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Une première : l’industrie chinoise des voitures électriques investit davantage à l’étranger qu’en Chine

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Des voitures électriques de la société chinoise BYD attendent leur chargement sur un navire au terminal international à conteneurs du port de Taicang, dans le port de Suzhou, province chinoise du Jiangsu, le 11 septembre 2023.

Photo: AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

L’industrie chinoise des voitures électriques accélère ses investissements à l’étranger face à la surcapacité nationale, à la faiblesse de ses marges bénéficiaires et à la réglementation croissante des exportations à son plus grand marché étranger – l’Europe.
Selon les données compilées par China Cross Border Monitor (CBM) et Global Clean Investment Monitor (GCIM), en 2024 les entreprises chinoises de VE ont investi dans le développement de leurs activités davantage à l’étranger qu’en Chine – une première pour la Chine.
Ces projets d’investissement à l’étranger sont généralement des répliques de projets nationaux, mais habituellement de plus petite envergure et concentrés sur la production de batteries. Le fabricant automobile BYD est en tête de cette tendance, suivi par CATL et Geely.
Le 31 janvier 2024, BYD a annoncé son intention de construire une usine de « véhicules à énergies nouvelles (VEN) » – terme chinois pour les VE – à Szeged, en Hongrie. Quelques mois plus tard, l’entreprise a dévoilé un projet d’un milliard de dollars pour la construction d’une usine à Manisa, en Turquie, d’une capacité de 150.000 voitures électriques et hybrides.
L’empressement des constructeurs chinois de VE à accroître leurs investissements à l’étranger fait suite à la forte croissance des exportations de voitures du pays, qui ont atteint 3,083 millions de voitures au cours du seul premier semestre de cette année, soit une hausse de 10,4 % par rapport à la même période en 2024, selon l’Association chinoise des constructeurs automobiles.
Pour la Chine, les exportations des VE s’inscrivent dans une stratégie plus large visant à relancer son moteur d’exportation, alors que la croissance économique du pays a fortement ralenti, passant d’une croissance à deux chiffres avant la crise de 2008-2009 à environ 6,5 % à la veille de la pandémie du Covid-19, puis à environ 5 % aujourd’hui.
Pour les fabricants de VE, les exportations offrent un moyen de faire face à divers problèmes nationaux : surcapacité, chute des prix et faibles marges bénéficiaires.
Les marges bénéficiaires de NIO Inc., basée à Shanghai, en sont un parfait exemple. Sa marge brute est passée d’environ 19 % fin 2020 à environ 10 % au premier trimestre de cette année. Ses marges d’exploitation et nette ont connu une situation bien plus défavorable, restant négatives tout au long de cette période.
Les marges de XPeng ont affiché une tendance similaire. Sa marge bénéficiaire brute est passée d’environ 30 % fin 2021 à environ 15 % au premier trimestre 2025, tandis que ses marges opérationnelle et nette sont restées bien décevantes sur la même période.
Les ventes de l’entreprise ont doublé au cours du dernier trimestre, même s’il faudra peut-être encore un an ou deux pour équilibrer ses comptes.
La situation est pratiquement la même pour les marges brute et opérationnelle de BYD. Cependant, sa marge nette s’est légèrement améliorée, car l’entreprise est de loin le plus grand bénéficiaire de subventions d’État qui se sont élevées à 1,6 milliard d’euros rien qu’en 2022.
BYD est l’un des principaux producteurs de « véhicules à énergies nouvelles (VEN) » en Chine, détenant une part dominante de 34,1 % du marché chinois de ces véhicules en 2024, loin devant ses concurrents tels que Geely (7,9 %) et Tesla (6 %).
Surcapacités, guerre des prix et faibles marges bénéficiaires compromettront la survie à long terme de la plupart des acteurs du secteur. Un nouveau rapport annuel Global Automotive Outlook du cabinet de conseil international AlixPartners prévoit que seule une poignée d’entreprises survivront d’ici 2030.
Le rapport prévoit que seules 15 des 129 marques chinoises de VEN actuellement sur le marché seront financièrement viables et survivront d’ici 2030.
Un chemin semé d’embûches
La poussée des exportations des voitures électriques, principalement soutenue par les généreuses subventions de Pékin, pourrait atténuer certains des problèmes rencontrés sur le marché intérieur. Cependant, elle pourrait ne pas être durable vu le fait que les gouvernements étrangers seront incités à prendre des contre-mesures pour uniformiser les conditions de concurrence.
Par exemple, le 30 octobre 2024, l’Union européenne (UE) a annoncé qu’elle imposerait des droits de douane aux constructeurs chinois de voitures électriques allant de 17 % à 35 %. Ces tarifs douaniers s’ajoutent aux tarifs de 10 % déjà appliqués aux voitures entrant dans l’UE.
Comme cela a été le cas avec les constructeurs automobiles japonais dans les années 1980, l’un des principaux moyens de contrer la hausse des droits de douane à l’étranger est de délocaliser la production vers les marchés étrangers. La récente augmentation des investissements chinois dans la fabrication de voitures électriques à l’étranger illustre la même situation.
Toutefois, cette stratégie comporte des risques importants pour la Chine et ses fabricants des VE. Pour l’économie chinoise, les investissements à l’étranger entraîneront un affaiblissement de ses industries, ce qui entraînera un ralentissement de la croissance du PIB et une diminution des emplois pour les travailleurs chinois.
Les États-Unis ont été confrontés au même problème plusieurs décennies avant la Chine. Cependant, contrairement à la Chine, les États-Unis étaient déjà passés d’une économie manufacturière à une économie de services, ce qui a créé de nombreux emplois pour compenser les pertes d’emplois dans le secteur manufacturier.
Pour les fabricants chinois de VE, la délocalisation comporte le risque de priver des avantages technologiques les autres fabricants nationaux, comme cela a été le cas pour les fabricants américains dans les années 1950 et 1960, qui ont finalement transféré des technologies essentielles au Japon.
Par ailleurs, BJ Birtwell, PDG et fondateur d’Electrify Expo – l’un des principaux organisateurs d’événements grand public axés sur les voitures électriques – estime que la conquête des marchés étrangers, notamment américains, par les fabricants chinois de VE sera semée d’embûches, car les facteurs de la technologie et du prix ne suffisent pas pour être compétitifs sur ces marchés.
« Si les marques chinoises de voitures électriques veulent s’imposer aux États-Unis, la véritable bataille ne sera ni le prix ni la technologie… Ce sera une question de confiance », a expliqué M. Birtwell à Epoch Times.
« Les Américains doivent être convaincus que l’entreprise sera présente sur le long terme, avec ses services, ses pièces détachées et son assistance. Cette confiance est durement gagnée, et même les constructeurs automobiles traditionnels peinent souvent à l’obtenir. »
Panos Mourdoukoutas est professeur d'économie à l'université LIU de New York. Il enseigne également l'analyse de la sécurité à l'université de Columbia. Il a été publié dans des revues et magazines spécialisés, notamment Forbes, Investopedia, Barron's, New York Times, IBT et Journal of Financial Research. Il est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont "Business Strategy in a Semiglobal Economy" et "China's Challenge".

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