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« La société a engendré une fabrique de barbares » : l’État impuissant face aux rodéos urbains

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Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à Paris, le 6 mai 2025.

Photo: BERTRAND GUAY/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

Un sapeur-pompier volontaire est entre la vie et la mort après avoir été percuté samedi par un automobiliste lors d’un rodéo urbain. Le sapeur-pompier touché « lutte toujours contre la mort », a expliqué le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, devant la caserne d’Evian-les-Bain. Le pompier, âgé de 38 ans, souffre d’un traumatisme crânien et d’un enfoncement thoracique, selon une source policière.
Les faits se sont produits vers 6 h 00 du matin alors que deux véhicules effectuaient des « dérapages » à proximité de la caserne, ce qui a conduit plusieurs pompiers à sortir pour leur demander d’arrêter, a raconté le ministre devant la presse.
Alors que les pompiers retournaient dans la caserne, l’un des conducteurs, âgé de 19 ans et dont le permis était suspendu, a fait démarrer sa voiture en trombe. Trois des pompiers ont été protégés par le trottoir mais cela n’a pas été le cas de la victime, « bousculée de façon brutale par cette voiture ». Le conducteur est ensuite sorti pour aller « cracher sur la victime et sur un autre » pompier qui le secourait, s’est indigné le ministre de l’Intérieur, pour qui la «société a engendré une fabrique de barbares».
Un constat partagé par plusieurs élus, dans un climat d’impunité générale mettant de plus en plus en danger les « honnêtes citoyens ».
Les rodéos urbains sont une « malédiction »
Le ministre de l’Intérieur s’est rendu le 10 mai avec le ministre attaché à l’Intérieur François-Noël Buffet dans la caserne d’Evian-les-Bains (Haute-Savoie) où s’est noué le drame et s’est entretenu avec les collègues de la victime, « totalement bouleversés ».
« L’auteur des faits a voulu en réalité tuer ceux qui étaient là », a souligné Bruno Retailleau. L’individu présentait un taux d’alcool de 0,28 mg / l et des bouteilles d’alcool et de protoxyde d’azote (gaz hilarant) ont été retrouvées dans son véhicule, a indiqué le parquet de Thonon-les-Bains dans un communiqué. Le jeune homme et l’autre conducteur impliqué ont été interpellé en « moins de 40 minutes » et tous deux mis en examen.
«Le conducteur, après son forfait, a craché sur la victime et sur le sapeur-pompier volontaire en train de secourir son camarade […] Toutes les tentatives d’homicides sont injustifiables mais celle-ci franchit toutes les limites. Elle est abjecte et révoltante. L’individu ne pouvait pas ne pas savoir qu’il avait affaire à des sapeurs-pompiers», a poursuivi Bruno Retailleau.
« Cette société a engendré une fabrique de barbares. Les mots ne sont pas trop forts », s’est indigné le ministre de l’Intérieur. « Vous avez d’un côté, une France courageuse, une France qui s’engage, celle des Sapeurs Pompiers. C’est la force du don de soi, c’est la force de l’engagement, plutôt que la tentation de la facilité et du confort. Cette France des gens honnêtes, elle n’agresse pas, elle fait son devoir, et puis il y a des barbares » a déclaré le ministre de l’Intérieur, sur un ton grave.
Le ministre a plaidé pour « la restauration de l’autorité dans les familles, à l’école, dans la société » et pour une « véritable révolution pour la justice pénale des mineurs » qui « redonne sens à la sanction ». «Il y a un sentiment d’impunité, c’est de plus en plus violent et de plus en plus grave, la sanction participe à l’éducation», a dit Bruno Retailleau.
Le Premier ministre, François Bayrou, avait auparavant lui aussi rendu hommage depuis Brest à « ce pompier qui s’est trouvé à ce point brutalisé, écrasé, comme si sa vie ne devait pas compter » et qualifié les rodéos de « malédiction pour un très grand nombre de maires et un très grand nombre de villes ».
Le gouvernement travaille à édifier « des règles et des capacités pour pouvoir bloquer les gens sans conscience qui se livrent à ce genre de pratiques », a-t-il souligné.
