Ukraine
Ukraine : La course contre la montre sur fond de débâcle militaire
Pendant que diplomates russes, ukrainiens et américains s'activent entre Genève et Abou Dhabi pour esquisser les contours d'une paix possible, la réalité du terrain dessine un tableau bien plus sombre. Dans l'est de l'Ukraine, les soldats de Kiev livrent un combat désespéré pour maintenir leurs positions dans le Donbass, cette région industrielle et minière devenue l'obsession du Kremlin.

Oleksii, un soldat de 23 ans originaire de Kherson, est assis à côté d'une jeune femme devant le mémorial dédié aux soldats ukrainiens et étrangers situé sur la place de l'Indépendance, le 25 novembre 2025 à Kiev, en Ukraine.
Photo: Elise Blanchard/Getty Images
Après quatre années d’invasion, Moscou contrôle désormais plus de 19% du territoire ukrainien et n’a jamais été aussi près d’atteindre ses objectifs dans cette zone stratégique.
« Je ne me souviens pas avoir vu l’ennemi avancer si vite »
L’officier Maksym Jorine, du 3e corps d’armée ukrainien, ne mâche pas ses mots sur Telegram : la dégradation de la situation s’accélère de manière inquiétante. Ce qui l’alarme, ce n’est plus simplement la perte de villages isolés, mais bien l’amélioration globale de la position stratégique russe sur l’ensemble du théâtre d’opérations.
Au front, Mykyta, un simple soldat, confie à l’AFP son épuisement : chaque jour apporte son lot de terrain perdu et de camarades tombés. Son espoir ? Que les dirigeants accélèrent les discussions pour mettre fin au carnage.
Hémorragie territoriale : 467 km² perdus par mois
Les chiffres de l’Institut américain pour l’étude de la guerre sont éloquents : en 2025, les forces russes ont conquis en moyenne 467 kilomètres carrés mensuels, une cadence supérieure à celle de 2024.
Sur la ligne de front, quatre verrous stratégiques sont actuellement assiégés : Lyman, Siversk, Kostiantynivka et Pokrovsk. La semaine dernière, Moscou revendiquait la prise de Koupiansk et se rapproche dangereusement de Gouliaïpolé.
La chute de ces positions compromettrait gravement la logistique et les défenses ukrainiennes, ouvrant la route vers les dernières grandes villes du Donbass : Sloviansk et Kramatorsk.
La « ceinture de forteresses » : le dernier rempart
Derrière cette ligne de bastions, les défenses ukrainiennes s’amincissent dangereusement. L’offensive russe dans la région de Dnipropetrovsk l’a cruellement démontré cet été : rien qu’en octobre, 150 kilomètres carrés sont tombés aux mains de Moscou, soit l’équivalent de la superficie de Paris.
D’autres fronts, longtemps figés, commencent à craquer. Dans les régions de Kharkiv au nord-est et de Zaporijjia au sud, l’armée russe recommence à progresser après des mois de stagnation.
Moscou recrute, Kiev manque d’effectifs
Le contraste entre les deux camps devient criant. Si la Russie a payé un lourd tribut avec près de 150 000 soldats tués depuis février 2022 selon la BBC et Mediazona, les pertes diminuent depuis avril. Surtout, Moscou continue d’attirer des volontaires grâce à des salaires attractifs.
Du côté ukrainien, c’est la crise. L’armée fait face à une hémorragie d’effectifs, à des désertions croissantes, et les campagnes de mobilisation ne parviennent pas à combler les vides.
« Le chaos total dans la gestion des troupes »
Serguiï Sternenko, militant et blogueur militaire qui finance l’acquisition de drones pour l’armée ukrainienne, tire la sonnette d’alarme auprès de ses 850 000 abonnés. Les brigades, déjà exsangues, s’enfoncent dans l’épuisement. Certains soldats restent déployés plus de 100 jours sans relève. Sa conclusion est sans appel : la gestion des troupes est chaotique et l’avenir s’annonce sombre.
L’analyse des experts : un pays à bout de souffle
Vassili Kachine, directeur du Centre d’études européennes et internationales de Moscou, observe que l’Ukraine perd progressivement ses quelques avantages militaires. Les percées russes se font plus profondes, les territoires conquis plus vastes mois après mois.
L’analyste américain Michael Kofman reconnaît sur X que les forces ukrainiennes « tiennent bon », tout en constatant une détérioration nette depuis juillet.
Jade McGlynn, du King’s College de Londres, prévoit un hiver « sanglant et éprouvant ». Selon elle, l’Ukraine résiste encore, mais affronte une triple crise : mobilisation difficile, pénurie de munitions et désillusion croissante dans la population. Quant aux négociations diplomatiques, elles piétinent sans percée majeure à l’horizon.
Avec AFP

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