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L’IA amplifie la vague de suppressions d’emplois — Ce qu’il faut savoir

Un analyste affirme que les emplois d’analystes et cadres en col blanc sont les plus exposés à l’intégration de l’IA, tandis que les métiers manuels risquent davantage à cause de la robotisation.

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Sur cette illustration, un écran de smartphone affiche un logo d’IA le 16 mai 2025. L’utilisation de l’IA dans les services clients est en hausse, 70 % des interactions pourraient impliquer une IA en 2025, selon Wifi Talents.

Photo: Oleksii Pydsosonnii/Epoch Times

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Durée de lecture: 10 Min.

Plusieurs grandes entreprises ont déclenché récemment une vague de licenciements, supprimant des dizaines de milliers de postes. La plupart ont cité l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) et l’automatisation parmi les justifications de ces décisions.
Des experts soulignent que, si une part importante des postes demeure difficile à reproduire mécaniquement, l’IA prendra sans doute le relais des fonctions analytiques « col blanc », tandis que la robotique remplacera nombre d’emplois manuels.
Amazon a annoncé le 28 octobre qu’elle allait supprimer près de 14.000 postes de cadres pour rester « agile ».
De son côté, UPS a révélé avoir supprimé 34.000 emplois opérationnels durant les neuf premiers mois de l’année — une réduction bien supérieure aux 20.000 licenciements annoncés en avril — s’inscrivant dans son projet « efficiency reimagined » (Efficacité repensée).
Nestlé a indiqué le 16 octobre qu’elle allait réduire de 16.000 le nombre de postes à l’échelle mondiale d’ici deux ans, invoquant le souci d’« efficacité opérationnelle » grâce à la mutualisation de services et à l’automatisation de ses processus.
En août, Marc Benioff, PDG de Salesforce, a révélé dans un podcast que l’entreprise avait remplacé quelque 4.000 agents du support client par des agents IA.
Traditionnellement, les entreprises taillaient dans leurs effectifs lors de récessions économiques ; cette série de licenciements intervient pourtant en période de forte rentabilité, signalant un bouleversement : la transformation de la notion même de travail, sous l’effet de la diffusion rapide de l’IA.
Contrairement aux précédentes vagues d’automatisation, qui imitaient les fonctions du corps humain et remplaçaient essentiellement des tâches manuelles ou routinières, l’IA s’attaque aux capacités cognitives du cerveau. Elle ne se limite plus à exécuter automatiquement des tâches répétitives : elle apprend, analyse, décide.
Ces deux mutations — l’automatisation manuelle et l’automatisation cognitive — remodèlent ensemble le travail, qu’il soit qualifié ou non. Certains métiers sont transformés, d’autres disparaissent.
Dans le communiqué relatif à la suppression d’emplois, Amazon explique que la puissance de transformation de l’IA nécessite de nouvelles structures organisationnelles : « Elle permet aux entreprises d’innover bien plus vite que jamais. […] Nous sommes convaincus de la nécessité d’une organisation plus légère, avec moins d’échelons et davantage de responsabilités, afin d’être le plus agile possible au service de nos clients et partenaires. »
Cependant, Andy Jassy, PDG d’Amazon, a précisé lors de la présentation des résultats du 30 octobre que ces annonces récentes de licenciements n’étaient « pas vraiment dictées par l’IA, du moins pour l’instant ».

La diffusion de l’IA à travers le monde du travail

Économistes, banques centrales et instituts de recherche s’accordent sur la rapide dissémination de l’IA dans la sphère professionnelle.
Un rapport de la Réserve fédérale de St. Louis a ainsi relevé qu’au début de 2023, l’IA générative — cette catégorie capable de créer de nouveaux contenus — s’était largement diffusée dans les milieux professionnels américains. Outils comme ChatGPT sont désormais intégrés aux navigateurs, logiciels bureautiques et moteurs de recherche, démocratisant l’usage des grands modèles de langage pour des millions de travailleurs.
La banque a constaté que les métiers adoptant l’IA générative de façon intensive — notamment dans les domaines informatiques et mathématiques — ont connu les hausses de chômage les plus marquées.
« Nos résultats suggèrent que nous pourrions assister aux prémices d’un déplacement des emplois sous l’effet de l’IA », note le rapport. « Contrairement aux révolutions technologiques précédentes, qui touchaient surtout l’industrie ou les tâches administratives, l’IA générative cible les compétences cognitives des travailleurs du savoir — parmi les secteurs jadis considérés comme les plus stables. »
Un rapport de la Brookings Institution estime que 30 % des salariés américains pourraient voir au moins la moitié de leurs tâches professionnelles bouleversées par l’IA générative. Là où l’automatisation d’antan concernait avant tout les cols bleus, l’IA devrait toucher un large éventail de métiers dits « cognitifs » et « non routiniers », surtout ceux des classes moyennes et supérieures.
Dans le même ordre d’idées, le McKinsey Global Institute a projeté jusqu’à 54 millions de travailleurs américains potentiellement impactés par l’automatisation, fruit de la combinaison IA/robotique, d’ici 2030.
De son côté, une analyse de Goldman Sachs prévoit qu’une adoption généralisée de l’IA pourrait entraîner la suppression de 6 à 7 % des emplois aux États-Unis, soit plusieurs millions de postes.
Les économistes de Goldman Sachs estiment que chaque hausse d’un point de productivité induite par une technologie économe en travail fait temporairement progresser le chômage d’environ 0,3 point.

