« Je n’aime pas qu’on balade les gens » : sur le Mercosur, Emmanuel Macron se défend à Bruxelles
« Je n’aime pas qu’on balade les gens. » Emmanuel Macron, habituellement prompt à s’afficher en meneur sur la scène européenne, est apparu sur la défensive, jeudi à Bruxelles.

Photo: NICOLAS TUCAT / AFP via Getty Images
Le chef de l’État a haussé le ton face au risque de voir ses partenaires ignorer l’opposition française à l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur.
Rarement le président français s’était montré aussi ferme dès son arrivée au bâtiment Europa, siège des Conseils européens. L’heure, il est vrai, est critique : soutenue par plusieurs capitales, au premier rang desquelles Berlin, la Commission européenne souhaite obtenir dès vendredi un feu vert des Vingt-Sept, à la majorité qualifiée, afin de signer samedi au Brésil l’accord de libre-échange avec le bloc latino-américain.
Paris vent debout contre un passage en force
Sous la pression des agriculteurs en France et des manifestations à Bruxelles, conjuguée à celle d’une classe politique quasi unanimement hostile à ce texte jugé menaçant pour le secteur agricole, Emmanuel Macron réclame le « report » de toute décision. « Si aujourd’hui il y a une volonté de passage en force, je vous le dis très clairement, la France s’opposera », a-t-il prévenu devant la presse. Le président estime que « le compte n’y est pas » et qu’« en l’état, cet accord ne peut pas être signé ».
Le chef de l’État met en avant le rôle fondateur de la France au sein de l’Union européenne. « On doit être respectés », a-t-il insisté, avant d’ajouter, invoquant son « bon sens un peu paysan » : « Je n’aime pas qu’on balade les gens, donc je ne vais pas balader nos agriculteurs. »
Un soutien fragile mais précieux
Paris espère que les partisans de cet accord — favorable notamment aux filières industrielles allemandes — ne pourront ignorer sa position. L’Italie, qui a également appelé mercredi au report, a renforcé la ligne française, tout comme la Pologne et la Hongrie. Mais une question reste entière : cette coalition permettrait-elle de constituer une minorité de blocage si un vote devait se tenir d’ici vendredi ? Emmanuel Macron ne s’y est pas risqué.
À Bruxelles, plusieurs États favorables au Mercosur nourrissent encore l’espoir de faire fléchir Giorgia Meloni, dont le revirement constituerait un camouflet pour le président français. Les tensions entre Paris et Rome, déjà vives, viennent compliquer un rapport de force dans lequel s’invite aussi une Allemagne décidée à accélérer. Le désaccord franco-allemand, étalé au grand jour, ternit l’image d’un couple présenté depuis le printemps comme réconcilié et moteur d’une Europe ambitieuse.
Polémiques et calculs politiques à Paris
Cette séquence alimente en France les critiques de l’opposition, promptes à dénoncer une perte d’influence du pays à seize mois de la fin du quinquennat. « La France, elle doit se faire respecter », a martelé Manuel Bompard (LFI) sur TF1, redoutant que « la parole de la France n’ait tellement plus de valeur […] qu’on peut rouler sur la France au niveau européen ».
Marine Le Pen, de son côté, s’est interrogée : « Emmanuel Macron est-il capable de dire non à la Commission européenne ? Rien n’est moins sûr », affirmant que son camp représente « le seul rempart » au sein de l’Union.
Même dans l’hypothèse d’un report, la victoire du président pourrait n’être que de courte durée. Bruxelles s’emploie à répondre aux trois « conditions » fixées par Paris : une clause de sauvegarde en cas de déstabilisation des marchés agricoles, l’inclusion de « clauses miroirs » garantissant des normes sanitaires et environnementales équivalentes, et le renforcement des contrôles à l’importation.
Emmanuel Macron, qui juge par ailleurs l’accord bénéfique pour certaines filières — notamment viticole et industrielle —, a reconnu que les discussions « avançaient dans la bonne direction ». Il a toutefois précisé que la France ne lèverait son veto que lorsque ces exigences seraient « pleinement satisfaites ». De quoi relancer le débat en France, où la plupart des partis réclament purement et simplement l’abandon de l’accord Mercosur.










