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Comment les microbes intestinaux impactent le risque de cancer et comment rééquilibrer votre microbiome
Prendre soin de son intestin : privilégier les aliments riches en nutriments, réduire les produits chimiques et additifs nocifs, et repenser l’usage de certains médicaments. Lorsque Linda, 52 ans, est entrée en ménopause, elle s’attendait à des bouffées de chaleur et des troubles du sommeil — mais pas à un gonflement persistant, à une fatigue constante et à ce sentiment qu’il se passait quelque chose de plus profond dans son corps.

Photo: Heroartman/Shutterstock
Une analyse de son microbiome intestinal a révélé un problème supplémentaire : une prolifération de bactéries nocives dans son intestin grêle.
« C’est quelque chose que nous voyons de plus en plus », a déclaré le Dr William Davis, cardiologue et auteur de Super Gut. « Avec l’âge, et particulièrement pendant et après la ménopause, le microbiome évolue souvent de manière néfaste. Ce changement peut avoir des répercussions importantes sur l’inflammation, le métabolisme des hormones et même le risque de cancer. »
Le microbiome intestinal : un écosystème caché au rôle majeur
L’intestin abrite des trillions de microbes — bactéries, champignons et autres organismes — qui jouent un rôle central dans la digestion, l’absorption des nutriments, le fonctionnement du système immunitaire et le maintien d’une barrière intestinale saine.
Avec le temps, cependant, les modes de vie modernes fragilisent cet écosystème délicat. Les aliments transformés, les conservateurs, l’eau chlorée, les émulsifiants, les antibiotiques, le glyphosate et le stress peuvent progressivement réduire la diversité microbienne.
L’un des changements les plus notables est la prolifération des Proteobacteria, des organismes associés à la contamination fécale et à l’inflammation. « J’appelle cela “la fécalisation de l’Amérique” », a expliqué le Dr Davis. « Nous voyons des microbes qui devraient rester dans le côlon envahir l’intestin grêle, où ils n’ont pas leur place. »
Cette invasion, connue sous le nom de prolifération bactérienne de l’intestin grêle (SIBO), est répandue. Elle est associée à une inflammation chronique de bas grade, et de plus en plus de preuves suggèrent qu’elle peut accroître le risque de certains cancers.
Comment les microbes intestinaux influencent le risque de cancer
« Le risque de cancer ne dépend pas uniquement de nos gènes », a précisé le Dr Davis. « Il dépend aussi des microbes qui vivent à l’intérieur de nous. »
L’intestin grêle est conçu pour l’absorption des nutriments. Lorsque des microbes fécaux prolifèrent dans cette région, ils meurent rapidement et libèrent des endotoxines dans le sang — un processus appelé endotoxémie.
« L’endotoxémie est comme allumer un feu qui brûle lentement à l’intérieur du corps », a expliqué le Dr Davis. « Elle déclenche l’inflammation, accélère le vieillissement, perturbe le métabolisme et augmente le risque de cancer. »
Des recherches montrent que les femmes atteintes d’un cancer du sein présentent souvent une prolifération de bactéries de type fécal dans l’intestin, des niveaux élevés d’endotoxines circulantes et des microbes intestinaux qui métabolisent les œstrogènes de manière nocive.
Cette combinaison d’inflammation et de métabolisme hormonal altéré crée un environnement interne favorable à la croissance tumorale. « Ces microbes peuvent transformer l’œstrogène en formes plus cancérigènes », a expliqué le Dr Davis. « C’est un vrai facteur de risque pour le cancer du sein. » L’œstrogène peut stimuler la croissance, car il se fixe sur les récepteurs des cellules cancéreuses du sein, les incitant à se multiplier.
Le lien entre œstrogènes et microbiome
Après la ménopause, bien que les niveaux d’œstrogènes diminuent naturellement, certains microbes intestinaux nocifs restent importants, car ils produisent une enzyme appelée bêta-glucuronidase, qui réactive l’œstrogène pour qu’il continue à stimuler la croissance tumorale.
