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Comment la France, mauvaise élève du Pisa, peut-elle avoir une réussite au bac général de 96 % ?

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Des lycéens vérifient les résultats du baccalauréat au lycée Vaclav-Havel de Begles, près de Bordeaux, le 4 juin 2025.

Photo: Christophe ARCHAMBAULT / AFP

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Durée de lecture: 10 Min.

La dernière étude Pisa de 2024 montrait que la France se classe 23e en mathématiques, 28e en lecture et 26e en sciences sur les 85 pays développés participant. L’étude de 2022 pointait déjà une baisse « historique » du niveau des élèves français dans le sillage d’une baisse globale au niveau international.
Pourtant, en 2025, le taux de réussite au baccalauréat atteint le niveau stratosphérique de 96,4 % en voie générale. Dans la presse, on parle de consignes de bienveillance excessive sur la correction des copies, alors que 30 % des bacheliers sont incapables d’écrire convenablement, déclarait récemment le Premier ministre.
La ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, a assuré sur Radio J l’envoi d’une circulaire sur les consignes de correction du baccalauréat, pour qu’il n’y ait pas de « suspicion » sur le niveau de l’examen.
Mais selon Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, « dans les consignes de notation, on nous demande de valoriser d’abord la forme plutôt que le fond », assure-t-elle sur France Info, ajoutant que « tout cela n’est pas nouveau ».
Un taux de réussite de 91,8 % sur l’ensemble des filières
Un total de 679.100 candidats ont été admis au baccalauréat 2025 après la session de rattrapage sur l’ensemble des filières, soit un taux de réussite de 91,8 %, en hausse de 0,4 point sur un an, a indiqué le ministère de l’Éducation nationale.
Le taux de réussite atteint 96,4 % en voie générale (+0,3 point sur un an) avec 68,0 % des candidats ayant obtenu une mention. En voie technologique, 91,2 % des candidats ont obtenu leur diplôme, une hausse de 0,9 point de pourcentage comparé à 2024, et 43,8 % de mentions. Plus de 84 % des candidats de la voie professionnelle sont reçus à l’examen (+0,6 point), avec 52,4 % des candidats ayant décroché une mention, d’après les chiffres officiels.
Dans la voie générale, le taux est le plus élevé dans les académies de Corse, Nantes et Rennes mais la Depp, la direction des études statistiques du ministère de l’Éducation, relève que la plupart des académies ont des taux de réussite assez proches et que la moitié des académies ont un taux de réussite compris entre 96,7 % et 97,4 %.
Depuis la réforme de 2019, la note du baccalauréat repose à 40 % sur du contrôle continu et à 60 % sur des épreuves terminales.
Des « consignes de bienveillance excessive » 
« J’ai vu dans la presse des consignes de bienveillance excessive qui pouvaient être données dans les corrections », mais « elles ne viennent pas de la rue de Grenelle », a insisté la ministre de l’Éducation.
Élisabeth Borne a affirmé qu’il fallait « être exigeant sur le niveau des élèves » et que ce sera « le sens des consignes qui seront données », car « c’est vraiment un mauvais service qu’on rend aux bacheliers en donnant l’impression qu’on peut avoir une mauvaise copie et une bonne note ». Il faut en effet « absolument garantir » que le bac « reconnaît un niveau de compétence et de connaissances qu’on doit acquérir en terminale », a-t-elle encore expliqué.
Pour Sophie Vénétitay, professeure dans l’Essonne et secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat des collèges et lycées, la ministre « semble découvrir encore certaines réalités de l’Éducation nationale ».
Selon elle, l’augmentation du taux de réussite au baccalauréat en 2025 est due à des consignes de notation clémentes et à « la part importante du contrôle continu depuis la réforme du baccalauréat ». « On sait qu’avec le contrôle continu, il peut y avoir parfois des notes poussées à la hausse, parfois sous la pression des parents d’élèves ou des élèves parce que l’on sait ce qui se joue derrière ».
