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Mater Dei, la première académie classique d’Irlande

Portée par un couple d’universitaires, la Mater Dei Academy entend réconcilier foi, culture et excellence académique. Dans une Irlande sécularisée, cette école indépendante s’inspire des modèles américains pour refonder une pédagogie classique centrée sur la personne et la transmission.

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Pratique musicale à l'Académie Mater Dei.

Photo: Pádraig Cantillon-Murphy

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Durée de lecture: 8 Min.

À 41 ans, Padraig Cantillon-Murphy parle posément, avec la retenue d’un chercheur habitué aux faits précis. Mais sa voix se charge de fierté lorsqu’il évoque l »Académie Mater Dei, qu’il a créée avec son épouse Grace, à Cork. « Nous aurons cette année notre première promotion de diplômés, un événement marquant dans la vie de l’école », confie-t-il à Epoch Times. « Ces jeunes sont appelés à devenir les futurs leaders de la société, car ils ont appris à penser par eux-mêmes. »
L’aventure commence en 2020, avec douze élèves et quelques parents décidés à offrir à leurs enfants une autre voie que celle de l’école publique. Quatre ans plus tard, ils sont soixante à suivre des cours de lettres, de sciences, d’histoire irlandaise, de mathématiques et de catéchèse, dans un cadre inspiré de la tradition classique. À cela s’ajoutent des programmes en ligne et des cours destinés à l’enseignement à domicile, couvrant aussi le primaire.
« Mater Dei a été la première école classique indépendante fondée en Irlande », rappelle son fondateur, non sans un certain étonnement.

Padraig Cantillon-Murphy (en haut à dr. a fondé l’académie Mater Dei à Cork, en Irlande. (Pádraig Cantillon-Murphy)

Le désenchantement d’un enseignant

Issu d’une lignée d’enseignants, Padraig se disait autrefois convaincu de la qualité du système éducatif irlandais. « Mon père, mon oncle, mon frère étaient professeurs. Pendant des générations, école publique et éducation catholique allaient de pair et transmettaient un ensemble de valeurs communes. »
De retour en Irlande en 2010 après des années d’études et de travail à l’étranger, le couple inscrit ses deux aînés à l’école. Aujourd’hui parents de neuf enfants, âgés de deux à dix-sept ans, ils découvrent un paysage scolaire profondément transformé. Les établissements, à peine catholiques de nom, semblent avoir perdu tout lien avec les valeurs traditionnelles, la littérature et l’histoire nationale. « Le niveau académique n’était pas celui que nous attendions d’un système public, et les valeurs que nous souhaitions transmettre à nos enfants n’y figuraient tout simplement plus », explique-t-il.

Pause dans le hurling, un sport de plein air irlandais ancestral. (Pádraig Cantillon-Murphy)

Le constat, partagé par d’autres parents, mène à la création d’un petit groupe de travail. En 2019, le projet se concrétise : « Nous avons commencé avec des enseignants bénévoles, donnant leur temps gratuitement. Progressivement, des donateurs se sont intéressés à notre démarche, ce qui nous a permis d’offrir cette éducation à des familles qui n’auraient jamais envisagé une école privée. Aujourd’hui, plusieurs élèves bénéficient de bourses, et nous veillons à ce que les moyens financiers ne soient jamais un obstacle. »

Une alliance transatlantique

Le projet a aussi trouvé un écho outre-Atlantique. La Saints and Scholars Foundation, basée en Virginie et fondée par Connaught “Connie” Marshner, soutient Mater Dei et d’autres écoles partageant son ambition : promouvoir « un nouveau modèle d’éducation catholique en Irlande ».

