Drôme : condamné pour avoir abattu deux vautours menaçant son troupeau, un berger traité « comme le pire des délinquants »

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Photo: Crédit photo MARTY MELVILLE/AFP via Getty Images
Poursuivi pour avoir tué deux rapaces protégés qui s’en prenaient à son troupeau, un éleveur ovin de la Drôme a été condamné à quatre mois de prison avec sursis. Une affaire qui ravive les tensions entre défenseurs de la nature et agriculteurs confrontés à la prédation.
Dans les collines arides de la Drôme provençale, le quotidien de Didier Ronat, berger depuis trente ans, a basculé en quelques secondes. Un soir de décembre 2022, alors qu’il surveille ses brebis à flanc de montagne, une quarantaine de vautours fondent sur son troupeau. Paniquées, les bêtes se dispersent vers le vide. Craignant de perdre « son capital » – environ 30.000 euros de bétail –, l’éleveur tire. Deux rapaces s’effondrent : un vautour moine et un gypaète barbu, espèces strictement protégées par la loi.
Des associations venues « faire leur marché en se constituant partie civile »
Cette décision lui vaudra une lourde condamnation. Le 7 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Valence le déclare coupable d’abattage d’espèces protégées, un délit passible de trois ans de prison et 150.000 euros d’amende, rapporte Le Figaro. La sanction tombe : quatre mois de prison avec sursis, confiscation de son fusil et retrait de son permis de chasse pour deux ans, ainsi que 30.000 euros au titre de la réparation des préjudices moraux et matériels réclamés par une dizaine de parties civiles. Ces dernières réclamaient initialement plus de 400.000 euros.
La décision indigne une partie du monde agricole. « C’est une honte ! Cet éleveur, qui n’a jamais eu affaire à la justice, a été traité comme le pire des délinquants », s’insurge Frédéric Gontard, président de la Fédération départementale ovine, présent à l’audience. Le responsable fustige également le rôle de certaines associations « qui n’avaient rien à voir avec le vautour », mais seraient venues, selon lui, « faire leur marché en se constituant partie civile pour toucher de l’argent ».
« Rien n’autorisait ce berger à se mettre dans l’illégalité »
Les proches du berger, eux, ont vécu l’épreuve comme une humiliation. « Les deux grandes filles du berger étaient en pleurs », rapporte encore Frédéric Gontard à nos confrères. Didier Ronat, lui, évoque un traumatisme : perquisition, menottage, garde à vue. « J’ai été traité comme un criminel dangereux, confie-t-il. Le métier devient de plus en plus compliqué. Désormais, je dois garder mes brebis du matin au soir, 365 jours par an. Sinon, tous les jours, certaines seraient mangées par les loups ou les vautours. »
L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a décidé d’interjeter appel. Son directeur général, Cédric Marteau, défend une position de principe : « Rien n’autorisait ce berger à se mettre dans l’illégalité. » Selon lui, le préjudice écologique n’a pas été suffisamment pris en compte : « Nous avons calculé suivant un barème précis que le préjudice écologique de cet acte de malveillance sur le patrimoine naturel s’élève à 168.000 euros. »
« J’ai l’impression que je paye pour tous les autres »
L’organisation espère que la cour d’appel de Grenoble, saisie pour début 2026, fixera une réparation proportionnée à la gravité des faits. « Il faut aussi dissuader d’autres personnes de faire la même chose », ajoute le responsable de la LPO.
Dans un territoire déjà marqué par la présence du loup et la multiplication des attaques sur les troupeaux, cette affaire cristallise le malaise d’une profession. « J’ai reconnu les faits, et j’ai l’impression que je paye pour tous les autres qui n’ont pas été pris », résume le berger. Entre incompréhension et exaspération, Didier Ronat attend désormais le verdict de la justice, espérant tourner la page d’une épreuve qui, dit-il, « traîne dans [sa] tête ».

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