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L’Ukraine ordonne l’audit de toutes les entreprises publiques après un scandale de corruption dans le secteur nucléaire
Deux hauts responsables de l’administration Zelensky ont démissionné dans le cadre de cette affaire.

Vue générale de la centrale nucléaire de Rivne, à Varash, dans la région de Rivne, Ukraine, le 10 septembre 2023.
Photo: Roman Plilipey/AFP via Getty Images
L’Ukraine lance un vaste audit anti-corruption de toutes les entreprises publiques dans le cadre d’une enquête sur un présumé système de corruption impliquant le principal producteur d’énergie nucléaire du pays.
La Première ministre ukrainienne, Yulia Svyrydenko, a annoncé cette décision le 13 novembre, précisant que Kiev prépare un plan « global » couvrant toutes les sociétés contrôlées par l’État, y compris les plus sensibles du secteur de l’énergie.
« Les audits sont en cours et il a été demandé aux conseils de surveillance d’examiner les opérations, en particulier les procédures d’achat », a écrit Mme Svyrydenko sur X dans une publication, soulignant qu’« aucune corruption n’est acceptable » à l’heure où des frappes ciblées russes contre les infrastructures énergétiques imposent aux Ukrainiens des coupures d’électricité programmées.
Plus tôt dans la journée, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a signé un décret qui sanctionne les hommes d’affaires Timur Mindich et Oleksandr Tsukerman, tous deux impliqués dans le réseau de corruption centré sur Energoatom, entreprise d’État qui exploite les quatre centrales nucléaires du pays.
Selon le Bureau national anticorruption de l’Ukraine, les sous‑traitants d’Energoatom ont été contraints de verser des commissions et des pots‑de‑vin aux membres du réseau, en échange du maintien de leur statut de fournisseur ou du non‑blocage de leurs produits et services. Les enquêteurs estiment qu’environ 100 millions de hryvnias, soit près de 2,3 millions de dollars, ont transité via ce système.
Le Bureau affirme que M. Mindich était le principal organisateur du système, M. Tsukerman dirigeant le « back office » chargé du blanchiment des profits illicites. M. Mindich est également copropriétaire du studio Kvartal 95, producteur de la célèbre série télévisée Serviteur du peuple dans laquelle Zelensky a débuté.
L’organisme a également diffusé des enregistrements audio où les membres du groupe, utilisant un langage codé et des termes cryptés, discutaient de pots‑de‑vin et d’arrangements occultes liés à Energoatom.
Selon une notification officielle de la présidence ukrainienne, MM. Mindich et Tsukerman – tous deux identifiés comme citoyens israéliens – ont fui l’Ukraine juste avant l’annonce des poursuites.
Le scandale implique aussi plusieurs figures éminentes de l’administration Zelensky, dont l’ex‑vice‑Premier ministre Oleksiy Chernyshov, la ministre de l’Énergie Svitlana Hrynchuk, le ministre de la Justice Herman Halushchenko et Rustem Umerov, ancien ministre de la Défense et désormais secrétaire du Conseil de sécurité et de défense nationale.
Le 12 novembre, MM. Halushchenko et Hrynchuk ont tous deux présenté leur démission, après que Zelensky leur ait demandé de quitter leurs fonctions et qualifié la corruption dans le secteur énergétique d’« absolument anormale » en temps de guerre.
L’affaire suscite une vive indignation dans l’opinion, alors que des millions d’Ukrainiens endurent des coupures d’électricité et des pénuries de chauffage cet hiver sous les bombardements russes constants sur les infrastructures énergétiques du pays.
Le 7 novembre, M. Hrynchuk a annoncé des délestages d’urgence dans « plusieurs régions d’Ukraine », affirmant qu’ils seraient levés dès que « la situation du réseau électrique se stabilisera ».
Centrenergo, l’opérateur national du réseau, a rapporté avoir subi, le weekend précédent, la « frappe la plus massive » sur ses centrales thermiques depuis le début de la guerre totale entre la Russie et l’Ukraine en 2022.
« Nous avons tout perdu de ce que nous restaurions jour et nuit ! À chaque attaque, l’ennemi frappe plus brutalement, plus cyniquement encore », a commenté Centrenergo sur Facebook, ajoutant que la capacité de production du pays était tombée à « zéro » le 8 novembre, après des frappes de drones et de missiles sur ses centrales électriques.

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