Pourquoi le nouvel ambassadeur américain auprès de l’UE veut voir l’Europe réussir
Copier le lien
Andrew Puzder, alors directeur général de CKE Restaurants, après une réunion avec le président Donald Trump au Trump International Golf Club de Bedminster Township, dans le New Jersey, le 19 novembre 2016.
Ayant quitté son domicile du Tennessee, l’ancien dirigeant Andrew Puzder s’est installé à Bruxelles en tant que nouvel ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne.
Il œuvre à trouver un terrain d’entente avec le plus grand partenaire commercial et allié historique des États-Unis, malgré les différends récents sur des questions telles que les tarifs douaniers, la censure et les dépenses militaires.
Nommé en août, M. Puzder a officiellement commencé ses fonctions le 11 septembre. Ancien PDG de CKE Restaurants et fervent défenseur du libre marché, il pourrait être bien servi par son expérience économique, alors que le commerce et l’économie arrivent en tête des sujets négociés.
« Nous avons besoin d’une Europe solide sur le plan économique car nous souhaitons un partenaire commercial fort », a déclaré M. Puzder au journal Epoch Times. « Nous voulons une Europe capable de se défendre et peut-être d’aider les États-Unis dans divers points chauds à travers le monde. »
En tête de ses priorités figure la finalisation des accords commerciaux et économiques entre les États-Unis et l’UE, sur la base du cadre négocié en juillet. Celui-ci inclut un plafond tarifaire de 15 % sur la plupart des exportations européennes, avec un traitement particulier pour les composants aéronautiques ainsi qu’une sélection de produits chimiques, pharmaceutiques et ressources naturelles, ainsi qu’un accord pour protéger conjointement les industries de l’acier, du cuivre et de l’aluminium d’une concurrence déloyale.
L’accord prévoit également un engagement de l’UE à investir 600 milliards de dollars dans des industries américaines.
« C’était un très bon accord commercial pour les deux parties », a confié M. Puzder. « Les avantages pour nous sont évidents… mais je pense qu’ils ont bien négocié et obtenu un bon compromis. »
Au-delà des tarifs, M. Puzder souligne que les États-Unis réagissent aux lois européennes qui, selon les responsables américains, visent de manière injuste les entreprises américaines.
Cela concerne notamment certains aspects du Digital Services Act, qui restreint la « haine en ligne » et la « désinformation », ainsi que le Digital Markets Act, qui a imposé des amendes anti-trust à des géants américains comme Meta, Apple et Google.
« La loi semble neutre en apparence, car elle s’applique aux entreprises dépassant un certain chiffre d’affaires », note M. Puzder. « Mais dans les faits, elles sont principalement américaines, ce qui fait que les réglementations les affectent directement. »
Des inquiétudes ont été exprimées côté américain que le Digital Services Act et d’autres lois européennes, qui selon leurs défenseurs protègent les Européens contre des contenus nuisibles, risquent non seulement de limiter la liberté d’expression en Europe, mais aussi d’obliger les sociétés américaines à appliquer les mêmes critères à leurs utilisateurs américains.
« Lorsqu’une société comme Facebook ou X doit modifier son algorithme, et que celui-ci pourrait affecter les droits à la liberté d’expression des Américains, cela devient problématique », affirme M. Puzder. « Je sais que le président Trump n’autorisera pas qu’un gouvernement étranger limite la liberté d’expression des citoyens américains de manière que même notre propre gouvernement ne pourrait pas restreindre. »
Andrew Puzder, aux côtés de son épouse Deanna, prête serment en tant qu’ambassadeur des États-Unis auprès de l’UE devant le secrétaire d’État Marco Rubio et le président Donald Trump. (White House)
L’Europe face à des choix cruciaux
Connue pour ses vastes programmes de protection sociale — santé, logement, université et chômage financés par le contribuable — l’Europe doit désormais affronter l’érosion de ses systèmes sociaux, avertissent des économistes et des dirigeants européens.
D’ici 2040, la population active européenne devrait diminuer de deux millions de travailleurs chaque année, selon un rapport publié en 2024 par Mario Draghi, ex-président du Conseil italien et ancien président de la Banque centrale européenne. Associé à une croissance molle, ce phénomène expose l’Europe à des choix difficiles.
