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Audiovisuel public : passage au forceps sur fond de perte de pluralisme et de gabegie budgétaire

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La ministre de la Culture, Rachida Dati lors d'une séance de débat sur le projet de loi relatif à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 30 juin 2025.

Photo: LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 8 Min.

Depuis son arrivée au ministère de la Culture, Rachida Dati n’a eu de cesse de relancer la réforme de l’audiovisuel public. Son budget de plus de 4 milliards par an, dont 2,7 milliards pour France Télévisions et 700 millions pour Radio France, est montré du doigt en cette période de disette budgétaire alors que le pluralisme des opinions exprimées n’est pas le reflet de la plupart des Français mais plutôt celui d’une certaine élite parisienne.
Depuis, un bras de fer s’est installé avec la gauche et les syndicats que la dissolution de l’Assemblée l’été dernier n’a fait que ralentir. Le mois dernier, une passe d’armes sur le plateau de « C à vous » opposait la ministre au journaliste Patrick Cohen, Rachida Dati mentionnant à demi-mots l’ambiance toxique présente dans les couloirs de Radio France et de France Télévisions.
Cette altercation intervenait dans un climat tendu entre la ministre et les médias placés sous sa tutelle, à cause de son projet de holding, France Médias, regroupant les quatre filiales: France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM) ainsi que l’Institut national de l’audiovisuel (Ina).
La ministre avait montré sa détermination à ne pas se laisser intimider. Elle avait aussi étrillé un service public qui ne toucherait, selon elle, « plus les jeunes [ni] les classes populaires ». « Ça devient un club pour les CSP+ et les plus âgés », avait-elle lancé.
Un passage au forceps au Sénat
La semaine dernière, les sénateurs ont approuvé largement la réforme de l’audiovisuel public, grâce à l’arme constitutionnelle du « vote bloqué » utilisée par le gouvernement.
La proposition de loi de Laurent Lafon (UDI), qui pour l’essentiel prévoit de créer le 1er janvier 2026 la holding France Médias sous l’autorité d’un président-directeur général, a créé un levier de bouclier à gauche et ainsi qu’au sein de France Télévisions et Radio France.
Face à « l’obstruction » de la gauche, la ministre de la Culture Rachida Dati (LR) avait annoncé que le gouvernement avait demandé au Sénat « de se prononcer par un vote unique sur l’ensemble du texte » permettant le vote rapide de la loi en passant par dessus le ralentissement des débats en utilisant les failles du règlement du Sénat.
« Vous vous attaquez à ma personne, souvent de manière très indigne », avait martelé la ministre à l’adresse de la gauche. « C’est une chose, mais l’intérêt général, nous en sommes tous comptables. C’est le seul combat qu’il faut mener pour préserver l’audiovisuel public », a-t-elle ajouté.
Le 30 juin, plusieurs centaines de salariés des médias publics français ont manifesté à Paris aux cris de « Rachida Dati démission », pour contester le projet de réforme. À Radio France, le Syndicat national des journalistes (SNJ), majoritaire chez les journalistes, comptait 67 % de grévistes dans les rédactions du groupe. À France Télévisions, la direction comptait près de 17 % de grévistes.
Désormais, le texte devrait revenir à l’automne à l’Assemblée, à une date indéterminée.
Passe d’armes sur « C à vous » avec en filigrane la réforme de l’audiovisuel public 
Le mois dernier, agacée par les questions sur GDF Suez en 2010-2011, la ministre de la Culture avait sorti les griffes et renvoyé son intervieweur, le journaliste Patrick Cohen, à des accusations de « management brutal » remontant aux années où il dirigeait la matinale de France Inter.
Début mai, sur France Inter, la ministre avait cette fois ciblé la présidente de Radio France, l’accusant de « caricaturer » son projet de création de holding chapeautant les différents médias de l’audiovisuel public.
« Votre présidente Sibyle Veil […] je l’ai appelée parce qu’il faut arrêter de caricaturer cette réforme en disant que c’est une réforme d’extrême droite », a-t-elle lancé à l’antenne, après avoir qualifié France Inter, leader incontesté des audiences, de « club » pour CSP+ et retraités.
La ministre de la Culture a aussi brocardé les « méthodes de voyous » des journalistes qui lui ont consacré une édition de « Complément d’enquête », les accusant d’avoir tenté de soudoyer des membres de sa famille pour obtenir une interview, ce que le magazine dément.
Au sein de l’audiovisuel public, les résistances sont fortes contre un projet présenté par la ministre de la Culture. Dans les faits, la holding pourrait rimer avec suppressions d’emplois, coupes budgétaires et retrait de programmes. ​
Dans le viseur de la ministre, une institution publique qui coûte cher aux contribuables et au traitement plus que partial de l’actualité. En 2023, sa présidente Delphine Ernotte, interrogée par la commission d’enquête parlementaire, reconnaissait vouloir sur ses antennes « représenter la France telle qu’on voudrait qu’elle soit » et non telle qu’elle est et les différentes sensibilités qui la traversent.
France Télévisions : un budget en déficit en 2025 
On apprenait fin décembre que le budget 2025 de France Télévisions était pour la première fois dans le rouge depuis 9 ans à hauteur de 41,2 millions d’euros, pour un budget total de 2,7 milliards d’euros.
Franceinfo TV, lancée en 2016, devait devenir la première chaîne d’information en continu. Aujourd’hui elle se retrouve en quatrième place de la TNT avec 0,8 % de part d’audience, loin derrière CNews (3,6 %), BFM TV (2,9 %) et LCI (2,3 %).
Première présidente de France Télévisions à avoir effectué deux mandats, Delphine Ernotte Cunci a été reconduite en mai pour un troisième, sur lequel plane toutefois une incertitude en cas de création d’une holding chapeautant tout l’audiovisuel public. Un projet que soutient par ailleurs la dirigeante, qui est selon elle une « arme de dissuasion contre la privatisation ».
En l’état, la proposition de loi stipule que le futur PDG de la holding présidera les conseils d’administration de ses filiales. Le nouveau mandat de la présidente de France Télévisions pourrait donc être écourté, même si le texte peut évoluer jusqu’à son éventuelle adoption définitive.
Delphine Ernotte a toutefois fait l’objet de critiques des syndicats: « Le climat social s’est considérablement dégradé », estime la CGT de France Télévisions, en déplorant « une réduction nette de près de 1000 emplois sur 10.000 en dix ans », sur fond d’austérité budgétaire.
« Son bilan n’est clairement pas bon, entre gabegie, jeunisme et choix stratégiques contestables », soufflait une “petite main” de France Télévisions à Valeurs actuelles.
France Télévisions comprend les chaînes France 2, France 3 et ses 24 antennes régionales, France 4, France 5, franceinfo et le réseau Outre-mer La Première. Le groupe compte quelque 8800 salariés (équivalent temps plein) et bénéficie d’un financement par l’État de 2,7 milliards d’euros.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.