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Opinion

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« Nous cherchons à connaitre les échanges entre la CIA et la France au sujet de l’Institut de virologie de Wuhan », confie Gary Ruskin, directeur de US Right to Know

ENTRETIEN - La commission d’enquête sur le Covid-19 du Congrès des États-Unis a conclu, en décembre dernier, que le virus du SARS-CoV-2 a probablement fuité d’un laboratoire de Wuhan. Bien que considérée aujourd’hui comme l’hypothèse la plus plausible, cette origine n’a toujours pas été formellement établie. C’est pourquoi l’ONG américaine US Right to Know, dont le travail a alimenté celui du Congrès, poursuit ses investigations. Spécialisée dans les recherches en santé publique, elle vient d’engager une procédure contre la CIA, sur le fondement de la loi américaine sur la liberté d’information, afin d’obtenir les échanges entre l’agence américaine et la DGSE. Selon Gary Ruskin, directeur de l’ONG, la France, qui a permis à la Chine d’obtenir un laboratoire P4, pourrait détenir des informations susceptibles de contribuer à faire la lumière sur l’origine du Covid-19.

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Gary Ruskin, directeur de US Right to Know.

Photo: DR

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Durée de lecture: 12 Min.

Epoch Times : Pourquoi pensez-vous que l’État français pourrait détenir des informations pouvant faire la lumière sur l’origine du SARS-CoV-2 ?
Gary Ruskin : Pour comprendre notre démarche, il faut d’abord revenir sur la longue histoire qui lie la France au laboratoire de Wuhan.
En 2004, les gouvernements français et chinois signent un accord de coopération portant sur la biosécurité et les maladies infectieuses émergentes. Celui-ci prévoit plusieurs projets de recherche conjoints, la formation de personnel, ainsi que l’élaboration commune de règles et de lignes directrices en matière de biosécurité et de prévention des maladies. Dans ce cadre est créé l’Institut Pasteur de Shanghai, inauguré la même année lors d’une cérémonie en présence du président Jacques Chirac, à l’occasion d’une visite d’État de cinq jours en Chine.
Le laboratoire P4 (BSL-4) de l’Institut de virologie de Wuhan est, quant à lui, le fruit d’un projet de longue date porté par l’homme d’affaires et ancien responsable politique Alain Mérieux. Directement issu de l’accord de 2004 et inauguré à Wuhan en 2017 par le Premier ministre français de l’époque, Bernard Cazeneuve, il constitue le premier laboratoire P4 d’Asie, édifié avec l’appui technique de la France. Sa conception est calquée sur celle du P4 de Lyon, construit par la Fondation Mérieux et inauguré en 1999 par Jacques Chirac.
Alain Mérieux, ardent défenseur de la coopération franco-chinoise dans la recherche sur les agents pathogènes, plaidait dès les années 1990 pour la création d’un laboratoire P4 en Chine. Pourtant, le projet a suscité de fortes oppositions au sein même de l’État français.
Plusieurs responsables de haut niveau, dans les domaines de la santé comme de la défense, ont exprimé leurs inquiétudes : respect incertain par la Chine des engagements de coopération, doutes sur le niveau de sécurité, ou encore risque que le site soit placé sous l’autorité de l’Armée populaire de libération.
À peine inauguré, le site de Wuhan a effectivement vu les Français qui l’avaient conçu être écartés de ses activités, faisant ainsi perdre une grande partie de la visibilité sur ce qui s’y passait.
Néanmoins, compte tenu de cette relation ancienne et étroite entre la France et la Chine dans le domaine des maladies infectieuses émergentes et de la biosécurité, il est probable que certains scientifiques ou virologues français disposent d’informations précieuses.
Quelles informations cherchez-vous à obtenir précisément ?
Notre objectif est de déterminer tout ce qui a pu être communiqué par la France concernant les tout premiers cas de Covid-19, les notes d’information sur l’origine du virus, tout rapport relatif à d’éventuels accidents ou incidents survenus à Wuhan, ainsi que les informations portant sur les principaux scientifiques, français ou chinois, ayant travaillé dans le laboratoire, collaboré avec lui ou participé à la formation de ses équipes.
À ce stade, nous ignorons si l’État français détient des informations pertinentes. Toutefois, compte tenu de la longue histoire de coopération entre la France et la Chine que je viens d’évoquer, et du grand nombre de scientifiques français, à l’Institut Pasteur ou dans d’autres institutions, qui connaissaient et ont collaboré pendant des années avec leurs homologues chinois de l’Institut de virologie de Wuhan ou d’autres laboratoires, il est plausible que certains chercheurs ou virologues français disposent de renseignements sur les projets menés à Wuhan : l’état du laboratoire, le niveau de formation du personnel, la sécurité des installations…
Certains ont participé à la construction du P4, formé ses scientifiques ou conduit des projets de recherche conjoints. Shi Zhengli elle-même, virologue spécialiste des coronavirus au sein de l’Institut de virologie de Wuhan, a obtenu son doctorat à l’université Montpellier-II et a été formée au P4 de Lyon. D’autres membres de l’équipe du P4 de Wuhan y ont également effectué des séjours.