« Si l’Europe ne devient pas plus productive… elle ne pourra pas à la fois devenir un leader des nouvelles technologies, un exemple en matière climatique et un acteur indépendant sur la scène internationale », écrit M. Draghi. « Nous ne pourrons pas financer notre modèle social. »
[pullquote author= » » org= » »]D’ici 2040, la main-d’œuvre européenne devrait diminuer d’environ 2 millions de travailleurs chaque année, selon un rapport publié en 2024.[/pullquote]
En août, le chancelier allemand Friedrich Merz a renchéri, estimant : « L’État-providence actuel n’est plus finançable avec la richesse produite par l’économie. »
Même si la croissance économique européenne s’est récemment accélérée, elle a essentiellement stagné entre 2008 et 2020, selon la Banque mondiale.
Menée par l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, la zone euro affichait en 2008 un PIB supérieur à celui des États-Unis, mais il est aujourd’hui inférieur de 30 % (avec le Royaume-Uni) et de 50 % sans celui-ci, souligne M. Puzder.
« L’Allemagne a aujourd’hui un PIB par habitant inférieur à celui de la Virginie-Occidentale », insiste-t-il.
« La France et le Royaume-Uni ont chacun un PIB [par habitant] inférieur à celui du Mississippi. »
La Virginie-Occidentale et le Mississippi restent les États américains au PIB par habitant le plus faible, mais ils font mieux que la plupart des pays européens, selon une analyse de données du FMI publiée par Euronews.
Le chancelier allemand Friedrich Merz s’exprime lors d’un débat parlementaire à Berlin sur le budget fédéral 2026, le 24 septembre 2025. (Maja Hitij/Getty Images)
« On ne voit pas émerger de croissance en Europe », ajoute-t-il. « On ne voit pas non plus l’apparition de nouveaux géants industriels, ni de jeunes entreprises innovantes prendre leur essor. »
Pourtant, M. Puzder demeure convaincu que les bonnes réformes pourraient permettre à l’Europe de renverser la tendance.
« Je pense qu’actuellement, l’Europe dispose d’un bon leadership », confie-t-il.
Une solution dans la « simplification » ?
Le rapport Draghi a marqué les esprits, indique-t-il.
« Dans l’UE, on a bien conscience du ralentissement économique et de ses conséquences sur le PIB par habitant comme sur le PIB global. »
« Des efforts sont engagés pour ce que l’on appelle la simplification, c’est-à-dire l’allègement des lois, la suppression des procédures inutiles… et la réduction des obstacles administratifs. »
[pullquote author= » » org= » »]Parmi les causes du malaise européen, les analystes pointent la lourdeur réglementaire.[/pullquote]
« La réglementation européenne devient non seulement de plus en plus lourde mais elle s’accumule aussi », note un rapport du Centre européen d’économie politique internationale en 2024. « Le nombre de nouvelles régulations accumulées ces dernières années est stupéfiant. »
Cette opinion est partagée par certains responsables comme Emmanuel Macron, qui a déclaré sur Bloomberg TV en 2024 que l’UE « sur-réglemente et sous-investit ».
Cela inclut les obligations énergétiques européennes imposées dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015, qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle du continent en passant du pétrole, du gaz et du charbon à l’éolien et au solaire, tandis que des pays comme l’Allemagne ferment aussi leurs centrales nucléaires.
« L’Europe tourne le dos aux énergies fossiles qui alimentent la croissance américaine et chinoise », observe M. Puzder. « La Chine utilise toutes les sources d’énergie disponibles pour pouvoir rivaliser avec nous dans l’intelligence artificielle. Les États-Unis envisagent d’ajouter 100 gigawatts de capacité pendant la totalité du mandat du président Trump. »
Des éoliennes se dressent devant la centrale électrique Drax, exploitée par Drax Group Plc, à Airmyn, en Angleterre, le 20 juillet 2025. Les efforts déployés par l’UE pour se conformer à l’accord de Paris de 2015 ont entraîné une transition à l’échelle du continent, passant du pétrole, du gaz et du charbon à l’énergie éolienne et solaire. (Dan Kitwood/Getty Images)
À court terme, cette transition a accru la dépendance de l’Europe envers la Russie. Devant l’ONU le 23 septembre, Donald Trump a dénoncé le soutien financier apporté à la Russie via ses ventes de gaz et de pétrole non seulement à la Chine et à l’Inde, mais aussi aux alliés européens des États-Unis.
