Logo Epoch Times

Opinion

plus-icon

La Chine en état d’animation suspendue

La Chine gémit et se tord, mais le monde sommeille.

top-article-image

Un membre de la garde d’honneur devant le Grand Hall du Peuple vu depuis le Monument aux Héros du Peuple, sur la place Tian’anmen à Pékin, le 12 novembre 2025.

Photo: Andres Martinez Casares/EPA Pool/AFP via Getty Images

author-image
Partager un article

Durée de lecture: 13 Min.

Du moins, une grande partie du monde continue de rêver que les fruits du commerce chinois continueront à stimuler l’économie mondiale. Mais ce rêve, en réalité, s’est déjà dissous.
La monnaie de la République populaire de Chine s’est affaiblie simultanément à l’économie, tandis que les diverses factions du pouvoir communiste se font face, armes au poing, dans les couloirs sombres de Zhongnanhai, siège du Parti communiste chinois (PCC).
« Regardez », affirment les rêveurs à l’étranger, « Xi Jinping vit toujours : il conserve ses titres, son pouvoir, ses honneurs. Nous ne voyons aucun changement ; rien au‑delà des murs de Potemkine du Grand Hall du Peuple. L’espoir, la menace de la RPC demeurent : la quatrième session plénière du XXe Congrès du Parti, tenue du 20 au 23 octobre 2025, a confirmé que “business as usual” restait la norme. »
Mais tel n’est pas le cas.
Ce qu’a réellement révélé ce Quatrième Plénum, c’est que les trois grandes factions rivales du PCC — le clan Xi Jinping ; la faction militaire ; les réformateurs, soutenus par certains vétérans du Parti — s’accordaient toutes sur un point : à moins que la continuité du Parti soit rendue visible, non seulement la transmission du pouvoir ne pourrait se faire dans le calme, mais le Parti lui-même risquait d’imploser en même temps que son chef. Leur priorité inconditionnelle : ne jamais laisser apparaître qu’ils se battaient pour survivre ; car la moindre fissure annoncerait la chute totale de l’édifice.
On pourrait croire que c’est Xi Jinping — et non Benjamin Franklin — qui déclara, lors de la signature de la Déclaration d’indépendance américaine : « Il faut rester solidaires, sinon nous finirons tous pendus séparément. »
Mais il existe une quatrième source majeure de pouvoir, opposée à toutes les autres : le peuple, désormais privé d’espérance économique et de fierté collective. Et c’est cette opinion publique du continent chinois qui, désormais, fixe le rythme du changement.
Derrière cette apparente stagnation se cache une réalité bien plus remuante que le calme affiché que veut bien croire l’Occident. Si Xi conserve, c’est vrai, les titres suprêmes de « président » et de « président de la Commission militaire centrale » (CMC), il a, dans les faits, perdu le contrôle du pouvoir. Toutes ses tentatives de sauvegarder ses prérogatives ont échoué, y compris la liquidation de sa prétendue armée secrète, conçue hors du commandement de l’Armée populaire de libération (APL), sa dernière garantie.
Cette armée secrète — une unité militaire indépendante implantée à Langfang (province du Hebei, près de Pékin), détachée de la chaîne de commandement officielle de l’APL — avait été créée par deux fidèles de Xi, le général He Weidong et l’amiral Miao Hua (tous deux vice-présidents de la CMC, grâce à Xi). Mais ces deux officiers furent évincés dès le début de 2025 par un autre vice-président de la CMC, le général Zhang Youxia. Zhang, désormais numéro 2 de la CMC, s’est ainsi imposé dès les premiers mois de 2025 comme véritable commandant en chef de l’APL.

Zhang Youxia (au c.), vice-président nouvellement élu de la Commission militaire centrale de la République populaire de Chine, prête serment avec les membres de la CMC après leur élection lors de la quatrième session plénière de l’Assemblée nationale populaire au Grand Hall du Peuple, à Pékin, le 11 mars 2023. (GREG BAKER/POOL/AFP via Getty Images)