Pour leur part, Padraig et Grace se sont rencontrés lors des Journées mondiales de la jeunesse en 2005. Leur relation s’est approfondie quelques mois plus tard à Boston, où ils étudiaient tous deux au MIT. Leur premier fils est né deux semaines seulement avant la cérémonie de remise des diplômes de doctorat de Padraig. Un professeur réputé les invite alors chez lui, en compagnie d’un autre couple d’universitaires éminents. Grace écrira plus tard sur Instagram : « Ce qui m’a le plus marquée, c’est à quel point ces couples s’intéressaient davantage à leurs familles qu’à leurs réussites professionnelles. J’ai compris que nos accomplissements familiaux surpassent nos succès de carrière. »

Contrairement à son mari, Grace avait reçu une éducation classique. Elle s’en inspire lorsqu’elle commence à instruire leurs enfants à domicile, puis s’intéresse aux programmes américains d’enseignement classique, comme Memoria Press. Aujourd’hui, elle supervise les cursus d’éducation à domicile développés par Mater Dei, intégrant certains éléments issus de ces modèles américains.

Visite d’une galerie à Dublin. (Pádraig Cantillon-Murphy)

Chaque année, de jeunes enseignants américains issus d’universités comme Hillsdale ou Christendom viennent y enseigner, grâce à des bourses de cette fondation. Une sorte de retour d’histoire, sourit Padraig : « Aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles, des religieux irlandais ont fondé des centaines d’écoles aux États-Unis. Aujourd’hui, le mouvement s’inverse: nous avons besoin de l’expertise américaine pour le renouveau des écoles classiques ici. Notre démarche reste profondément irlandaise, mais elle requiert une certaine humilité – ce qui n’est pas évident dans un pays fort de nos 1 500 ans d’histoire dans le domaine de l’éducation. »

Un apprentissage centré sur la personne

L’école se distingue aussi par son atmosphère. « Les enfants sont heureux », affirme Padraig. « Ils sont bien dans leur peau. Ils n’ont pas à se conformer aux modèles imposés par les réseaux sociaux. Nous n’utilisons pas la technologie en classe ; les interactions sont humaines, pas virtuelles. Cela leur donne confiance. Ils s’exercent à la prise de parole, participent à des clubs de débat, chantent dans des chorales et jouent de la musique en public. Chaque journée commence et s’achève par une prière. »

Ancrés dans leur foi et leur culture, ces élèves incarnent l’espoir d’un renouveau. « Certains veulent devenir médecins ou avocats, d’autres artisans ou agriculteurs. Ce n’est pas une éducation pour l’élite », insiste-t-il. « Qu’ils deviennent docteurs, fermiers ou parents de famille nombreuse importe peu. L’essentiel est qu’ils soient formés pour la vie, et non simplement entraînés pour un métier. Trop d’écoles modernes préparent à l’emploi plutôt qu’à l’existence. »

Un pari sur l’avenir

Le succès de Mater Dei pousse aujourd’hui ses fondateurs à chercher un site plus vaste. « Nous avons identifié une belle propriété, mais il faudra lever près de deux millions d’euros pour la financer », reconnaît Padraig.

Malgré les obstacles, la conviction demeure. La mission de l’école, écrite noir sur blanc, se veut ambitieuse : « l’académie Mater Dei est le cœur battant d’un nouvel élan missionnaire destiné à revitaliser la société irlandaise et européenne à travers les valeurs de nos ancêtres catholiques. »
Un projet qui, à sa manière, fait écho aux moines irlandais du haut Moyen Âge, qui ont préservé les textes fondateurs de la civilisation occidentale. À Cork, Padraig et Grace Cantillon-Murphy, ainsi que toute l’équipe de Mater Dei, espèrent que leurs élèves suivront cette lignée et participeront, à leur manière, à une restauration culturelle de l’Occident.
Jeff Minick, auteur, a quatre enfants et un nombre croissant de petits-enfants. Pendant 20 ans, il a enseigné l’histoire, la littérature et le latin en cours à domicile à Asheville, en Caroline du Nord. Aujourd’hui, il vit et écrit à Front Royal, en Virginie, aux États-Unis.

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