« La grâce invisible » : la courtoisie et la gentillesse sont source de joie

La courtoisie authentique engendre la gentillesse, que ce soit entre proches ou avec de parfaits inconnus.
Photo: Biba Kayewich
En feuilletant au hasard Town & Country Social Graces, un recueil d’essais publiés en 2002 par différents auteurs sur « la bienséance sans la lourdeur », je suis tombé sur l’une des dernières entrées du livre, Invisible Grace, d’Owen Edwards. L’auteur associe la courtoisie à la gentillesse, d’où jaillissent une certaine grâce et une certaine beauté de l’esprit humain.
Les manuels tels que Social Graces attirent depuis longtemps les lecteurs. Dans sa jeunesse, George Washington a copié puis mis en pratique les 110 Rules of Civility & Decent Behavior (110 règles de civilité et de comportement décent), une liste de maximes composées par des jésuites français puis traduites en anglais, qui étaient très populaires à son époque. Au milieu du XIXe siècle, des guides de bonnes manières, d’habillement et de coutumes tels que The Ladies’ Book of Etiquette et The Gentlemen’s Book of Etiquette étaient très appréciés, se vendaient bien et sont toujours disponibles aujourd’hui. Plusieurs autres guides de bonnes manières ont suivi, le plus influent étant sans doute l‘Etiquette d’Emily Post, publié en 1922.
Qu’elle soit énoncée directement ou non, la philosophie derrière tout bon livre de bonnes manières reste la même. Dans le film Première Sortie (Blast from the Past), Troy, l’un des personnages, la résume bien : « Je pensais qu’un ‘gentleman’ était quelqu’un qui possédait des chevaux. Mais il s’avère que sa définition courte et simple d’une dame ou d’un gentleman est celle d’une personne qui essaie toujours de s’assurer que les gens qui l’entourent sont aussi à l’aise que possible. »
Les bonnes manières font l’homme

La courtoisie authentique engendre la gentillesse, que ce soit entre proches ou avec de parfaits inconnus. (Biba Kayewich)
À son tour, la courtoisie authentique engendre la gentillesse.
Le sentiment et la signification de l’adage « Traite les autres comme tu voudrais qu’ils te traitent » apparaissent non seulement dans la Bible, mais aussi dans les cultures du monde entier. Cet adage, devenu une sorte de cliché, est au cœur de toute véritable courtoisie. Une fois mis en pratique, il nous conduit dans un autre domaine, celui de la gentillesse.
Récemment, une amie méthodiste m’a parlé d’un pasteur, immigré de la Corée du Sud, qui dirigeait l’un de ses comités. Dans une culture qui a vu l’érosion de la civilité, cet homme se distinguait par sa politesse à l’égard de tous. De plus, comme mon amie et beaucoup d’autres l’ont découvert, ces bonnes manières n’étaient que la porte d’entrée dans le cœur et l’esprit de l’un des hommes les plus gentils qu’ils aient jamais rencontrés. Ses bonnes manières n’étaient pas une façade, mais un tapis de bienvenue.
Dans l’histoire du bon Samaritain, nous trouvons un autre exemple de la bonté qui provient de la combinaison des bonnes manières, de l’amabilité et de la générosité. Le Samaritain rencontre un étranger allongé sur le bord de la route, battu à mort par des voleurs. Comme les voyageurs qui l’ont précédé, le Samaritain aurait pu traverser la route et continuer son chemin, mais au lieu de cela, il panse les blessures de l’homme, l’emmène dans une auberge et paie sa chambre et sa pension jusqu’à ce qu’il se rétablisse.
De cette convergence de courtoisie et de considération découle cette grâce invisible : la joie.
Une expérience à faire soi-même
Bien que souvent difficiles à discerner, les preuves de ce lien à la joie existent. Dans la littérature, par exemple, l’une des illustrations les plus spectaculaires de ce phénomène se trouve à la fin d’Un chant de Noël (A Christmas Carol). Un Ebenezer Scrooge renouvelé, désormais très conscient de son traitement grossier et mesquin des autres, se réjouit de sa métamorphose spirituelle : « Je suis aussi léger qu’une plume, je suis aussi heureux qu’un ange, je suis aussi joyeux qu’un écolier. »
Voici un autre exemple concret. À la mi-juin, je suis allé dans le sud pour assister aux funérailles d’un beau-parent, un homme et un ami que je connaissais depuis 30 ans. La veille des funérailles, alors que j’attendais le début des visites, j’ai rencontré par hasard l’administratrice du salon funéraire. Cette femme d’une trentaine d’années était très polie. Elle m’a fait l’impression d’être une personne aimable par son comportement et son visage amical. J’ai pensé qu’elle était la candidate idéale pour aborder la question de la joie. Après lui avoir brièvement expliqué mon projet d’écriture, nous nous sommes assis et je lui ai demandé quelle joie, le cas échéant, elle tirait de son travail.
Elle a réfléchi un long moment, puis m’a répondu : « Je considère ce travail comme un ministère visant à aider les gens à l’un des moments les plus triste de leur vie, auquel nous sommes tous confrontés. C’est un travail difficile et exigeant, mais il y a de la joie à savoir que l’on a aidé quelqu’un autant que possible à traverser une période difficile. » Elle a marqué une nouvelle pause, puis a ajouté : « On peut être joyeux, mais pas nécessairement heureux. »
Et voilà, une réponse aussi succincte que tout auteur de mots peut espérer obtenir. Le respect des autres, la gentillesse et le service : ce sont les composantes de cette force invisible que nous appelons la joie.
Chacun peut tester et confirmer cette thèse. Pensez aux personnes que vous connaissez bien et qui semblent penser davantage aux autres qu’à elles-mêmes, qui traitent avec considération aussi bien ceux qu’elles rencontrent un court moment que ceux qu’elles aiment depuis toujours. Ces personnes peuvent parfois être malheureuses, pleurer une grande perte ou se mettre en colère à la suite d’un reproche immérité, mais il s’agit là de nuages passagers, d’états d’âme provoqués par les circonstances.
Comme dans le cas de la jeune femme mentionnée plus haut, nous trouvons chez ces personnes la grâce de la joie.

Jeff Minick, auteur, a quatre enfants et un nombre croissant de petits-enfants. Pendant 20 ans, il a enseigné l’histoire, la littérature et le latin en cours à domicile à Asheville, en Caroline du Nord. Aujourd’hui, il vit et écrit à Front Royal, en Virginie, aux États-Unis.
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