« Un microbiome perturbé ne reflète pas seulement votre santé — il la façonne activement », a expliqué le Dr Davis. « Quand les microbes déconjuguent l’œstrogène, ils le transforment en formes plus susceptibles de favoriser le cancer du sein. »
C’est une des raisons pour lesquelles le risque de cancer du sein augmente fortement après la ménopause. Le problème ne réside pas seulement dans la baisse hormonale, mais dans la manière dont le corps métabolise ces hormones. Bien que le cancer du sein soit l’exemple le plus clair, le lien entre dysbiose intestinale et cancer dépasse le sein :
• Cancer colorectal : certains microbes buccaux, comme Fusobacterium nucleatum, peuvent migrer vers le côlon et y favoriser la croissance tumorale.
• Cancers de l’endomètre et de l’utérus : un métabolisme de l’œstrogène perturbé peut affecter les tissus sensibles aux hormones.
• Inflammation systémique : l’endotoxémie crée un environnement interne qui favorise le développement tumoral dans d’autres organes.
Pourquoi la vie moderne endommage l’intestin
Si les avancées modernes offrent confort et commodité, elles ont aussi introduit des facteurs alimentaires et environnementaux qui favorisent les bactéries nocives et perturbent la santé intestinale.
Alimentation transformée
Les aliments ultra-transformés — biscuits, chips, boissons sucrées, plats surgelés — contiennent souvent des émulsifiants comme le polysorbate 80 et la carboxyméthylcellulose. Ces composés amincissent la couche protectrice de mucus intestinal et favorisent les bactéries nocives, selon le Dr Davis.
De nombreux produits contiennent également des conservateurs tels que le BHT (butylhydroxytoluène), le BHA (butylhydroxyanisole) et le benzoate de sodium. Ils maintiennent les aliments frais, mais agissent aussi comme antimicrobiens dans l’intestin, nuisant aux bactéries bénéfiques.
« Malheureusement, le régime alimentaire occidental s’est tourné vers les aliments ultra-transformés », a indiqué le Dr Davis. Entre 2021 et 2023, les Américains auraient consommé environ 55 % de leurs calories quotidiennes sous forme d’aliments ultra-transformés, avec des taux encore plus élevés chez les jeunes.
En France, la consommation d’aliments ultra-transformés représente environ 30 à 35% de la consommation énergétique totale des Français selon une étude issue de la cohorte INCA3 en 2021. Cette proportion est particulièrement élevée chez les jeunes et les personnes issues des catégories socio-économiques les plus faibles. Par ailleurs, environ 80% des produits disponibles en supermarché en France sont classés comme ultra-transformés.
Toxines et médicaments
Les substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS, surnommées « produits chimiques éternels », présentes dans les ustensiles antiadhésifs et les produits imperméables, persistent dans le corps et perturbent l’équilibre hormonal.
Le glyphosate, principe actif de l’herbicide Roundup, agit comme un antibiotique, tuant les bactéries bénéfiques tout en épargnant les bactéries nocives. Les tests des Centers for Disease Control and Prevention américains montrent que plus de 80 % des Américains présentent des résidus de glyphosate dans les urines.
Environ 99,8% de la population française a des résidus de glyphosate détectés dans leurs urines. Cette information provient d’une étude menée entre 2018 et 2020 sur 6 848 participants répartis dans 84 départements français, incluant métropole et La Réunion. Cette contamination généralisée montre que près de 100% des Français testés sont porteurs de traces mesurables de glyphosate, avec un taux moyen d’environ 1,19 ng/mL d’urine.
Les médicaments courants bloquant l’acidité gastrique, comme les inhibiteurs H2 et les inhibiteurs de la pompe à protons, peuvent permettre aux bactéries buccales de migrer vers l’estomac et l’intestin grêle. « La bouche est, après le côlon, l’endroit où la densité microbienne est la plus élevée », a précisé le Dr Davis.
Restaurer l’équilibre : une stratégie préventive centrée sur l’intestin
Alors que la prévention conventionnelle du cancer se concentre sur le dépistage et le traitement, le Dr Davis estime que la santé intestinale est un outil puissant, encore sous-utilisé, pour la prévention.
