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Emmanuel Dupuy : « Il y a une volonté de la France […] d’assurer la sécurité de la Moldavie coûte que coûte »

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Photo: Crédit photo : Emmanuel Dupuy

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Durée de lecture: 7 Min.

ENTRETIEN – Le 27 août, Emmanuel Macron, Friedrich Merz et Donald Tusk se sont rendus en Moldavie à l’occasion de la fête de l’indépendance du pays. Les leaders français, allemand et polonais ont également apporté leur soutien à la dirigeante pro-européenne Maia Sandu, dont le parti pourrait perdre la majorité absolue lors des élections législatives du 28 septembre, au profit du « Bloc patriotique » pro-russe.
Emmanuel Dupuy est président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Pour Moscou, tout est bon pour montrer qu’une partie de la population moldave n’est pas en phase avec le virage européiste et européen de la présidente, analyse-t-il.
Epoch Times – Quel était l’enjeu de la visite des dirigeants du « Triangle de Weimar » en Moldavie ?
Emmanuel Dupuy – L’enjeu de cette visite était évidemment les élections législatives du 28 septembre prochain. Des bruits insistants, identifiés par l’Agence nationale des systèmes de sécurité et d’information (ANSSI) et Viginum, laissent entendre que la Russie pourrait vouloir influencer le résultat des élections moldaves, comme elle a tenté de le faire en Pologne et en Roumanie cette année.
Les ingérences russes visant la Moldavie se sont-elles accentuées ces dernières années ?
Oui. Elles se sont accentuées et diversifiées. Ces dernières ont notamment pris la forme de campagnes sur les réseaux sociaux ou encore de perturbations lors de manifestations de rue.
Il y a deux ans, il avait été question de perturbations à l’occasion de rassemblements célébrant la reconnaissance du statut de candidat de la Moldavie à l’adhésion à l’Union européenne, dans une échéance plus ou moins longue d’ici 2030.
On parlait également à l’époque de possibles manipulations de supporters serbes lors d’un match de football pour donner l’impression que l’État moldave n’assure pas correctement la sécurité.
Pour Moscou, tout est bon pour montrer qu’une partie de la population moldave n’est pas en phase avec le virage européiste et européen de la présidente.
Ces ingérences prennent aussi la forme de financement de partis d’opposition …
Il y a, depuis longtemps, de la part de la Russie, la volonté de financer des partis russophiles ou russophones puisqu’il y a une minorité russophone en Moldavie, notamment en Transnistrie, territoire occupé par Moscou depuis les années 1990.
En témoignent le soutien de Moscou accordé à l’ancien président Igor Dodon ainsi que le financement probable d’Ilan Sor, sanctionné par les États-Unis en octobre 2022 et désormais en fuite en Israël.
Pourquoi la Russie cherche-t-elle à déstabiliser Chisinau ? Quel est l’intérêt ?
D’abord, la Moldavie est une ex-République socialiste soviétique. Ensuite, c’est un pays qui constitue d’une certaine manière une frontière entre le front oriental de l’OTAN à travers la frontière roumaine et l’Ukraine où les troupes du Kremlin combattent depuis plus de trois ans.
Par ailleurs, il existe en Moldavie un conflit gelé depuis 1991, comme je vous le disais, celui concernant le territoire occupé de Transnistrie.
Je rappelle également que pendant très longtemps, le secrétariat général du traité de sécurité collective lancé en 2002 était basé à Chisinau et que la Moldavie a longtemps été membre de la Communauté des États indépendants (CEI) avant d’en sortir en 2023.
En résumé, la Moldavie appartenait autrefois à la sphère d’influence russe avant de s’en éloigner progressivement.
Il faut bien comprendre que la Moldavie ou les autres ex-républiques socialistes soviétiques, à l’instar des pays baltes, de la Géorgie, de l’Arménie et des pays d’Asie centrale, constituent un enjeu permanent d’influence pour la Russie.
La Moldavie pourrait donc être la prochaine cible de Poutine après l’Ukraine ?
Non et pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la France a mis en place des garanties de sécurité auprès de la Moldavie.
Il y a une volonté de la France et des autres États formant le Triangle de Weimar, qui se sont réunis à Chisinau le 27 août, d’assurer la sécurité de la Moldavie coûte que coûte.
Ensuite, nous avons assisté à un rapprochement logique d’un point de vue historique entre la Moldavie et la Roumanie, dirigée depuis le mois de mai par le pro-européen Nicusor Dan.
La Moldavie est officiellement candidate à l’entrée dans l’UE depuis juin 2022. Le processus d’adhésion pourrait-il être ralenti si le parti pro-européen de Maia Sandu perdait la majorité absolue le 28 septembre ?
Tant que Maia Sandu est présidente, il y a peu de risques que ce soit remis en cause puisque selon la Constitution moldave du 29 juillet 1994, c’est la présidence qui détermine la politique étrangère conformément au chapitre 5. Du reste, l’article 11 de la Constitution indique que la Moldavie reste un État neutre.
En outre, il y a un risque d’avoir un scénario à la géorgienne dans lequel un hiatus pourrait se créer entre un gouvernement qui serait moins européiste et la population qui resterait, elle, très attachée à l’arrimage de la Moldavie à l’espace européen.
Le Bloc patriotique a-t-il réellement des chances de remporter les élections législatives ?
Il y a toujours un risque. Lors des élections présidentielles polonaise et roumaine, personne n’avait vu venir la montée en puissance du camp nationaliste. En Roumanie, Nicusor Dan l’a remporté de justesse face à George Simion. Et en Pologne, le nationaliste Karol Narowcki a été élu président de la République. Il est donc possible que le parti de la présidente moldave perde sa majorité législative le 28 septembre prochain. Cependant, cela ne devrait pas remettre en cause la trajectoire européenne de la Moldavie.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.