Vendredi, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait appelé à « la plus grande fermeté contre le fléau des rodéos urbains, qui pourrit la vie de nombreux Français ». Les procureurs de la République « devront désormais saisir systématiquement les véhicules impliqués dans des rodéos et, comme la loi le permet, les vendre ou les faire détruire avant même le jugement. Stop à l’impunité ! », a-t-il écrit sur X.
« Le fléau des rodéos urbains »
Le samedi 3 mai, c’était Anthony Rolland, conseiller municipal de Gauriaguet, à 30 kilomètres au nord-est de Bordeaux, qui avait tenté de mettre fin à un rodéo avant de recevoir de nombreux coups et de perdre brièvement connaissance.  Identifiés comme « ayant été présents sur les lieux », deux mineurs âgés de 15 et 17 ans et deux majeurs âgés de 18 et 21 ans avaient été placés en garde à vue.
Mais « les mesures de garde à vue ont été levées » quelques jours plus tard, « les éléments recueillis ne permettant pas à ce stade de retenir leur implication dans les faits de violence », déclare dans un communiqué Loïs Raschel, procureur de la République à Libourne. « Plusieurs individus demeurent activement recherchés, l’un ayant quitté le territoire national après les faits », ajoute le magistrat.
L’élu agressé a raconté dans le quotidien Sud Ouest être venu à la rencontre d’une quinzaine de motards, sur le terrain de ball-trap de la commune, après avoir failli se faire renverser par une moto. Le ton est alors monté et l’élu a ensuite été « violemment frappé par l’un d’entre eux avec un objet métallique », selon le parquet. La victime, admise aux urgences, souffre de fractures à l’arcade, au nez et à la pommette droite.
Une information judiciaire pour violences aggravées et non-assistance à personne en danger a été ouverte contre X, précise le parquet. Edwige Diaz, députée RN de la 11ème circonscription de Gironde, a interpellé le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, à l’Assemblée nationale concernant « le fléau des rodéos urbains [qui] a encore frappé ». « Le mois dernier dans le Val d’Oise, la semaine dernière à Drancy et ce week-end en Gironde dans une commune de ma circonscription ! », a-t-elle déploré.
Des tentatives jusque-là infructueuses
En 2023, Gérald Darmanin appelait les préfets à renforcer la lutte contre les rodéos urbains qui « altèrent gravement la vie des habitants ». Les préfets devaient notamment « conduire des opérations de contrôles coordonnées dans les secteurs et sur les axes les plus exposés » et « procéder à la saisie systématique des engins utilisés ».
Malgré 6900 opérations de lutte contre les rodéos début 2023, avec 38.000 contrôles, 350 interpellations, près de 7000 verbalisations et plus de 100 deux-roues saisis, l’opération n’a pas réussi à endiguer le phénomène qui a continué à s’amplifier.
En novembre 2022, les députés du Rassemblement national présentaient une proposition de loi contre les rodéos urbains qui autorisait les forces de l’ordre à « aller au contact » des délinquants et triplait les peines encourues. La proposition de loi rappelait déjà qu’en 2021, près de 26.900 interventions liées à des rodéos urbains avaient été opérées sur notre territoire.

« Il faut modifier le cadre légal […] donner aux forces de l’ordre la possibilité d’aller au contact », c’est-à-dire de percuter le deux-roues comme c’est autorisé en Grande-Bretagne, défendaient les députés. Il s’agit aussi de « toucher au portefeuille » puisque « les frais d’enlèvement du véhicule seraient à la charge du délinquant ». S’il vit dans un logement social, « il en sera expulsé », précisait le député Laurent Jacobelli. Pour envoyer un « signal fort » face au sentiment d’ « impunité », le texte prévoyait de « multiplier par trois le montant de l’amende, qui passerait de 15.000 à 45.000 euros, et la durée d’emprisonnement, qui passerait d’un an à trois ans ».
La proposition n’avait pas été retenue, dans un contexte de banlieues inflammables, ce qui se vérifiera en juin 2023 avec les émeutes suite à la mort de Nahel. Déjà, une fronde contre toutes les autorités françaises : polices, écoles, bibliothèques, pompiers, etc. montrait un niveau de violence décomplexée jamais vue jusque-là, ignorant tous les cadres donnés par la République.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.