« Il est inexcusable que même des pays de l’OTAN n’aient pas cessé d’acheter des hydrocarbures russes », a dénoncé Donald Trump. « Songez-y, ils financent la guerre contre eux-mêmes. »
Les instances européennes ont promis d’arrêter les importations de gaz naturel liquéfié russe d’ici le 1er janvier 2027.
De plus, l’Europe souffre désormais de certains des prix de l’énergie les plus élevés au monde occidental. Pour soulager ce fardeau, les États-Unis fourniront, d’ici trois ans, 750 milliards de dollars en gaz naturel liquéfié, pétrole et énergie nucléaire, selon l’accord de juillet.
Si certains pays tournent le dos au nucléaire, beaucoup d’autres, dont la France, en restent dépendants. L’atome est de plus en plus présenté comme une énergie « propre » grâce à ses faibles émissions de CO2.
« La question depuis des années est de savoir si l’on peut faire tourner une économie industrielle, fabriquer des Volkswagen, Mercedes, BMW ou Peugeot, uniquement avec les énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire. La réponse, aujourd’hui, c’est non » résume M. Puzder.
« Beaucoup pensent que si l’on ajoute du nucléaire, à terme ce sera possible. Mais ce n’est clairement pas le cas à ce stade. »
Trouver un terrain d’entente
Malgré des désaccords, de nombreux enjeux font consensus entre les États-Unis et l’Europe, à commencer par la fin de la guerre en Ukraine, jugée comme « l’une des top priorités du président », selon M. Puzder. Les deux parties partagent aussi leurs préoccupations sur la Chine.
« Beaucoup des menaces que nous affrontons aux États-Unis sont les mêmes pour l’Europe face à la Chine, ce qui justifie notre alignement », indique M. Puzder.
« On prend conscience en Europe du mercantilisme chinois — de leur propension à user de leur puissance économique pour imposer des comportements, et du fait qu’ils ne respectent pas les règles. »
[pullquote author= »Andrew Puzder, ambassadeur des États-Unis auprès de l’UE » org= » »]Beaucoup des menaces que nous affrontons aux États-Unis sont les mêmes pour l’Europe face à la Chine, ce qui justifie notre alignement.[/pullquote]
En avril, la Chine a suspendu les exportations de terres rares et d’aimants associés, composants essentiels pour l’automobile, l’aéronautique, les semi-conducteurs et la défense, contraignant certaines usines européennes à suspendre leur activité.
« [La Chine] déstabilisera les économies si cela sert ses propres intérêts », commente M. Puzder. « Elle inondera le marché européen si elle ne peut pas agir aux États-Unis, et elle soutient la Russie dans la guerre en Ukraine. »
Le porte-conteneurs CMA CGM Jacques Saade dans le port du Havre, France, le 21 janvier 2021. CMA CGM est solidement installée à Shanghai, où navigue le plus grand porte-conteneurs au monde alimenté au gaz naturel liquéfié. (Sameer Al-doumy/AFP via Getty Images)
M. Puzder estime que l’expérience partagée avec le président dans la gestion d’entreprises explique leur bonne entente lors des négociations.
« Je le trouve très facile à travailler, et je sais que ce n’est pas l’avis de tous, mais nous partageons un bagage professionnel similaire et je comprends en général ses réflexes, ce qui rend la collaboration agréable », confie-t-il.
« Quand on voit le président Trump en public — hors des passes d’armes avec les médias —, l’homme que vous apercevez lors d’un entretien ressemble à celui qu’on rencontre dans le Bureau ovale, sur le green, ou même à table. C’est quelqu’un de très sincère, de foncièrement intègre.
« Il vous écoute, cherche à comprendre, précise ses attentes, et s’il vous faut un soutien, il vous l’apporte. »
Kevin Stocklin est un ancien banquier d’affaires, désormais écrivain et producteur de films. En 2008, il a écrit et produit le documentaire "We All Fall Down : The American Mortgage Crisis" [Nous tombons tous : La crise du crédit hypothécaire américain].