La routine quotidienne de Charles Dickens : bains froids, longues promenades et horaires fixes

"Le Rêve de Dickens" de Robert William Buss, 1875.
Photo: Domaine public
Charles Dickens, l’écrivain tant aimé, a largement été salué comme le plus grand romancier victorien. Équivalent victorien d’une rock star, il a sillonné l’Angleterre et le monde entier, jouissant d’une popularité plus grande que n’importe quel écrivain avant lui.
Comme beaucoup d’autres grands artistes, Charles Dickens n’est pas devenu célèbre par hasard. C’était le fruit d’un travail consciencieux, d’une discipline et d’un quotidien équilibré, alliés à un génie et à un talent inné uniques. Le résultat a été impressionnant et continue de captiver les lecteurs dans les 150 langues dans lesquelles ses œuvres ont été traduites.
L’inspiration suit la discipline
Il traitait son travail créatif comme n’importe quel autre emploi : il était ponctuel et respectait des horaires fixes. Il n’attendait pas que la muse le comble d’inspiration ou que l’humeur propice lui tombe dessus comme un éclair avant de prendre la plume. Une vision aussi romantique du processus créatif aurait sans doute entravé son travail. Charles Dickens savait que l’inspiration vient souvent après s’être mis au travail, et non avant. Elle ne le rejoint, comme compagnon de route, qu’une fois qu’il a entamé son quota d’écriture quotidien.
Selon les paroles de son fils aîné, cités dans le livre de Mason Currey Daily Rituals: How Artists Work (Rituels quotidiens : comment les artistes travaillent) : « Aucun secrétaire municipal n’était plus méthodique et ordonné que lui ; aucune tâche banale, monotone et conventionnelle n’aurait pu être accomplie avec plus de ponctualité et de régularité professionnelle que celle qu’il consacrait à son imagination et à sa fantaisie. »
Selon Mason Currey, l’écrivain se levait à 7 h, prenait son petit-déjeuner à 8 h et commençait à travailler dans son bureau à 9 h. Il faisait une brève pause pour le repas du midi, qu’il mangeait rapidement et machinalement, l’esprit encore rongé par son travail, puis continuait à travailler jusqu’à 14 h. Charles Dickens produisait souvent 2000 à 4000 mots durant cette période, mais même s’il n’en couchait pas beaucoup sur le papier, il restait dans son bureau à rêvasser ou à gribouiller. Après avoir terminé, il parcourait les rues de Londres pour une promenade intense de trois heures, le regard errant et scrutant, à la recherche de bribes ou de fragments d’inspiration. Cette expérience directe de Londres a sans doute contribué à la représentation vivante et réaliste de la ville par le romancier dans ses œuvres. À 18 h, il prenait ensuite le repas du soir, se détendait, discutant avec sa famille et ses amis jusqu’à son coucher vers minuit.

Charles Dickens par Daniel Maclise, 1839 (Domaine public)
L’objectif rencontre la précision
Charles Dickens veillait à respecter ses horaires de travail habituels, qu’il soit inspiré ou non. Il a beaucoup écrit durant cette période et était également méticuleux dans l’aménagement de son environnement de travail. Il exigeait un silence absolu, allant même jusqu’à faire installer une porte supplémentaire pour insonoriser son bureau. Son bureau devait être aménagé avec soin, avec des plumes d’oie, des fleurs et des statuettes : l’une représentant un couple de crapauds en duel et l’autre un gentilhomme entouré de chiots. Il préférait l’encre noire, même s’il a adopté le papier et l’encre bleus à la fin des années 1840.
Charles Dickens préparait soigneusement des notes et des plans pour ses projets. C’était particulièrement important, car il publiait pratiquement tout sous forme de feuilletons : de courts épisodes dans des revues et magazines paraissaient au fil des mois, voire des années, jusqu’à l’achèvement du roman. Planifier et structurer un roman-feuilleton au fur et à mesure de son écriture et de sa publication n’est pas chose aisée ; les épisodes précédents étant « immuables », il n’y avait aucune révision pour donner une nouvelle direction au livre ou corriger une erreur. Il devait donc s’adapter tout en étant visionnaire et méthodique. Il y parvenait grâce à des « fiches de planification », une pour chaque épisode. Michael Slater a ainsi décrit les fiches de planification de Charles Dickens dans sa biographie du romancier :
« Il préparait une feuille de papier d’environ 18 x 23 cm en la tournant sur le côté, le grand côté horizontal, la divisant en deux, puis utilisant le côté gauche pour ce qu’il appelait les ‘Mems’. Il s’agissait de notes qu’il se rédigeait sur les événements et les scènes susceptibles de figurer dans le numéro, d’indications sur le rythme du récit, de phrases particulières qu’il souhaitait intégrer, de questions sur la pertinence de faire figurer tel ou tel personnage dans ce numéro ou de le laisser en retrait. […] Sur le côté droit de la feuille, il inscrivait généralement les numéros et les titres des trois chapitres qui composent chaque partie mensuelle et notait, avant ou après leur rédaction, les noms des personnages principaux et les événements de chaque chapitre, avec parfois un fragment crucial du dialogue. »

Ancienne photo de la maison de Charles Dickens à Gad’s Hill Place, à Higham, dans le Kent. La maison est aujourd’hui une école et peut être visitée. (ilbusca/Getty Images)
La puissance d’une bonne santé
L’un des secrets du succès de Charles Dickens semble avoir résidé dans son style de vie dynamique, qui lui permettait de conserver énergie et vitalité. Outre les longues promenades décrites ci-dessus, il prenait également des bains froids quotidiens en hiver, comme il l’a révélé dans une lettre de 1865 à Sophie Verena. Dans cette même lettre, Charles démontrait l’importance de rester en bonne santé et d’équilibrer travail mental et effort physique. Il disait : « J’ai maintenant 44 ans. Cela semble beaucoup sur papier ; mais je crois avoir encore l’air très jeune, et je sais que je suis un homme très actif et vigoureux, qui n’a jamais su, par expérience, ce que signifiait le mot ‘fatigue’. »
Il suggérait ensuite qu’en plus de l’exercice physique, un écrivain devrait s’adonner à une activité intellectuelle plus légère pour équilibrer son esprit. « J’ai toujours eu, outre un exercice physique intense, une activité mentale légère pour varier mes activités d’auteur. »
Cette approche équilibrée semble avoir porté ses fruits pour Charles Dickens, qui a réussi à produire une œuvre étonnamment vaste (15 romans, 5 nouvelles, des centaines de courtes histoires et d’articles, et des milliers de lettres) tout en se lançant dans des tournées de conférences épuisantes. Grâce à sa routine et à son style de vie rigoureux, le monde dispose d’un trésor de son œuvre dont il pourra profiter pendant des siècles.

Walker Larson enseigne la littérature et l'histoire dans une académie privée du Wisconsin, où il réside avec sa femme. Il est titulaire d'une maîtrise en littérature et langue anglaises, et ses écrits sont parus dans The Hemingway Review, Intellectual Takeout, et dans son Substack, "TheHazelnut".
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