Opinion
Y a-t-il une course aux armements nucléaires stratégiques ?

Les nouveaux missiles stratégiques nucléaires DF-5C, capables de couvrir le globe, sont photographiés sur des camions lors d’un événement à la place Tian’anmen à Pékin, Chine, le 3 septembre 2025.
Photo: Kevin Frayer/Getty Images
Oui, il existe bien une course aux armements nucléaires. Toutefois, les États-Unis n’y participent plus depuis la fin de la Guerre froide et l’effondrement de l’URSS. Au contraire, les États-Unis ont considérablement réduit leur dépendance aux armes nucléaires et leur stock de forces nucléaires de plus de 90 %.
La Russie et la Chine sont les deux principaux pays engagés dans une course à l’armement nucléaire qui s’accélère. Des problèmes subsistent, car si, heureusement, les États-Unis ont désormais pris des mesures cruciales pour moderniser leurs forces nucléaires stratégiques, en remplaçant leurs forces vieillissantes à raison d’une pour une, ils restent 2,5 à 6 fois moins performants dans le domaine de la production nucléaire, car ils se contentent de courir pour rester à leur place.
La Russie n’a pas seulement modernisé plus de 90 % de ses forces nucléaires stratégiques, mais elle a également augmenté de façon significative le nombre de têtes nucléaires qu’elle peut déployer, remplaçant par exemple les Topol ICBM à ogive unique par les Yars ICBM à ogives multiples, entraînant un calcul en nombre de têtes bien supérieur aux limites du traité New Start.
La Russie dispose actuellement de 168 missiles balistiques intercontinentaux Yars (24 silos, 144 mobiles), transportant chacun 4 à 6 ogives, et de 36 Yars-S transportant chacun trois ogives lourdes ; 46 missiles balistiques intercontinentaux SS-18 transportant chacun 10 ogives, qui sont en cours de remplacement par des missiles Sarmat transportant chacun jusqu’à 15 à 20 ogives légères (90 à 150 kt). Les SS-19 sont en grande partie retirés du service, à l’exception de dix-huit qui transportent le véhicule hypersonique Avangard. Le nombre total actuel d’ogives de missiles balistiques intercontinentaux se situe entre 1916 et 2190 si elles sont toutes chargées.
La Russie dispose de 5 SNLE Delta-IV transportant chacun 16 SLBM Layner et pouvant transporter chacun 8 à 12 ogives. La Russie dispose également de 8 SNLE Borei, deux autres sont en cours de fabrication et deux à quatre autres sont prévus par la suite. Chaque Borei transporte 16 SLBM Bulava, chaque SLBM transportant 6 ogives, soit un total de 1312 à 1632 ogives. L’usine de production de Votinsk peut produire des missiles Yars et Bulava à un rythme d’environ 40 par an.
Les bombardiers russes sont en déclin rapide : les quelque 52 Tu-95 « Bears » devaient être modernisés en moteurs et avionique – ce programme accuse du retard en raison des sanctions, tout comme celui concernant les 13 Tu-160 « Blackjack » évolués vers le standard Tu-160 M2. La Russie projetait de construire cinquante Tu-160M2, mais ce chantier est aussi retardé, de même que le nouveau bombardier furtif PAK-DA. Le nombre total de têtes nucléaires embarquées par les bombardiers atteint 964, portant ainsi le total des forces nucléaires stratégiques russes entre 4192 et 4786 têtes.
La montée en puissance du nucléaire chinois a été qualifiée de « stupéfiante » par Washington. Pékin maintient qu’il s’agit d’une posture de dissuasion minimale et strictement ripostaire ; pourtant, les forces déployées permettent d’adopter n’importe quelle stratégie ou politique décidée par le pays.
La Chine dispose de 96 missiles balistiques intercontinentaux mobiles DF-31, chacun équipé de 1 à 3 ogives ; 84 missiles balistiques intercontinentaux DF-41 équipés de 2 à 10 ogives ; 40 missiles balistiques intercontinentaux DF-5 B/C à combustible liquide en silo équipés de 10 ogives (DF-5C) ; 320 à 360 missiles DF-31/41 basés dans des silos répartis sur trois champs de missiles balistiques intercontinentaux. La Chine a récemment présenté son nouveau missile balistique intercontinental DF-61, dont la taille est proche de celle du DF-41 et dont la technologie est plus avancée. Un rapport récent de la DIA indique que la Chine disposerait de 700 missiles balistiques intercontinentaux d’ici 2035, soit environ 75 % de plus que les États-Unis.
La composante maritime de la triade nucléaire chinoise comprend six sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de type 094 Jin, chacun équipé de 12 missiles balistiques lancés par sous-marin (SLBM) JL-3 avec 1 à 3 ogives, soit un total de 72 à 216 ogives SLBM. Six à huit autres SNLE de type 096 devraient être déployés d’ici 2035, chacun transportant 16 à 20 missiles balistiques sous-marins JL-3 ou de nouvelle classe. Le nombre total actuel d’ogives de missiles balistiques sous-marins est de 216, mais les nouveaux SNLE 096 ajouteraient 288 à 480 ogives supplémentaires.
