Opinion
Chantal Delsol : « Plus les familles abandonnent l’exigence éducative, plus la démocratie aura du mal à fonctionner »
ENTRETIEN – L’affaire Élias, revenue dans l’actualité récemment, nous rappelle que beaucoup de mineurs, aujourd’hui, sont impliqués dans des actes de violence. Cette violence des mineurs met en lumière des problématiques profondes à l'instar de la fragilisation du cadre éducatif et familial et la perte d'autorité de manière générale.

Photo: Avec l'aimable autorisation de Chantal Delsol
Pour la philosophe et auteure de nombreux ouvrages, en dernier lieu : « Insurrection des particularités » (Éditions du Cerf, 2025), si les familles ne parviennent pas à éduquer les enfants de façon à empêcher les violences, alors il faudra que l’État sévisse davantage.
Epoch Times – La violence des mineurs résulte-t-elle, selon vous, d’une forme de démission de l’Etat, de l’abandon de principes clairs ou de l’incapacité de certains parents à éduquer correctement leurs enfants ?
Chantal Delsol – Non ce n’est pas une démission de l’État, l’État n’a pas à éduquer les enfants ! Un État démocratique ne peut fonctionner que si les familles éduquent les enfants à la liberté, c’est-à-dire à la responsabilité. Plus les familles abandonnent l’exigence éducative, plus la démocratie aura du mal à fonctionner et devra glisser vers un État autoritaire.
Les familles ne sont pas spécialement plus « laxistes » qu’avant, mais il est devenu très difficile d’exercer une autorité quelconque, qu’il s’agisse de l’autorité d’un professeur, d’un patron ou des pères ou mères de famille.
Cette perte générale de l’autorité provient sans doute de l’effondrement des structures de pensée et de croyances qui légitimaient l’autorité. Pour exercer une autorité quelle qu’elle soit, il faut impérativement se savoir légitime pour le faire.
Dans Le Figaro, vous évoquez la surreprésentation de jeunes délinquants issus de l’immigration musulmane dans les actes de violences et écrivez à propos de la famille musulmane issue de l’immigration : « Alors qu’elle impose aux filles toutes sortes d’interdictions et d’obligations, elle considère les garçons comme des rois et leur apprend à dominer plus qu’à se dominer. » Les modèles éducatifs d’inspiration musulmane limitent donc l’autorité parentale sur les jeunes hommes ?
Ce n’est pas comme ça que cela se passe. Les familles musulmanes sont très exigeantes avec les filles parce que celles-ci sont vouées à être les servantes des hommes à tous points de vue : on les éduque (ou on les dresse) à servir les hommes et à obéir toute leur vie.
Si les garçons ne sont pas éduqués à la responsabilité et à la liberté, c’est parce que la culture musulmane a coutume de vivre dans des sociétés autocratiques où ce sont les instance sociales et étatiques qui punissent à la moindre incartade, et où la responsabilité individuelle est très mince.
C’est pourquoi lorsque ces garçons se trouvent dans une société libre, ils ne savent pas faire usage de leur liberté et ils s’en servent pour faire n’importe quoi. Ils sont pour ainsi dire les victimes d’une situation sociale de décalage.
Je ne suis pas en train de dire qu’il ne faudrait pas les punir pour leurs actes, ils sont en France et c’est la loi, je dis juste que si ce sont eux qui encombrent les prisons, ce n’est pas en raison de je ne sais quelle propension culturelle à la délinquance, mais en raison d’un décalage – ils sont éduqués pour la société d’à côté !
Quel rôle jouent les réseaux sociaux dans la violence des mineurs ? En sont-ils des accélérateurs ?
Oui ce sont certainement des accélérateurs, quand un jeune enfant se trouve constamment devant des images et des exhortations qui le poussent à la délinquance.
On peut dire que l’existence des réseaux sociaux rend l’éducation familiale encore plus exigeante, au moment même où elle est rendue plus difficile par l’éclatement des familles, par les familles monoparentales, par des modes de vie plus instables et plus compliqués.
Que devrait faire l’État pour endiguer le phénomène de la violence des mineurs ? Certains responsables politiques parlent d’une refonte de l’ordonnance de 1945. Qu’en pensez-vous ?
Tout le problème vient du fait suivant : une société veut d’abord l’ordre, la liberté vient en second. Ainsi, si les familles ne parviennent pas à éduquer les enfants de façon à empêcher les violences, quelle que soit la raison de cette incapacité ou négligence, alors il faudra que l’État sévisse davantage, et on peut en venir à effacer la démocratie.
La liberté démocratique viendra toujours après la nécessité de l’ordre. On ne pourra pas longtemps supporter les violences auxquelles nous sommes confrontés chaque jour.
En même temps, réformer la justice des mineurs s’annonce difficile. La loi Attal du 23 juin 2025 a été en grande partie censurée par le Conseil constitutionnel …
Tout cela est très difficile parce que nous avons l’habitude de la complaisance, de l’excuse, de l’indulgence, de la faiblesse. Mais il arrivera un jour où s’imposera un gouvernement dur, qui ne fera peut-être pas dans la dentelle, et à ce moment sans doute nous regretterons de ne pas avoir été plus réalistes et plus raisonnables.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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