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Municipales Paris : la sulfureuse Sophia Chikirou veut séduire la capitale… malgré des casseroles encombrantes

Elle dénonce les violences faites aux femmes… mais défend Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales. Elle appelle les entreprises à suivre des principes humanistes dans la gestion des équipes… mais impose un management toxique à ses collaborateurs. Elle proclame défendre les droits de l’homme… mais soutient le régime communiste chinois. En dépit des controverses médiatiques, Sophia Chikirou se présente comme tête de liste LFI aux municipales à Paris.

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Photo: THIBAUD MORITZ/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 13 Min.

DECRYPTAGE – Vendredi 14 novembre, Sophia Chikirou a officialisé sa candidature à la mairie de Paris devant un parterre de journalistes et de militants. L’annonce n’a surpris personne : son nom circulait depuis des mois. Mais La France insoumise a tenu à transformer cette formalité en moment politique. « On va redécouvrir Sophia Chikirou. J’ai laissé pendant des années des adversaires politiques et médiatiques salir mon image », a-t-elle assuré. Avant d’ajouter, comme pour conjurer les polémiques : « Je suis l’opposé de ma caricature. »
La compagne de Jean-Luc Mélenchon, souvent décrite comme la deuxième patronne de La France insoumise, s’avance en effet dans la bataille municipale avec une image déjà lourdement écornée. Peu exposée médiatiquement, mais fréquemment visée par des critiques internes comme externes, la députée LFI traîne de nombreuses casseroles.
D’abord, sa mise en examen pour escroquerie aggravée, intervenue en septembre 2024. La députée d’extrême gauche est soupçonnée d’avoir surfacturé des prestations de communication à son propre mouvement lors de la campagne présidentielle de 2017.
Sur les 10 millions d’euros dépensés par Jean-Luc Mélenchon, plus de 1,1 million d’euros ont été facturés par Mediascop, la société de Sophia Chikirou, laquelle s’est versée plus de 135 000 euros en salaires et dividendes durant les mois de campagne, tout en expliquant à ses employés, fortement mis à contribution, manquer de moyens financiers pour les rémunérer correctement.
Les juges estiment qu’il existait un conflit d’intérêts : en tant que directrice de la communication du candidat, elle commandait des prestations… qu’elle exécutait ensuite elle-même via sa société. L’enquête a également mis en lumière une gestion pour le moins opaque : pas de devis, pas de bons de commande, pas même de propositions commerciales formalisées. Un dossier pénal particulièrement lourd, et qui expose la députée à jusqu’à sept ans d’emprisonnement.
Malgré ce nuage judiciaire, LFI a choisi de l’investir sans état d’âme apparent. Un message assumé : le parti, qui passe pour dénoncer les turpitudes de ses adversaires, ne considère pas ce contentieux comme un obstacle à une candidature.
Mais au-delà des affaires judiciaires, son attitude et ses méthodes de direction en milieu professionnel, désormais notoires, continuent de la poursuivre. L’ombre de son passage au Média, la webtélé censée incarner un modèle « collaboratif » et participatif, lui colle toujours à la peau. Rythmes intenable, insultes, pressions, humiliations, atteintes à l’indépendance des journalistes pour mettre la rédaction au service de ses intérêts… Sa direction, de décembre 2017 à l’été 2018, a laissé des marques.
Plusieurs anciens salariés lui reprochent d’avoir pratiqué un management brutal et autoritaire, de jouer sur les divisions pour mieux régner, ou encore de pousser certains employés au burn-out, allant jusqu’à moquer un journaliste hospitalisé après un malaise. « Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi toxique », confiait un ancien journaliste à Libération, évoquant celle qui professait pourtant en public la nécessité d’appliquer « des principes humanistes » en matière de gestion des équipes.
Un double discours qui ne passe pas. « Quand Sophia Chikirou traite ses propres salariés de “tafioles de merde“ ou se rétribue aussi secrètement que généreusement pendant une campagne électorale où tous ses camarades sont bénévoles ou très peu payés, vouloir à tout prix l’absoudre, ce n’est pas seulement mission impossible, c’est mission immorale », n’avait pas hésité à fustiger sur X Gérard Miller, psychanalyste et cofondateur du Média au côté de l’insoumise.
Mais le climat interne ne serait guère plus apaisé au sein du mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Dans un « complément d’enquête » diffusé sur France 2 en octobre 2023, plusieurs députés avaient accepté de témoigner sous couvert d’anonymat, dressant un portrait sévère de Sophia Chikirou :
« Elle est détestée par tout le monde. Les gens ont peur d’elle et, comme elle est terrorisante, elle passe son temps à gueuler sur les gens. Et les gens ne disent rien, parce qu’il y a Jean-Luc derrière. Ils ont un rapport tout à fait monarchique ! », confiait l’un d’eux.
Un autre renchérissait : « Tout le monde sait dans l’orga que ne pas être gentil avec Sophia, ça provoque l’exclusion. »
