Sommet UE perturbé : 10.000 agriculteurs protestent contre le Mercosur et les normes
Des milliers d’agriculteurs européens manifestent à Bruxelles pour protester contre la politique agricole de l’UE. Leur colère vise notamment l’accord de libre‑échange avec le Mercosur et la baisse annoncée du budget de la Politique agricole commune.

Près du Parlement européen, place du Luxembourg, lors d'une manifestation pour dénoncer les réformes de la PAC et l'accord Mercosur, à Bruxelles le 18 décembre 2025.
Photo: NICOLAS TUCAT / AFP via Getty Images
Jeudi, plusieurs milliers d’agriculteurs, venus de divers pays européens et pour certains en tracteurs, se sont rassemblés à Bruxelles. Ils dénoncent l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, les contraintes réglementaires et la réduction envisagée des aides de la PAC.
Un rassemblement massif à Bruxelles
Les manifestants se réunissent le jour du sommet des chefs d’État et de gouvernement des Vingt‑Sept. Des tracteurs tentent dès la matinée de converger vers la capitale belge, tandis que d’autres se retrouvent bloqués par un cordon de police à proximité des institutions européennes. La police évoque « plusieurs milliers » de participants avant le départ du cortège vers le quartier européen.
La Copa‑Cogeca, principal lobby agricole européen, dit attendre au moins 10.000 manifestants issus de plusieurs pays, dont de nombreux agriculteurs français. Des agriculteurs belges participent également au mouvement. L’un d’eux, Maxime Mabille, producteur laitier, déclare : « On est là pour dire non au Mercosur, surtout parce qu’on a l’impression qu’aujourd’hui, Ursula veut passer en force, elle veut imposer sa loi. » Il vise directement la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui doit rencontrer dans la matinée une délégation d’agriculteurs.
Mercosur et concurrence jugée déloyale
Les manifestants mettent en avant plusieurs sujets de mécontentement : l’accord UE‑Mercosur, les taxes sur les engrais et la réforme de la Politique agricole commune. Beaucoup dénoncent une pression croissante des normes et des contraintes. Antoine Delefortrie, responsable des Jeunes Agriculteurs dans le nord de la France, affirme : « Les gens en ont ras-le-bol des normes, des contraintes », en évoquant aussi le risque « d’une concurrence déloyale » de la part des pays sud‑américains du Mercosur.
L’exécutif européen et le Brésil, qui préside cette alliance comprenant l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay, souhaitent conclure rapidement l’accord de libre‑échange, en négociation depuis un quart de siècle. Ils visent une signature avant la fin de la semaine, ce qui en ferait la plus grande zone de libre‑échange au monde. L’accord permettrait à l’UE d’exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux vers l’Amérique latine, tout en facilitant l’entrée en Europe de viande bovine, de sucre, de riz, de miel et de soja sud‑américains.
Divisions entre États membres
Pour entrer en vigueur, l’accord requiert l’aval d’une majorité qualifiée de pays membres. Plusieurs capitales demandent un report. La France et la Pologne y sont opposées, et l’Italie les a rejointes mercredi. L’Espagne et l’Allemagne, au contraire, soutiennent fermement le texte. Depuis Bruxelles, le président français Emmanuel Macron déclare : « Nous ne sommes pas prêts, le compte n’y est pas pour signer cet accord. »
De nombreux agriculteurs accusent les pays sud‑américains de ne pas respecter les mêmes réglementations environnementales et sociales qu’en Europe. Ils craignent que ces différences permettent aux producteurs du Mercosur de vendre des produits moins chers, au détriment des filières européennes. Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, estime sur RMC/BFMTV : « C’est un accord qui est mal monté, malhonnête. Encore une fois ce qui compte c’est la réciprocité, c’est que l’Europe garantisse que les conditions de production soient respectées. »
Inquiétudes sur la PAC et la DNC
Les critiques portent aussi sur l’avenir de la Politique agricole commune. La Commission européenne est accusée de vouloir « diluer » la PAC dans le budget global de l’UE. Selon la Fédération wallonne de l’agriculture, « l’Union européenne propose une réduction de plus de 20 % du budget de la prochaine PAC (sur la période 2028-2034), tout en poursuivant la ratification de l’accord commercial avec le Mercosur. C’est purement inacceptable. »
Pour certains agriculteurs français, la gestion de l’épizootie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) par le gouvernement de Sébastien Lecornu renforce encore le mécontentement. André Coupey, venu de la campagne au sud de Lille pour manifester à Bruxelles, exprime sa solidarité avec les éleveurs. Il déclare qu’« on peut comprendre leur désarroi avec l’abattage systématique » du cheptel en cas de maladie dans un troupeau.









