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En France, des centaines de nourrissons victimes de violences sexuelles
Alors que ces violences pourraient relever de l'inimaginable, les agressions sexuelles visant les tout-petits apparaissent désormais au grand jour. En 2024, 614 enfants âgés de 0 à 2 ans ont été accueillis en unités médico-judiciaires pour des faits de violences sexuelles, tandis qu'à Paris, la hausse des signalements en milieu périscolaire révèle quant à elle la vulnérabilité des moins de cinq ans face à un système de protection défaillant.

Photo: Unsplash
Les violences sexuelles touchent aussi les plus jeunes, dès le berceau. Le chiffre a de quoi choquer : 614 enfants âgés de 0 à 2 ans ont été accueillis en unités médico-judiciaires (UMJ) en 2024 pour des faits de violences sexuelles, soit plus d’un bébé par jour.
Ces nourrissons représentent 2 % de l’ensemble des victimes reçues dans ces structures spécialisées au cours de l’année, selon les données publiées le 20 novembre par la Mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof), issues du ministère de la Santé. Au total, 30 605 victimes majeures et mineures ont été prises en charge en UMJ pour des violences sexuelles, soit une hausse de 12 % par rapport à 2023.
Ces derniers mois, plusieurs affaires judiciaires ont brutalement rappelé l’existence de ce phénomène. En juillet, une assistante maternelle d’une école de Vic-la-Gardiole (Hérault) a été mise en examen et écrouée pour des viols et agressions sexuelles sur neuf enfants âgés de 3 à 4 ans.
En août, une infirmière de l’hôpital de Montreuil (Seine-Saint-Denis) et son ancien compagnon ont été mis en examen dans une enquête portant sur des agressions sexuelles commises sur des nourrissons, au sein même d’un établissement de soins.
Ce mardi, un ancien animateur de l’école maternelle Alphonse-Baudin, localisée dans le 11e arrondissement de Paris, devait être jugé devant le tribunal correctionnel pour agressions sexuelles sur cinq enfants âgés de 3 à 5 ans dont il avait la charge.
Ces affaires, exceptionnelles par leur contexte institutionnel, ne le sont pas par le phénomène qu’elles révèlent. Elles rappellent d’abord la vulnérabilité extrême des très jeunes enfants, dont la parole ne peut pas encore se formuler et dont les signaux d’alerte reposent entièrement sur la vigilance des adultes.
« Recrudescence importante »
À Paris, la question des violences en milieu périscolaire a pris une ampleur nouvelle ces derniers mois, après le dépôt de plusieurs plaintes visant des animateurs intervenant dans les écoles de la capitale.
Ces révélations ont conduit la Ville de Paris à annoncer, à la mi-novembre, un plan de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants dans les écoles. Celui-ci prévoit notamment la création d’un poste de Défenseur des enfants ainsi qu’un renforcement de la formation des animateurs.
Interrogée samedi dernier par Libération, Lisa-Lou Wipf, procureure spécialisée sur les mineurs au parquet de Paris, a fait état d’une « recrudescence importante du nombre de signalements » d’agressions sexuelles commises contre des enfants de moins de cinq ans dans les écoles maternelles parisiennes. « Il s’agit d’une augmentation très significative, sur laquelle nous sommes particulièrement mobilisés », insiste-t-elle.
À ce stade, quinze enquêtes ont été ouvertes. La procureure souligne que ces signalements concernent « quasi exclusivement des animateurs périscolaires, et non des enseignants », une précision importante qui ne vaut pour l’instant que pour Paris.
Comment expliquer cette hausse soudaine ? Pour Lisa-Lou Wipf, plusieurs facteurs entrent en jeu. D’une part, les professionnels seraient désormais « mieux formés et plus réceptifs qu’avant à la parole d’un enfant ». D’autre part, les parents porteraient « un regard plus affûté, et sans doute plus suspicieux que par le passé ». L’augmentation des signalements refléterait donc moins une explosion des violences qu’une amélioration de la capacité collective à les repérer et à les signaler, selon elle.
Cependant, plusieurs enquêtes journalistiques ont mis en lumière les failles béantes du système de recrutement des personnels périscolaires. En septembre, un journaliste du Parisien expliquait être parvenu à se faire embaucher comme animateur vacataire auprès d’enfants sans aucune qualification, sans formation préalable, sans accompagnement, et même sans avoir signé de contrat ni reçu le moindre document officiel.
Ce mardi encore, RTL a mis à l’épreuve le dispositif : en moins de dix minutes, leur journaliste a été recrutée, là encore sans qualification et sans vérification de son casier judiciaire.
22 % des victimes agressées avant l’âge de 5 ans
Selon les travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), environ 160 000 mineurs sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Parmi eux, la proportion concernant les tout-petits est particulièrement alarmante : pour 22 % des victimes, les premières agressions surviennent entre la naissance et l’âge de 5 ans.
Ces données battent donc en brèche la représentation encore répandue selon laquelle les violences sexuelles sur mineurs concerneraient principalement les adolescents. Elles touchent aussi, et massivement, des nourrissons et des enfants en âge préscolaire, le plus souvent dans des contextes de proximité immédiate : famille, entourage proche, structures d’accueil…
Des mineurs aussi auteurs de violences sexuelles
Plus largement, il faut garder à l’esprit que les violences sexuelles, bien que majoritairement commises par des adultes, peuvent aussi être perpétrées par des mineurs.
Le ministère de la Santé indique qu’une part importante des agressions sexuelles sur mineurs est le fait d’autres mineurs, souvent eux-mêmes marqués par des violences subies dans leur propre enfance. Ce phénomène représente environ 30 % des situations signalées, soit près d’un cas sur trois.
Les statistiques du ministère de la Justice font par ailleurs état d’une tendance alarmante : le nombre de mineurs mis en cause pour au moins une infraction à caractère sexuel a augmenté de 77 % ces dernières années, passant de 8 900 à 15 729 jeunes. Dans 98 % des cas, les auteurs sont des garçons.
L’évolution des profils est tout aussi alarmante. L’âge des mis en cause diminue : 60 % d’entre eux ont entre 13 et 15 ans, 24 % entre 16 et 17 ans, et 16 % sont âgés de moins de 13 ans. Ces données confirment que la prévention des violences sexuelles ne peut se limiter à la seule surveillance des adultes.

Etienne Fauchaire est un journaliste d'Epoch Times basé à Paris, spécialisé dans la politique française et les relations franco-américaines.
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