Il n’est donc pas exclu que la DGSE dispose d’informations pertinentes à ce sujet, et que certaines aient été partagées avec la CIA.
C’est donc en raison du manque de transparence de la France que vous tentez d’obtenir ces informations en accédant aux échanges entre la DGSE et la CIA.
La solution idéale aurait été que le gouvernement français partage lui-même avec le public tout ce qu’il sait, comme l’a fait, au moins en partie, le gouvernement allemand quelques mois plus tôt.
En l’absence de transparence de sa part, nous avons engagé aux États-Unis une procédure contre la CIA sur le fondement de la loi sur la liberté d’information (Freedom of Information Act), qui permet aux citoyens de demander l’accès à ce type de documents.
Au vu de l’ensemble des documents obtenus par US Right to Know, penchez-vous aujourd’hui plutôt pour une origine naturelle du virus, ou pour la piste d’une fuite de laboratoire ?
Après avoir étudié plusieurs milliers de pages de documents, mon opinion personnelle, c’est qu’il existe des preuves solides, mais circonstancielles, laissant penser que le virus pourrait être apparu à la suite d’un accident ou d’un incident survenu à l’Institut de virologie de Wuhan.
Cela reste toutefois, à ce jour, non prouvé : ce sont des indices forts, mais pas des preuves définitives.
Dans les e-mails d’Anthony Fauci, ancien directeur des NIH, qui ont été rendus publics, Edward Holmes, professeur à l’université de Sydney, écrivait en 2020 qu’« à moins qu’un lanceur d’alerte de l’Institut de virologie de Wuhan ne fasse défection et ne vienne vivre en Occident, nous ne saurons jamais ce qui s’est passé dans ce laboratoire. Jamais ». Pensez-vous qu’il soit possible de prouver l’origine exacte du virus ?
Je ne peux que l’espérer. Il est essentiel de connaître l’origine du virus afin de mettre en place des politiques capables d’éviter qu’une telle tragédie que celle que nous avons vécu ne se reproduise.
Au regard des millions de morts et de la souffrance humaine incommensurable que cette crise sanitaire a provoquée, nous le devons à nos enfants et à nos petits enfants.
À partir de 2014, le NIH a financé des recherches sur les coronavirus à l’Institut de virologie de Wuhan via des subventions accordées à EcoHealth Alliance. Or, comme le régime chinois, certaines branches du gouvernement américain ont tout fait pour éviter de faire pleinement la lumière sur l’origine du SARS-CoV-2. Comment expliquez-vous cette opacité, et qu’est-ce que cela révèle selon vous ?
Ce financement à l’institut de virologie de Wuhan représente indéniablement une source d’embarras pour certaines branches du gouvernement américain.
Et à mon sens, il y a eu une défaillance institutionnelle majeure au sein de certaines instances gouvernementales et universitaires à travers le monde pour comprendre les origines du Covid-19.
Dans les faits, très peu d’efforts réels ont été consacrés à cet objectif. Certes, une sous-commission parlementaire sur la pandémie de coronavirus aux États-Unis a mené un travail sérieux et de qualité. Mais cela restait une initiative restreinte.
Il y a eu également quelques autres démarches au Congrès américain, ainsi que la création par l’OMS du Groupe consultatif scientifique sur les origines des nouveaux agents pathogènes (SAGO). Mais ce groupe n’a produit que peu de recherches originales, et ses conclusions n’apportent rien de véritablement nouveau ou déterminant.
En attendant, ce sont donc de petites organisations à but non lucratif comme la nôtre qui se retrouvent à faire tout ce qui est possible pour tenter de résoudre ce mystère.
Maintenant que Robert Kennedy Jr. dirige le ministère de la Santé, peut-il, selon vous, favoriser une réelle transparence côté américain ?
Kennedy Jr dirige désormais le ministère de la Santé, et les National Institutes of Health, sont placés sous son autorité. J’espère qu’il prendra des mesures concrètes pour faire toute la lumière sur l’origine du virus, puisqu’il a déjà écrit et pris position publiquement sur ce sujet, mais, jusqu’à présent, le constat est décevant.
Nous avons dû engager de nombreuses procédures judiciaires contre l’administration Biden, qui refusait de transmettre les documents relatifs aux origines du Covid. Et, objectivement, l’administration Trump ne fait pas mieux.
Certaines des personnalités occupant aujourd’hui des postes clés dans l’administration Trump avaient pourtant exprimé, avant d’y entrer, un soutien appuyé à cette cause. Mais depuis leur arrivée, aucune divulgation significative de documents n’a eu lieu. Pire encore, le gouvernement continue de se battre avec acharnement devant les tribunaux pour bloquer toute transparence. Sur ce point, rien n’a changé pour l’instant.
Pour faciliter la transparence côté français, avez-vous un message que vous souhaiteriez faire passer ?
Compte tenu de la longue histoire de coopération entre les gouvernements français et chinois, il est tout à fait plausible que la France détienne des informations importantes sur les origines du Covid-19 et sur les circonstances de l’émergence de cette pandémie.
C’est pourquoi nous invitons les citoyens français à demander à leur gouvernement de rendre publiques les informations en sa possession, afin que la France et le monde puissent peut-être enfin comprendre l’origine de la tragédie.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.