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Le nouveau pipeline sibérien de la Russie vers la Chine reste incertain

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Le PDG de Gazprom, Alexei Miller, a serré la main du vice-président de la CNPC et président de PetroChina, Wang Dongjin, lors d’une cérémonie de signature à l’issue d’une rencontre entre Vladimir Poutine et Xi Jinping au Kremlin, à Moscou, le 8 mai 2015.

Photo: Kirill Kudryavtsev/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 5 Min.

La compagnie nationale russe, Gazprom, semble persuadée d’avoir conclu un accord avec la Chine pour la construction d’un second pipeline de gaz naturel baptisé Power of Siberia (PoS-2). Le PDG Alexei Miller a annoncé le mois dernier que l’accord est juridiquement contraignant entre Gazprom et la China National Petroleum Corporation (CNPC). Cependant, Pékin n’a toujours pas confirmé cet arrangement et, au vu des multiples considérations géopolitiques et économiques, pourrait ne jamais le faire.

Le pipeline, dont Gazprom semble si enthousiaste, pourrait donc ne jamais voir le jour.

Enjeux économiques pour la Russie

La Russie affiche un intérêt majeur à réaliser ce projet gigantesque de 2600 kilomètres, PoS-2. Sous le coup de l’embargo américain et européen visant principalement le commerce énergétique, ce pipeline garantirait à la Russie un acheteur de poids. Les analystes de l’Atlantic Council estiment toutefois que, même si le projet aboutit, il ne permettrait pas de prélèvements de gaz avant plusieurs années et imposerait une période de retour sur investissement pouvant emprisonner la Chine sur près de trente ans.

Outre la garantie de revenus nécessaires pour Moscou, de tels accords offriraient à la capitale russe un levier supplémentaire sur l’Europe en cas de levée de l’embargo occidental sur l’énergie russe. Le pipeline affaiblirait aussi la position de ses grands concurrents mondiaux sur le marché du gaz naturel, le Qatar et, de façon notable, les États-Unis.

Les calculs stratégiques de Pékin

De son côté, la Chine a un intérêt réel à sécuriser ses approvisionnements énergétiques. Malgré ses importantes réserves russes via le premier pipeline Power of Siberia (PoS-1) et le gaz naturel liquéfié arctique (Arctic LNG), ainsi que ses accords avec l’Asie centrale et le Qatar, cet apport supplémentaire renforcerait aussi la sécurité énergétique du pays et sa position géopolitique.

Ce qui séduit particulièrement Pékin, c’est la possibilité de voir son influence gazière affaiblir la puissance économique et politique de Washington. Instaurer une alliance énergétique sino-russe à l’écart des marchés mondiaux dominés par le dollar servirait aussi l’objectif chinois de déclasser le billet vert du statut de monnaie internationale de référence.

Des réticences persistantes

Malgré tout, la Chine a motif à l’hésitation sur un accord que Gazprom présente comme déjà acté. Le coût du projet est un facteur essentiel : PoS-2 s’avérerait bien plus onéreux que les arrangements précédents et ne devrait assurer aucun retour avant 2030 au plus tôt.

Les précédentes négociations illustrent la réticence de Pékin : Gazprom espérait obtenir un financement chinois pour l’intégralité du projet, mais la CNPC a toujours refusé de financer la partie russe du tracé.

Autre source d’hésitation, l’engagement de la Chine à importer un volume déterminé de gaz naturel qatari. Un nouvel afflux russe remettrait en cause ces arrangements. Par ailleurs, le projet pose des contraintes territoriales : PoS-2 alimenterait principalement le nord du pays, essentiellement pour le chauffage et l’industrie, alors que les centrales électriques à gaz se concentrent dans le sud et l’est. La Chine devrait alors développer d’importantes infrastructures de transmission complémentaires.

Des défis technologiques majeurs

Le principal frein reste technologique. L’ajout de PoS-2 irait à l’encontre de deux axes industriels soutenus par Pékin : les pompes à chaleur et les batteries. La Chine a déjà installé 250 gigawatts de pompes électriques et prévoit d’étendre cet effort. Les batteries et les véhicules électriques sont au cœur de chaque document stratégique émis par le gouvernement. Il est particulièrement significatif que Pékin cherche à réduire la dépendance au gaz naturel en remplaçant les véhicules lourds alimentés au gaz par des alternatives électriques.

Un choix reporté par Pékin

Pour des raisons de politique internationale, Pékin pourrait accepter, malgré tout, la proposition russe et valider le pipeline. Mais il apparaît clairement que la décision est loin d’être acquise. À court terme, les autorités chinoises devraient temporiser. Comme le passé l’a souvent démontré, Pékin pourrait repousser le choix dans l’attente d’événements favorables susceptibles de justifier le oui, le non, ou même de rendre inutile toute décision.

Milton Ezrati, auteur, est collaborateur de la rédaction de The National Interest, une filiale du Centre d'études sur le capital humain de l'université de Buffalo (SUNY), et économiste en chef de Vested, une société de communication basée à New York. Avant de rejoindre Vested, il a été chef de la stratégie de marché et économiste pour Lord, Abbett & Co. Il écrit également fréquemment pour le City Journal et blogue régulièrement pour Forbes.

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