Pour faire carrière à La France insoumise, mieux vaut se soumettre aux exigences du clan, multiplier les courbettes devant Chikirou, réputée pour ses accès de colère envers les petites mains du mouvement, ou, au minimum, veiller à ne jamais froisser celle qui soigne sa posture d’« enfant du peuple ». C’est l’un des enseignements de La Meute, l’ouvrage qui a mis en lumière un fonctionnement interne de LFI similaire à celui d’une secte. « Elle est d’un cynisme incroyable et ne s’en cache pas », confiait Frédéric Hocquard aux auteurs. Début 2023, juste après l’affaire Quatennens, dont elle a piloté la communication de crise, l’élu parisien prend un café avec elle. « À La France insoumise, je peux leur dire ce que je veux. Comme je suis la femme du chef, ils obéissent », lui glisse-t-elle alors.
Ses prises de position, par leurs contradictions, nourrissent les controverses médiatiques. Néoféministe, elle a en effet été l’un des ardents soutiens d’Adrien Quatennens après sa condamnation pour des faits de violences conjugales. Opposée à l’antisémitisme, elle a toutefois rendu en 2024 un hommage au chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, déclenchant contre elle une plainte pour « apologie du terrorisme » par l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Défenseure des droits de l’homme, elle affirmait pourtant l’été dernier ne « pas considérer que la Chine est une dictature », plaidant par ailleurs pour un rapprochement stratégique entre Paris et Pékin dans un rapport parlementaire qu’elle décrit comme « profondément pro-français et altermondialiste ». Et ainsi de suite.
Communicante chevronnée et femme de l’ombre, Sophia Chikirou accompagne Jean-Luc Mélenchon depuis plus de quinze ans. Sa trajectoire politique a démarré au Parti socialiste. En 2007, déçue de ne pas avoir obtenu l’investiture PS aux législatives, elle rejoint brièvement l’écurie sarkozyste, se proposant même d’être tête de liste UMP aux municipales de 2008, avant de quitter ce giron en 2009, date à laquelle elle embarque finalement dans l’aventure du tout nouveau Parti de gauche, sur demande de Mélenchon.
Un recrutement qui avait d’ailleurs déjà fait grincer des dents. Dès 2009, Danielle Simonnet, alors secrétaire nationale du Parti de gauche, fustige auprès de Mélenchon une « absence totale de convictions » de la nouvelle venue brièvement passée à droite ainsi que « son ambition énorme ». « Tu fais ce que tu veux de ta vie privée, mais je ne veux pas de cette fille au PG », tranche-t-elle.
Mise au courant, Sophia Chikirou n’oubliera pas cet affront. Et, quinze ans plus tard, en 2024, Danielle Simonnet, également accusée par sa rivale d’avoir alimenté en informations l’émission « Complément d’enquête », fera partie des députés frondeurs finalement évincés de LFI dans le cadre des législatives.
Controversée, Sophia Chikirou n’en demeure pas moins une stratège politique redoutablement efficace. Lors de la campagne présidentielle de 2017, elle anticipe l’importance des stratégies numériques, imagine la scénographie de l’hologramme du chef de file insoumis dans plusieurs villes simultanément, et déploie une utilisation des réseaux sociaux alors bien en avance sur les autres formations. Le modèle de Bernie Sanders, ses levées de fonds massives et sa capacité à mobiliser la jeunesse l’inspirent : elle transpose, adapte, invente. Le résultat n’offre pas la victoire à Mélenchon, mais son score impressionne.
Aujourd’hui, Sophia Chikirou aspire à un peu plus de lumière, visant désormais la mairie de Paris, avec pour objectif de franchir la barre des 10 % au premier tour pour pouvoir se maintenir, et ainsi placer le Parti socialiste face à ses contradictions. Dans une telle configuration, Emmanuel Grégoire, tête de liste socialiste et successeur désigné d’Anne Hidalgo, répète à l’envi qu’il ne s’alliera « jamais » avec LFI. Mais accepterait-il de courir le risque d’une triangulaire, qui ouvrirait une voie royale à la droite de Rachida Dati ?
À LFI, beaucoup rêvent néanmoins de ce scénario : une défaite du PS à l’Hôtel de Ville serait, pour les insoumis, un coup potentiellement fatal pour les socialistes à l’approche de la présidentielle de 2027, la seule élection qui compte réellement pour Mélenchon. Sophia Chikirou, elle, prévient déjà : « Nous n’aurons aucune raison de ne pas nous maintenir au second tour si les socialistes n’arrivent pas à se faire pardonner. Et, si ça se trouve, ce sera moi en tête de la gauche. »
Pour l’heure, les enquêtes d’opinion lui sont favorables : Sophia Chikirou navigue autour de 15 % des intentions de vote, un score qui la place solidement dans le trio de tête. Dans le petit bocal politique parisien, chacun scrute sa progression et guette le moment où la campagne s’embrasera vraiment. Une chose semble acquise : l’insoumise entend concentrer une large part de ses efforts sur les banlieues, qu’elle présente comme « abandonnées » par la majorité sortante d’Anne Hidalgo.
En ce sens, ses équipes devraient continuer à mobiliser un marqueur fort des dernières européennes : la cause palestinienne. Comme pour donner le ton, la députée s’est rendue la semaine dernière devant le commissariat du 19ᵉ arrondissement afin de réclamer la libération des activistes propalestiniens interpellés après avoir perturbé un concert de l’Orchestre d’Israël à la Philharmonie.
Reste à savoir si le bain médiatique que la « femme du chef » s’apprête à prendre pour les municipales suffira pour que les Français puissent réellement « redécouvrir Sophia Chikirou ». Architecte des succès du tribun insoumis, elle pourrait aussi causer sa chute. C’est du moins ce que murmurent certains au sein de l’extrême gauche, à l’image du militant Taha Bouhafs : « Elle va faire couler LFI. Et Jean-Luc la suivra… »