Outre le général He et l’amiral Miao (directeur du département du travail politique de la Commission militaire centrale) entre octobre 2017 et juin 2025, au moins 3 000 autres officiers de l’APL ont été démis de leurs fonctions, sans que l’on sache ce qu’ils sont devenus. On ne dispose d’aucune information sur les effectifs sous les ordres de ces officiers. Il s’agissait probablement des troupes de l’armée secrète de Xi ou de sa « garde rapprochée », forte d’une division. Si l’on se base sur le ratio moyen entre officiers et soldats dans l’APL, cela signifierait que l’armée secrète comptait au moins 12.000 membres, si tant est que les personnes démises de leurs fonctions étaient toutes liées à la force privée de Xi.
On peut supposer que l’équipe de Xi avait aussi repéré des unités de l’APL susceptibles de basculer en cas d’affrontement direct.
Or, du fait de la manœuvre du général Zhang Youxia, Xi Jinping a perdu le contrôle de l’APL comme de sa propre force militaire, qui lui obéissait hors du cadre du Parti et de l’état-major officiel… Mao Zedong affirmait que le pouvoir jaillissait du canon des fusils ; or désormais, ce canon est tenu fermement par Zhang Youxia. Ce dernier s’est ostensiblement allié aux réformateurs et à des figures anciennes du PCC pour écarter Xi du pouvoir. Toutefois, le simulacre de « légitimité » du PCC et le « droit » à contrôler la Chine continentale retiennent chacun d’ouvrir la moindre brèche qui pourrait entraîner la chute de 76 ans de légalité politique factice.
Dès lors, quand ce décor gelé va-t-il voler en éclats ?
On peut supposer que la fissure a déjà commencé.
Les foules sont désormais dans la rue dans de nombreuses villes, dans une ambiance que beaucoup qualifient de « prérévolutionnaire ». Cela exerce une pression énorme sur les factions du Parti. Le dernier atout économique du Parti pour faire pression sur l’Occident (et surtout sur les États-Unis) était sa maîtrise supposée de l’approvisionnement en terres rares, essentielles dans la fabrication des véhicules électriques, des systèmes de défense majeurs (comme le F-35), etc.
Le président américain Donald Trump, en pleine session du Quatrième Plénum, a soudain accepté un sommet avec le Premier ministre australien Anthony Albanese — jusque-là un allié apprécié du PCC. Lors de cet entretien, les États-Unis et l’Australie ont scellé un accord sur l’approvisionnement australien en terres rares. Ensuite, au sommet de l’ASEAN à Kuala Lumpur, Trump a obtenu des contrats similaires avec (la Malaisie, la Thaïlande, le Cambodge), fournisseurs et transformateurs de terres rares.
Plus tard, à Tokyo, Trump a signé avec la Première ministre Sanae Takaichi un accord afin d’assurer la transformation de ces minerais. Au sommet de l’APEC en Corée du Sud, la République de Corée s’est aussi engagée à fournir ses capacités. À la Maison Blanche, Trump a, le 6 novembre, trouvé un terrain d’entente sur ce sujet avec le président tadjik Emomali Rahmon… alors même que le Tadjikistan fait partie de la sphère voisinant la Russie et la Chine.
Le levier du PCC s’est donc effondré, et les terres rares sont déjà fournies grâce à la transformation en Malaisie. Elles n’ont, en fait, rien de si “rare”.
De plus, comme l’a révélé le scientifique David Archibald dans un rapport du 10 novembre intitulé à juste titre « Rare Earths » : « Un signe positif : la Chine importe désormais 40 % de ses matériaux de base pour la production de terres rares lourdes (comme le terbium et le dysprosium) depuis la Birmanie. Cela indique probablement que la Chine arrive à court de ce type de minerai. »
Dès lors, le seul levier stratégique restant au Parti, c’était la surenchère rhétorique du “wolf warrior” — ou diplomatie de l’intimidation. Mais qui contrôlait ce levier en coulisses ?
Il semble que Xi Jinping conserve une part résiduelle de son influence au sein des médias et, peut-être, du ministère des Affaires étrangères. Toutes les factions du Parti tiennent à ce que les forces armées de la RPC donnent, coûte que coûte, le sentiment d’être intactes et unies — ce qui est loin d’être le cas — pour donner du poids à leurs menaces.

La Première ministre japonaise Sanae Takaichi (au centre) assiste à une session de la commission budgétaire de la Chambre des conseillers à la Diète nationale à Tokyo, le 14 novembre 2025. (Kazuhiro Nogi/AFP via Getty Images)

La provocation la plus voyante est venue du consul général de Chine à Osaka, Xue Jian, qui a déclaré, le 8 novembre, que la Première ministre japonaise Takaichi méritait d’être décapitée. Bien que l’insulte, postée sur les réseaux sociaux, eût été coupée au bout de quelques heures, ni Xue ni Pékin n’ont présenté d’excuses — allant même jusqu’à multiplier les outrances contre Mme Takaichi. Une réaction destinée à répondre au discours de la Première ministre, selon lequel un conflit portant sur Taïwan (provoqué par le régime chinois) constituerait une menace directe pour la sécurité du Japon.
En résultat, l’échange a enflammé les réseaux autour de l’hypothèse d’une guerre sino-japonaise, alors même que la Chine n’est pas prête. Un tel affrontement signifierait, plus probablement, une humiliation majeure pour le PCC et Xi Jinping ; il offrirait, toutefois, au régime un prétexte pour décréter la loi martiale et écraser toute opposition sur le continent.
La mise en service très discrète du nouveau porte-avions chinois, le Fujian, le 5 novembre à Sanya, au sud de l’île de Hainan, joue dans le même registre. Rares sont les médias d’État à en avoir fait état, la cérémonie fut insipide : elle aurait confirmé les rumeurs selon lesquelles le Fujian n’a pas validé ses essais — moins capable que ce que l’on prétend et simplement inauguré pour la forme, sans être prêt au combat… Xi Jinping a remis le drapeau de la flotte au navire, mais depuis le quai, flanqué de son dernier fidèle Cai Qi, qui n’a même pas pris la parole devant la maigre assistance.
Tous les piliers de la puissance et du fonctionnement du régime semblent désormais s’être évaporés, ne laissant à la Chine qu’une façade de normalité à montrer au monde.
Si le Japon se livrait à ce théâtre d’ombres, les commentateurs parleraient de kabuki — une opacité qui masque la vacuité des coulisses. En l’occurrence, la désagrégation du régime chinois rappelle vraiment l’effondrement de l’Union soviétique au début des années 1990, mais avec des conséquences infiniment plus lourdes tant pour la Chine que pour le monde entier.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Gregory Copley est le président de l’International Strategic Studies Association, basée à Washington. Né en Australie, Copley est membre de l’ ordre d’Australie, entrepreneur, auteur, conseiller au gouvernement, et éditeur de revues spécialisées dans la défense. Son livre le plus récent s’intitule « The New Total War of the 21st Century and the Trigger of the Fear Pandemic » [La nouvelle guerre hors limite au 21e siècle et le déclencheur de la panique pandémique, ndt.]

Articles actuels de l’auteur