La Cour des comptes pointait un « système éducatif trop centralisé » et le poids d’une administration où  » la dépense mal évaluée ne cesse de croître ». Il est contradictoire que la France ait en même temps des taux de réussite insolents au bac et un niveau des élèves qui ne cesse de dégringoler année après année.
Une baisse historique de la France au classement Pisa
L’étude Pisa 2022 qui évalue les performances scolaires des pays de l’OCDE pointait une baisse « historique » du niveau des élèves français en mathématiques dans le sillage d’une baisse globale au niveau international.
Cette dégringolade, qualifiée d’« inédite » par l’OCDE, s’inscrit dans un contexte mondial de recul des performances. En France, la baisse est plus marquée que la moyenne de l’OCDE (-15 points en mathématiques), soulignant des failles structurelles dans le système éducatif. Eric Charbonnier, spécialiste de l’éducation à l’OCDE, note que cette chute est la plus importante depuis la création du Pisa en 2000.
« En mathématiques, la forte baisse observée en France entre 2018 et 2022 est la plus importante observée depuis la première étude Pisa » en 2000, note l’OCDE qui précise que cette baisse est de « 21 points, contre une baisse de 15 points pour la moyenne OCDE ».
Plusieurs facteurs aggravants sont pointés du doigt. La crise d’attractivité du métier d’enseignant est un problème majeur : en 2022, 67 % des élèves français étaient scolarisés dans des établissements confrontés à une pénurie d’enseignants, contre 17 % en 2018. Cette situation impacte directement la qualité de l’enseignement.
La France connaît également une forte baisse du niveau de ses élèves en compréhension de l’écrit, dont la tendance est à la baisse depuis 2012 dans le pays. « La performance des élèves a baissé de 19 points en compréhension de l’écrit, contre 10 points pour la moyenne OCDE » par rapport à 2019, explique l’OCDE.
Première en dépenses et dernière de la classe 
Dans son rapport publié le 20 mai 2025, la Cour des comptes dresse un constat alarmant sur l’état de l’enseignement primaire en France. Dans le rapport L’Enseignement primaire : une évolution impérative, la Cour documente des failles structurelles profondes qui compromettent la qualité de l’éducation dispensée aux élèves.
Malgré un investissement public massif de 55,1 milliards d’euros en 2023, les résultats des élèves placent la France parmi les mauvais élèves de l’OCDE. Ce paradoxe – des moyens importants pour des résultats en baisse historique – est au cœur du rapport de la Cour des comptes.
Selon l’étude TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study), la France se classe dernière en mathématiques parmi les pays de l’Union européenne et 42e sur 58 pays au niveau mondial, loin derrière des nations comme Singapour, l’Angleterre ou la Pologne. En lecture et compréhension, les performances stagnent, et les écarts entre élèves de milieux favorisés et défavorisés s’aggravent dès les premières années de scolarité.
« En dépit d’une augmentation constante ces dix dernières années de la dépense consacrée à l’école primaire (maternelle et élémentaire, ndlr), le niveau des élèves a suivi une tendance inverse », déplore la Cour des comptes, qui évoque une « situation d’échec ».
Des mesures de « reconquête de l’écrit » prévues à la rentrée
Dans ce contexte, le gouvernement prépare des mesures de « reconquête de l’écrit » pour la rentrée, afin de contribuer à relever le niveau des élèves français. « On ne peut pas accepter qu’au niveau du bac, il y ait 30 % des élèves qui ne soient pas capables d’écrire convenablement », a déclaré le Premier ministre fin mars. « Notre idée, notre programme, c’est qu’on ait à écrire et à lire tous les jours à l’école, au collège, au lycée », « quelle que soit la discipline » ou le cours, a-t-il ajouté.
Les dernières études internationales, Pisa et Pirls, portant sur le niveau de langue des élèves, placent toujours la France parmi les mauvais élèves. Élisabeth Borne a indiqué que le gouvernement comptait « d’ici l’été annoncer des mesures ambitieuses pour promouvoir l’écriture sous toutes ses formes, dès le plus jeune âge, avec l’appui d’un groupe de travail qui est réuni autour d[e l’écrivain] Erik Orsenna », sans plus de détails.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.