1. Réintroduire des bactéries bénéfiques
Les microbes bénéfiques comme Lactobacillus reuteri et Lactobacillus gasseri se trouvent naturellement dans l’intestin humain, mais peuvent aussi être apportés par certains aliments, compléments et formulations probiotiques. Ces souches sont souvent incluses dans des capsules ou poudres probiotiques ciblées, et en petites quantités dans des aliments fermentés comme le yaourt, le kéfir, la choucroute et certains produits laitiers fermentés.
Ces probiotiques peuvent coloniser l’intestin grêle et aider à supprimer les bactéries nocives. « Quand nous réintroduisons ces microbes, nous n’améliorons pas seulement la digestion », a précisé le Dr Davis. « Nous réduisons l’inflammation et restaurons un métabolisme sain de l’œstrogène. »
2. Nourrir les bonnes bactéries
Les fibres prébiotiques comme l’inuline, les fructooligosaccharides, les galactooligosaccharides et la pectine nourrissent les microbes bénéfiques et renforcent la barrière intestinale.
3. Réduire les perturbateurs du microbiome
Éliminer les conservateurs, émulsifiants, aliments ultra-transformés et toxines environnementales comme le glyphosate permet à l’écosystème intestinal de se rétablir. « Ces expositions modernes ont progressivement démantelé notre écosystème interne », a expliqué le Dr Davis. « Les éliminer est une étape cruciale. »
4. Renforcer la barrière intestinale
Une couche muqueuse saine protège contre l’endotoxémie. L’acide hyaluronique — présent dans la peau et les organes animaux, ou pris en complément — peut aider à restaurer cette barrière, avec l’aide de microbes bénéfiques comme Akkermansia muciniphila.
Premiers gestes pratiques
Plusieurs mesures permettent de reconstruire le microbiome et de renforcer sa barrière protectrice :
• Adopter une alimentation variée, riche en fibres et peu transformée.
Inclure des aliments fermentés ou des souches probiotiques ciblées. Lactobacillus gasseri a montré qu’il pouvait soulager les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes, symptômes fréquents de la ménopause.
• Préparer un « yaourt anti-SIBO » maison avec des produits laitiers entiers ou du lait de coco pour renforcer les bactéries bénéfiques. Selon l’expérience clinique du Dr Davis, une utilisation quotidienne peut résoudre le SIBO dans jusqu’à 90 % des cas en quatre semaines.
• Soutenir la barrière intestinale avec de l’acide hyaluronique, des aliments riches en collagène comme le bouillon d’os, les viandes mijotées, la moelle osseuse, ou des compléments.
• Maintenir une bonne santé bucco-dentaire pour éviter que des bactéries nocives migrent vers l’intestin.
• Éviter les antibiotiques inutiles et les additifs perturbant le microbiome.
« Ce sont des mesures pratiques et accessibles à tous », a souligné le Dr Davis. « Il n’y a pas besoin d’ordonnance pour protéger son microbiome. »
Une nouvelle approche de la prévention du cancer
L’oncologie conventionnelle intervient généralement après l’apparition du cancer.Le Dr Davis estime que traiter la dysbiose intestinale tôt peut constituer une forme de prévention puissante.
« Si nous attendons simplement que le cancer apparaisse pour le traiter par chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie, nous avons déjà perdu la moitié de la bataille », a-t-il expliqué. « Le microbiome est une pièce manquante de la prévention du cancer. »
Il a également souligné le lien entre santé buccale et cancer. Les pathogènes oraux comme Fusobacterium peuvent migrer vers l’intestin et contribuer à l’inflammation. « Il faut arrêter de penser le corps en compartiments », a-t-il ajouté. « La bouche, l’intestin, les hormones et le système immunitaire sont tous connectés. »
Pour Linda, restaurer la santé de son intestin a été transformateur. Ses ballonnements ont diminué, son énergie est revenue et ses marqueurs d’inflammation se sont améliorés.
« L’intestin ne sert pas seulement à la digestion », a rappelé le Dr Davis. « C’est votre première ligne de défense. En en prenant soin, vous pourriez aussi vous protéger contre le cancer. »
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