Jeunes diplômés
Jeunes diplômés : emploi précaire ou alimentaire, la galère d’une génération sacrifiée
Gauthier Burgess, 24 ans, vit un cauchemar éveillé. Ingénieur en biologie industrielle depuis deux ans, ce Parisien arpente le marché de l'emploi depuis onze mois sans succès. Après un CDD de dix mois, le voilà de nouveau en quête d'opportunités. Son constat est amer : "On ne me propose que des CDD, je n'ai jamais vu un seul CDI."

Façade principale du ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités à Paris, France, le 12 avril 2025.
Photo: RICCARDO MILANI/Hans Lucas/AFP via Getty Images
Face à cette impasse, même sa passion pour la biologie vacille. Gauthier envisage désormais une reconversion, résigné à l’idée que le contexte économique actuel ne lui laisse guère le choix.
CDI en chute libre, la précarité devient la norme
Les chiffres du ministère du Travail confirment cette tendance inquiétante. Au printemps dernier, les embauches en CDI ont reculé de 6,5% par rapport à 2024, tandis que les contrats précaires (CDD) progressaient de 3,9%, toutes générations confondues.
Cette précarisation touche particulièrement les moins de 25 ans : leur nombre parmi les demandeurs d’emploi inscrits à France Travail a explosé de près de 30% en un an, atteignant 542 300 personnes au troisième trimestre 2025.
Premiers sacrifiés en temps de crise
« En période de reprise économique, les jeunes sont les premiers qui en bénéficient, mais en période de crise, ce sont les premiers touchés », analyse Jean-François Giret, directeur du Céreq. Ce socio-économiste pointe du doigt la frilosité des entreprises, dont les investissements fragiles réduisent mécaniquement la demande de main-d’œuvre.
Grandes écoles, grands espoirs déçus
Même l’élite n’est pas épargnée. Sébastien Popineau, 28 ans, double diplômé de Sup’Aéro et HEC, cherche depuis trois mois. Son étonnement résume celui de toute une génération : « On s’attend à une facilité de l’emploi et en fait, il faut quand même sortir les pagaies. »
Le piège de l’expérience et des stages à répétition
Mona, 26 ans, a déposé « au moins 200 candidatures » dans le secteur culturel depuis 2022. Ses observations révèlent une stratégie délibérée des employeurs : « Je vois tous les six mois les mêmes annonces de stage », signe d’une volonté de s’appuyer sur des formes d’emploi toujours plus précaires.
Zineb Chiheb, 23 ans, originaire d’Argenteuil et en recherche d’un poste en communication, partage cette frustration : « On demande toujours au moins trois ans d’expérience – et l’alternance et les stages ne comptent pas. » Et quand une opportunité se présente enfin ? « Comme je suis en début de carrière, ils se permettent de proposer des salaires à la limite du foutage de gueule. »
Jobs alimentaires : la survie en attendant mieux
Pour subsister, Mona et Zineb ont trouvé des « tafs alimentaires », notamment en accueil de musées. Ratshiya Thiruchelvam, 24 ans, spécialisée en design graphique, a carrément décidé de faire « une petite pause » après cinq mois de recherches infructueuses. Elle occupe son temps avec « des petits projets passion pour mon portfolio » et envisage de nouvelles formations pour décrocher une alternance.
Gatien Teissère, 22 ans, diplômé en droit international à Lille, songe quant à lui à « faire des remplacements dans l’Éducation nationale, comme prof d’anglais par exemple » – loin, très loin de son projet initial.
Un horizon à cinq ans pour rattraper le retard
Malgré ce tableau sombre, Jean-François Giret tempère : ces difficultés ne signifient pas une pénalisation définitive. « L’effet cicatrice reste relativement faible », assure le chercheur. Les générations entrées sur le marché du travail dans des contextes défavorables « rattrapent finalement leur retard après plus ou moins cinq ans. »
Un horizon de cinq ans qui, pour ces jeunes diplômés coincés entre précarité et désillusion, peut sembler une éternité.
Avec AFP

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