La composante aérienne chinoise du TRIAD comprend 90 à 100 bombardiers H-6K équipés de 6 à 7 missiles de croisière CJ-20 (portée de 2 000 km) ainsi que 20 à 30 H-6N équipés d’un nouveau missile nucléaire JL-1 dévoilé lors du récent défilé militaire. La Chine peut produire 15 à 20 bombardiers H-6 par an, mais la production du H-6 sera probablement remplacée par celle du bombardier furtif H-20. Le bombardier furtif chinois devrait effectuer son premier vol en 2025/26. Il aura une portée de 8500 km et pourra transporter 10 à 16 armes. Le nombre total d’armes des bombardiers s’élève actuellement à 630 ogives.
Le nombre total actuel d’armes nucléaires stratégiques de la Chine s’élève à 4846 si elles sont toutes déployées. Ce chiffre contraste fortement avec la déclaration des services de renseignement américains qui affirment que la Chine ne dispose que d’environ 600 armes nucléaires stratégiques. Cependant, un simple calcul montre que si l’on prend les chiffres actuels relatifs aux missiles russes et chinois fournis par la FAS et les services de renseignement et qu’on les multiplie par la capacité de transport estimée des ogives nucléaires, on obtient un nombre bien supérieur à 600.
Les programmes de modernisation et de montée en puissance des forces nucléaires russes et chinoises sont pour l’essentiel achevés, la Russie ayant déployé au moins 46 Sarmat avec 15 à 20 têtes chacun, ainsi que l’Arcturus SSBN à horizon opérationnel 2035, sans oublier le bombardier PAK-DA à venir.
La force nucléaire stratégique chinoise devrait continuer à croître pour atteindre 700 missiles balistiques intercontinentaux d’ici 2035, avec l’ajout du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de type 096, de bombardiers H-6 supplémentaires et d’un nouveau bombardier furtif H-20.
En revanche, les États-Unis se contentent de moderniser leur TRIADE, sans augmenter la taille ni les capacités de leurs forces, en remplaçant les systèmes vieillissants à raison d’un pour un, sans augmenter le nombre d’ogives nucléaires déployées. Ces mesures de modernisation ne peuvent en aucun cas être considérées comme une « course aux armements ».
Le missile balistique intercontinental Sentinel à ogive unique remplacera les 450 missiles balistiques intercontinentaux MM III existants, vieux de 55 ans et équipés d’une ogive unique, à partir des années 2030 et jusqu’à la fin des années 2040. Le sous-marin nucléaire lanceur d’engins Columbia, équipé de 16 missiles balistiques lancés depuis la mer (SLBM) D-5 (actuellement armés d’environ 4 ogives), remplacera le sous-marin nucléaire lanceur d’engins Ohio, équipé de 20 SLBM D-5, à raison d’un pour un à partir de 2030-2032, pour une mise en service complète d’ici 2042. Les SLBM D-5 des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Ohio seront transférés vers les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Columbia. La composante maritime américaine de la TRIADE pourrait disposer de 1536 ogives si elle était entièrement équipée de 8 ogives/SLBM.
Le bombardier B-21, à double emploi conventionnel et nucléaire, fera son entrée en 2027, à raison de 7 à 10 appareils par an, jusqu’à un total de 100 exemplaires. Il pourra emporter des bombes B-61 ou huit missiles AGM-181 LRSO à longue portée. Le B-21 remplacera les 45 B-1 conventionnels et les 20 B-2 stratégiques. La flotte de 76 B-52 doit être modernisée en version B-52J, avec nouveaux moteurs et avionique, et voler jusqu’en 2070, atteignant alors l’âge vénérable de 100 ans. Le B-52J pourra embarquer jusqu’à 20 options d’attaque à longue portée ou missiles de croisière.
En résumé, si la Chine, la Russie et la Corée du Nord s’engagent dans une dynamique de « course aux armements » depuis la fin de la Guerre froide, les États-Unis jouent essentiellement les observateurs. Le programme de modernisation, longtemps différé, vise simplement à remplacer des systèmes en fin de vie sans augmentation de capacité, tandis que les autres puissances ont bel et bien renforcé leurs moyens.
Les États-Unis sont confrontés à un dilemme de dissuasion à deux niveaux : la Russie dispose de pas moins de 4786 ogives nucléaires stratégiques, tandis que la Chine pourrait en posséder jusqu’à 4846, soit une force combinée de 9632 ogives nucléaires stratégiques.
Les États-Unis disposeront de 3010 armes nucléaires stratégiques et d’environ 200 armes tactiques si nous chargeons tous nos missiles. Comme l’ont déclaré la Commission américaine sur la posture stratégique ainsi qu’un nombre croissant de responsables américains, les États-Unis devront augmenter leurs forces nucléaires, mais comment et à quel rythme ?

Le graphique représente le taux de production annuel moyen pour trois forces nucléaires alternatives si elles étaient construites sur une période de vingt ans, de 2025 à 2045, sur la base des structures de forces prévues par les États-Unis et en partie prévues et annoncées par la Russie et la Chine.
Source : RealClearWire
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Peter Huessy est président de Geo-Strategic Analysis et chercheur principal à l'Institut national d'études sur la dissuasion.
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