Les emplois les plus exposés

Une étude de la Society for Human Resource Management, datée du 25 avril, dresse un panorama détaillé des emplois vulnérables à l’IA sur le marché américain.
Selon ce rapport, 12,6 % des emplois — environ 19,2 millions de postes — sont à haut ou très haut risque d’automatisation. Dans le détail : 14 % des emplois dits « cols bleus », 12,3 % des emplois de bureau et 12,1 % dans le secteur des services présentent une forte exposition.
En parallèle, un rapport d’Upwork, publié le 9 juin, identifie 120 professions difficiles à remplacer par l’IA, notamment dans le secteur de la santé, les métiers de création ou les expertises techniques pointues.

L’IA et la mutation des compétences

Un travail publié par la Harvard Business School en décembre 2024 montre que l’IA a un impact ambivalent sur la demande de main d’œuvre.
Dans les fonctions les plus exposées à l’automatisation, l’IA réduit la nécessité de spécialisation, rendant des tâches complexes plus accessibles. A contrario, dans les métiers bénéficiant de l’IA, elle dope la productivité et accroît la demande de compétences avancées et complémentaires.
« À mesure que l’IA générative progresse, il devient essentiel de comprendre la diversité de ses effets sur l’emploi », soulignent les auteurs. « Il appartient aux décideurs publics et privés de reconnaître cette double dynamique — automatisation et valorisation des compétences — pour que les salariés puissent s’adapter et prospérer dans ce nouvel environnement. »
En parallèle, les travaux du prix Nobel Daron Acemoglu et de ses collègues, publiés dans le Journal of Labor Economics, démontrent que les entreprises qui adoptent l’IA réduisent leurs recrutements sur les fonctions non technologiques, adaptant également les qualifications requises pour les postes restants.
Andy Zenkevich, fondateur et PDG de l’agence numérique Epiic, experte en optimisation pour moteurs IA, confie à Epoch Times que la peur des pertes massives d’emplois dues à l’IA est exagérée.
« Parmi les sociétés avec lesquelles nous collaborons dans le marketing digital — dont des géants de la tech — les vagues de licenciements ne sont pas la norme », explique-t-il. « Au contraire, les fonctions évoluent : un jeune rédacteur devient “éditeur de contenus IA”, chargé de l’ingénierie des prompts, de la vérification des faits et de la relecture. »
Selon lui, environ 2,5 % des emplois seraient réellement menacés en cas de déploiement généralisé de l’IA ; « une automatisation complète se révèle beaucoup plus ardue que ce que laissent entendre les gros titres ».
« Plus du tiers des emplois requièrent désormais des compétences hybrides, à la croisée de la technique et de qualités humaines non reproductibles par la machine », poursuit M. Zenkevich.
Georgios Koimisis, professeur associé en finance à Manhattan University, partage ce scepticisme.
« L’inquiétude montant face à l’IA tient plus à ses symboles qu’à sa réalité », estime-t-il dans nos colonnes. « Les licenciements ne dépendent pas uniquement de l’IA, mais aussi de la volonté, pour les entreprises, d’apparaître dans l’air du temps. Revendiquer une transformation IA rassure les investisseurs et laisse penser que les dirigeants ont un cap. »
Pour M. Koimisis, certains plans sociaux présentés comme des restructurations IA visent moins à s’adapter au progrès qu’à envoyer des signaux de rigueur aux actionnaires.
« L’IA reconfigure non seulement l’organisation du travail, mais l’idée même de la valeur », conclut-il.
Izhar Haq, directeur de la School of Professional Accountancy (École de comptabilité professionnelle) à l’université de Long Island, apporte une nuance, soulignant que le ralentissement économique et la conjoncture jouent également un rôle.
Pour lui, si les effets de long terme de l’IA restent incertains, « les fonctions analytiques en col blanc sont les plus menacées par l’IA, tandis que les emplois manuels font face à la concurrence de la robotique ».
Panos Mourdoukoutas est professeur d'économie à l'université LIU de New York. Il enseigne également l'analyse de la sécurité à l'université de Columbia. Il a été publié dans des revues et magazines spécialisés, notamment Forbes, Investopedia, Barron's, New York Times, IBT et Journal of Financial Research. Il est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont "Business Strategy in a Semiglobal Economy" et "China's Challenge".

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