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Opinion

Attentat antisémite à Sydney : « Le djihadisme nous a déclaré la guerre, mais les élites occidentales font l’autruche », alerte Ivan Rioufol

ENTRETIEN - Le péril qui menace les Juifs est celui de tout l’Occident, ciblé par « un islam conquérant en conflit millénaire avec Juifs et chrétiens », estime Ivan Rioufol. Le journaliste et essayiste décrypte aussi la viralité de certaines théories du complot qui veulent faire d’Israël le responsable de chaque tragédie, de l’assassinat de Charlie Kirk à l’attentat de Sydney, quitte à recourir à des manipulations ou des trucages rendus possibles par l’intelligence artificielle.

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Ivan Rioufol, journaliste et essayiste.

Photo: BERTRAND GUAY/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 13 Min.

Epoch Times : Suite à l’attentat islamiste de Sydney, qui a eu lieu pendant la fête juive d’Hanoukka, diriez-vous que le danger pèse désormais sur les Juifs partout en Occident depuis le 7 octobre ?
Ivan Rioufol : C’est une évidence. Mais au-delà des Juifs, c’est l’ensemble du monde occidental qui est visé. Se trompe gravement celui qui pense que le djihad se limiterait à la seule condition juive. Il est dirigé contre l’Occident lui-même ; derrière l’antisémitisme se dessine une volonté assumée d’affrontement avec notre civilisation.

Que cela plaise ou non, il existe une communauté de destin entre le monde chrétien et le monde juif. Il suffit de rappeler que la façade de Notre-Dame de Paris est ornée des vingt-huit rois hébraïques : la France s’inscrit dans une histoire et des racines judéo-chrétiennes qu’il serait dangereux d’oublier, d’autant que nos adversaires, eux, en ont parfaitement conscience.

Deuxième constat : le djihad tel qu’il s’est manifesté le 7 octobre 2023, loin d’avoir provoqué un rejet massif, s’est révélé inspirant. Depuis cette date, on observe une forme d’euphorie dans les milieux islamistes, qui fait craindre la répétition de pogroms en Europe, en particulier dans les pays ayant affiché une bienveillance marquée à l’égard de la cause palestinienne.

Comme la France, l’Australie a reconnu un État de Palestine et pris ses distances avec la résistance israélienne. Mais ce choix a eu pour effet de libérer l’expression de ressentiments judéophobes au sein d’une partie de la population musulmane immigrée.

Le djihadisme nous a déclaré la guerre. Pourtant, c’est une guerre que l’on refuse encore de nommer et de prendre pleinement en compte. Lorsque le président de la République affirme vouloir faire la guerre à la Russie, à une extrême droite fantasmée ou au populisme, cela révèle une incapacité à identifier ce qui constitue aujourd’hui la menace intérieure.

La responsabilité de l’insécurité croissante des Juifs en France et en Europe incombe à ceux qui, sous couvert d’un humanisme affiché et d’un cosmopolitisme de salon, n’hésitent pas à qualifier de xénophobes ou de racistes ceux qui alertent depuis des années sur les dangers d’une immigration de masse ouverte à un islam conquérant.
Cet événement n’apporte rien de nouveau quant à la menace existentielle qui pèse sur nos sociétés ; il en dit en revanche toujours autant sur l’état de somnambulisme des élites françaises et occidentales.
La France insoumise et les écologistes ont condamné cet attentat islamiste. Mais cette condamnation a aussitôt suscité des accusations d’hypocrisie, au regard de leurs prises de position et de leurs discours tenus depuis le 7 octobre. En quoi cette accusation vous parait-elle fondée ?

La France insoumise a franchi un seuil en qualifiant Israël d’« État génocidaire ». Dès lors qu’un État est ainsi désigné, toutes les ripostes se trouvent, de fait, légitimées, y compris les plus extrêmes. C’est là l’imposture centrale de ce nouvel antisémitisme, dissimulé derrière un discours d’antiracisme et d’anticolonialisme porté par La France insoumise et l’extrême gauche : un antisémitisme qui s’abrite derrière des valeurs morales présentées comme irréprochables.

Par ailleurs, ce qui s’est produit à Sydney confirme une réalité que certains refusent toujours d’admettre : l’antisionisme sert désormais de paravent à l’antisémitisme. À Sydney, ce ne sont pas des Israéliens qui ont été visés, mais des Juifs, sans distinction.

Ce qui frappe, c’est l’incapacité persistante de l’extrême gauche à mener une analyse critique du nouveau fascisme qu’elle a, de facto, contribué à légitimer. Pour des raisons électorales et de survie politique, elle a entériné un communautarisme musulman au sein duquel le djihadisme a trouvé des espaces de diffusion et d’enracinement.

Mais cette responsabilité ne saurait se limiter à l’extrême gauche. Elle engage plus largement les élites et dirigeants occidentaux qui, depuis près d’un demi-siècle, ont organisé une immigration massive en provenance de pays extra-européens sans réflexion sérieuse sur les profils accueillis ni sur les incompatibilités culturelles que cela pouvait engendrer.

L’exemple allemand est à cet égard révélateur : en 2015, Angela Merkel ouvre son pays à près d’un million de Syriens sans dispositifs de contrôle suffisants. Certains terroristes issus de ces flux ont ensuite frappé la France lors des attentats du Bataclan.

La même logique se retrouve lorsque la France accueille des ressortissants afghans, gazaouis ou tchétchènes. Les faits ont tragiquement montré que certains de ces profils ont été impliqués dans des actes islamistes : l’assassinat de Samuel Paty en demeure l’illustration la plus emblématique. Plus récemment, une étudiante originaire de Gaza, admise à Sciences Po Lille, relayait sur les réseaux sociaux des appels explicites au meurtre de Juifs. Ces épisodes traduisent une forme de naïveté, voire de légèreté, au sommet de l’État.

