie intégrante. Les peuples autochtones, tout comme les Premières Nations du Canada, ont conservé au fil des générations une attitude radicalement différente de la logique occidentale. Pour eux, le fleuve n’est pas seulement de l’eau, mais un parent ; la forêt n’est pas seulement du bois, mais un foyer vivant ; l’animal n’est pas seulement de la chair, mais un frère à qui l’on doit de la gratitude.
L’anthropologue A. K. Menzies a recueilli en 2024, dans le cadre d’une vaste étude, les témoignages de douze communautés autochtones du Canada afin d’explorer de nouvelles pistes pour les initiatives environnementales. L’étude conclut que la promotion des valeurs et des pratiques autochtones ne contribue pas seulement à restaurer la relation entre l’Homme et la Nature : en intégrant ces valeurs dans les politiques écologiques, elle pourrait aussi servir de fondement à une gouvernance environnementale plus juste et plus durable.
Trois principes directeurs : responsabilité, respect, réciprocité
Les personnes interrogées ont évoqué les valeurs qu’elles portent en elles : la responsabilité, le respect et la réciprocité – trois mots qui paraissent simples, mais qui, en réalité, forment toute une vision du monde.
La responsabilité signifie, pour elles, ne pas prélever à la Terre plus que ce dont on a besoin et agir en conscience que chaque geste a des conséquences.
Le respect consiste à reconnaître la dignité non seulement des êtres humains, mais aussi des animaux, des plantes, des rivières et des pierres.
Enfin, la réciprocité implique que le don et la réception demeurent en équilibre, que l’on ne se contente pas de prendre à la Terre, mais qu’on lui rende également – par la gratitude, la protection ou la transmission du savoir.
Malgré les effets négatifs du colonialisme et de la modernisation, l’étude montre que les efforts de revitalisation culturelle contribuent à ranimer les valeurs et les pratiques traditionnelles, renforçant ainsi la relation à l’environnement.
Les jeunes porteurs d’espoir : le lien à la Nature comme héritage culturel
La manière dont ce retour aux sources pourrait se manifester dans les générations à venir apparaît dans une autre étude, menée en 2022 par le politologue Timothy MacNeill. Les chercheurs ont interrogé des jeunes autochtones et non autochtones au Canada sur leur rapport à la Nature. Le résultat est sans équivoque.
Les jeunes autochtones témoignent d’un lien émotionnel et spirituel profond avec la Terre. Ils ne se perçoivent pas comme extérieurs à elle, mais comme partie intégrante d’un tout. Cette attitude découle d’une pratique vécue : la pêche avec les anciens, la cueillette des baies où chaque poignée est accompagnée d’un geste de gratitude, ou encore les cérémonies célébrant l’harmonie entre les êtres humains, les plantes et les animaux.

Les peuples autochtones témoignent d’un lien émotionnel et spirituel profond avec la Terre et la Nature. (Cajus/iStock)
Les jeunes non autochtones, en revanche, avaient tendance à considérer la Nature plutôt comme un lieu de détente ou comme une ressource à exploiter. Cela met clairement en évidence l’influence déterminante de l’identité culturelle sur la perception du monde.
Pour les jeunes autochtones, la Terre n’est pas un décor, mais un environnement partagé. Ils grandissent avec la conscience d’être liés à tout ce qui les entoure, que leurs actions ont des répercussions et que protéger et prendre soin de la Terre revient à protéger et prendre soin de leur propre existence.
Cette vision n’a rien d’une nostalgie romantique. Il s’agit d’un savoir pratique, éprouvé au fil des siècles, et d’une valeur inestimable à une époque où nous risquons de nous aliéner de la Terre.
Nous pouvons apprendre des peuples autochtones à nous considérer à nouveau comme une partie de la Terre – non comme ses propriétaires, ni comme ses maîtres, mais comme des enfants inscrits au cœur d’un vaste réseau de vie.
Savoirs anciens pour l’avenir : agir en harmonie avec la Terre
« Les anciens Dakota étaient sages. Ils savaient que le cœur de l’homme s’éloigne de la Nature et s’endurcit. Ils savaient que le manque de respect envers tout ce qui est vivant conduit bientôt au manque de respect envers les êtres humains eux-mêmes. »
Cette citation est attribuée à Luther Standing Bear (1868–1939), chef amérindien des Oglala-Lakota Sioux, écrivain et passeur de culture. Elle nous rappelle aujourd’hui que le respect de la Nature et du vivant renferme aussi la clé d’une coexistence plus humaine.
Que signifie tout cela pour nous, individuellement ?
Cela signifie que nous pouvons repenser nos actions : qu’au moment d’aller au supermarché, nous pouvons nous demander « D’où vient ce produit ? À qui profite-t-il ? À qui nuit-il ? » ; qu’en nous promenant dans la forêt, nous ne voyons pas seulement des arbres, mais des êtres qui respirent et entretiennent un lien avec nous ; que, lorsque nous buvons un verre d’eau, nous éprouvons de la gratitude pour un don qui ne nous appartient pas, mais que nous devons préserver avec soin.
Il dépend de nous d’emprunter ce chemin.

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