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Comment les réseaux sociaux déforment le rapport des individus à la violence

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Illustration par Epoch Times, Getty Images, Shutterstock

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Durée de lecture: 8 Min.

L’accès aisé à un flux ininterrompu d’images violentes, renforcé par l’incitation à la violence sur les réseaux sociaux, modifie la perception qu’en ont les individus. Or, selon les experts, les algorithmes n’agissent pas forcément dans le bon sens.

La violence a toujours fait partie de l’expérience humaine, mais jamais elle n’a été aussi présente, et surtout pas à des fins de divertissement, relèvent-ils.

Contrairement à la violence fictive des films ou des jeux vidéo, les réseaux sociaux permettent de voir des violences bien réelles, pratiquement sans restriction d’âge. Souvent, ces contenus sont présentés comme étant du divertissement. Souvent accompagnés de commentaires irréfléchis, vulgaires ou cyniques, ils se perdent dans la masse des vidéos qualifiées de « brain rot » (littéralement « pourrissement du cerveau »), explique Jeffrey Blevins, professeur de médias et journalisme à l’université de Cincinnati.

Parallèlement, Andrew Selepak, professeur associé en communication à l’université de Floride, observe que les divisions politiques sont telles, qu’il est courant que de larges pans de la société soient montrés du doigt et insultés, sous-entendant qu’ils mériteraient d’être la cible de violence

Bien que la plupart des plateformes limitent les contenus violents ou explicites, certaines vidéos échappent aux filtres, et d’autres existent à la frontière de ce qui est autorisé et continuent de circuler.

Selon une enquête britannique réalisée en 2024, 70 % des jeunes de 13 à 17 ans voient des scènes de violence réelle sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs de TikTok sont les plus exposés (44 % au cours des douze mois précédents), suivis de près par ceux de X (43 %), Facebook, Snapchat et Instagram se situant entre 31 % et 33 %.

« C’est beaucoup trop »

Les études scientifiques dénoncent depuis des années le phénomène dit de « désensibilisation », qui est lié à une exposition répétée à la violence dans les médias numériques. Pourtant, la violence ne se manifeste dans la vie réelle des gens que de façon ponctuelle, selon M.Selepak.

« Nous ne vivons pas des violences chaque jour, plusieurs fois par jour, dans le monde réel ; en revanche sur les réseaux, surtout quand on y passe des heures, on peut y être exposé systématiquement», explique-t-il. « En dehors des personnes engagées dans des guerres, on n’a jamais rien connu de tel dans l’histoire humaine. »

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Une jeune femme sur son téléphone, New York, le 10 juin 2024. Samira Bouaou / Epoch Times

Même ceux dont la profession les confrontent à la violence, comme les secouristes, ne voient souvent que les conséquences de la violence, et non pas l’acte lui-même. En ligne, au contraire, il est facile de se laisser happer par un flux quasi infini d’images violentes, déconnectées de leurs conséquences.

Pour les experts, les algorithmes, en personnalisant les contenus, jouent un rôle central : après quelques vidéos d’un certain type, la plateforme en propose toujours plus. Même si la violence la plus explicite est restreinte, des contenus « limite », souvent tout aussi brutaux, prolifèrent et deviennent viraux. « Ce qui nous met en colère ou nous choque retient plus longtemps notre attention ; nous commentons, nous partageons, et l’algorithme le met encore davantage en avant », résume M. Selepak.

Seulement voilà : restreindre ces contenus nuirait aux revenus des plateformes : « Elles gagnent de l’argent en fonction du temps que nous passons à regarder des publicités », rappelle-t-il. Les algorithmes ne distinguent pas la valeur informative ou le contexte : « Ils excellent dans le traitement du contenu, pas dans l’éthique », souligne M. Blevins. En d’autres termes, les réseaux sociaux ne se contentent pas de montrer la violence, ils la favorisent.

Dans l’enquête britannique, 16 % des jeunes interrogés reconnaissent avoir eu un comportement violent dans l’année, les deux tiers pensant que les réseaux y ayant contribué. On parle notamment ici de disputes en ligne qui se répercutent dans des conflits physiques dans la vraie vie ou encore de propos enflammés qui attisent les conflits.

Une étude de 2021 auprès de jeunes de quartiers sensibles, montre que des querelles futiles sur les réseaux peuvent facilement se transformer en affrontements physiques. Selon l’étude, les adolescents sont parfaitement conscients que les réseaux sociaux intensifient les conflits interpersonnels du quotidien.

Appels à la violence

Au-delà des images choc, les réseaux servent aussi de tribune à une certaine forme de propagande violente.  « Créez un nouveau compte, tapez quelques mots-clés liés à une idéologie, à un groupe particulier ou un phénomène de société et regardez ce que l’algorithme vous propose, c’est édifiant », précise M. Blevins. Avec ces recommandations en chaîne, un utilisateur peut rapidement croire qu’une opinion extrême est en réalité la norme.

On remarque également l’émergence de chatbots qui brossent les utilisateurs dans le sens du poil, en validant sans réserve leurs idées et leurs opinions.

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Un téléphone montrant l’application Tik Tok, le 11 août 2024, Oleksii Pydsosonnii/Epoch Times

D’autre part, il existe des contenus qui ne prônent pas directement la violence mais qui semblent la justifier. « Sur Meta, YouTube, X ou TikTok, on entend sans cesse que telle ou telle personne ou groupe de gens est fasciste, nazi, la pire chose que l’humanité ait jamais vue», observe M. Selepak. « Cette déshumanisation répétée peut rendre la violence non seulement acceptable mais peut également justifier le passage à l’acte. »

Un changement d’attitude

Avec l’accumulation des études pointant les effets négatifs des réseaux sociaux, l’opinion publique commence à changer. Près de la moitié des adolescents admettent qu’ils passent trop de temps en ligne, contre un quart seulement en 2023, d’après un sondage du Pew Research Center.

Parallèlement, de plus en plus de gens estiment que les enfants ne devraient pas avoir de téléphone portable, non seulement en classe mais durant toute la journée d’école : 36 % soutenaient cette idée en 2024, ils étaient 44 % au début de 2025.