Cette critique vaut également pour une partie des intellectuels se réclamant de leur judéité, qui ont longtemps promu une vision cosmopolite et strictement universaliste de la société française, tout en soutenant une immigration massive issue du monde arabo-musulman. Ils se retrouvent aujourd’hui, paradoxalement, parmi les premières cibles de ce nouvel antisémitisme qu’ils ont, en partie, contribué à rendre possible.

Enfin, il convient d’interroger la responsabilité de certains mouvements antiracistes qui, depuis des décennies, ont refusé de nommer le problème par crainte de « stigmatiser », enfermant systématiquement les populations musulmanes dans une posture victimaire.

Il est temps de prendre la mesure de ces naïvetés cumulées. Plutôt que de se contenter de déplorer, une fois encore, la montée de l’antisémitisme, en réalité observable depuis le début des années 2000, il faut interroger et mettre en cause ceux qui ont contribué à créer les conditions de son essor.

Selon un sondage Ifop publié le mois dernier, 42 % des musulmans déclarent éprouver une forme de bienveillance à l’égard des islamistes ; 57 % des jeunes musulmans placent la charia au-dessus des lois de la République ; enfin, 3 % vont jusqu’à affirmer avoir des affinités avec des courants djihadistes, un chiffre qui, rapporté aux millions de musulmans vivant en France, ne peut être considéré comme marginal. Peut-on encore considérer la menace islamiste comme strictement minoritaire ?
L’ampleur de la menace islamiste devient particulièrement préoccupante. Ce sondage ne fait que confirmer l’existence d’un séparatisme à la fois religieux, politique, culturel et civilisationnel, désormais installé au sein d’une large partie de la population arabo-musulmane, avec une prégnance particulièrement marquée chez les jeunes.

Ces données obligent à s’interroger sur l’échec manifeste des politiques d’assimilation, ainsi que sur le risque que représente la poursuite d’une immigration faisant venir des populations qui, non seulement ne s’intègrent pas, mais refusent parfois explicitement de s’identifier au monde occidental qu’elles ont pourtant choisi de rejoindre. Il y a là une contradiction profonde, que j’analyse comme l’un des ressorts d’une logique de contre-colonisation du pays anciennement colonisateur.

Cela étant dit, il faut opérer une distinction entre l’islamisme et les musulmans. L’acte de courage du musulman intervenu lors de l’attentat de Sydney en est un rappel. Un islamiste est un musulman ; en revanche, un musulman n’est pas nécessairement islamiste. Cette distinction est fondamentale, mais elle implique aussi une responsabilité.

J’invite les musulmans eux-mêmes à se manifester plus clairement et plus publiquement lorsque l’islamisme prétend parler en leur nom. Une désolidarisation systématique et explicite des attentats et des violences commis au nom de l’islam radical est indispensable. Or, malgré des actes individuels de courage indéniables, comme celui observé à Sydney, on constate encore une forme de prudence excessive chez de nombreux musulmans lorsqu’il s’agit de se démarquer ouvertement de cette idéologie islamiste.

À la suite de cet attentat, de nombreuses publications virales sur les réseaux sociaux ont affirmé qu’il s’agirait d’une opération sous faux drapeau destinée à « diaboliser les musulmans » et à servir les intérêts d’Israël. Plus récemment, une théorie conspirationniste popularisée aux États-Unis par Candace Owens est allée jusqu’à affirmer une implication d’Israël dans l’assassinat de Charlie Kirk, pourtant l’un des défenseurs les plus constants de l’État hébreu. Dès 2021, Jean-Luc Mélenchon se livrait déjà lui aussi à des insinuations similaires en déclarant sur France Inter qu’un « grave incident » ou un « meurtre » pourrait survenir durant la dernière semaine de la campagne présidentielle afin, selon lui, de « montrer du doigt les musulmans ». Comment analysez-vous la diffusion et la viralité de ce type de récits conspirationnistes sur les réseaux sociaux ?
Une partie de l’opinion trouve rassurant de croire que les Juifs, par le jeu d’une supposée « main invisible », dirigeraient le monde sans limites afin de défendre leurs intérêts. Cette idée du complot juif repose sur des ressorts anciens, qui continuent de se manifester aujourd’hui.

Par exemple, après le 7 octobre, certaines thèses ont affirmé qu’Israël aurait volontairement laissé se produire le massacre afin de justifier une opération militaire à Gaza. Si des enquêtes ont effectivement mis en lumière une certaine naïveté face à la capacité du Hamas, ces accusations de complot exigent des preuves concrètes. Il n’en existe aucune.

Tous ces récits relèvent du complotisme le plus absurde et ont pour effet, au passage, de nier ou de minimiser la menace bien réelle de l’islam conquérant, en conflit millénaire avec les Juifs et l’Europe chrétienne.

En outre, certaines manipulations visant Israël, notamment dans le camp palestinien, sont, à l’inverse, bien documentées. On a ainsi observé ce que l’on a appelé « Pallywood » : des mises en scène de fausses victimes palestiniennes, maquillées et positionnées pour simuler des exactions israéliennes, parfois en recourant à l’intelligence artificielle.

Je ne prends pas au sérieux les discours qui prétendent faire d’Israël le responsable de tout, y compris de ses propres malheurs. Ce type de rhétorique relève à la fois de la bêtise et de l’antisémitisme primaire.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.