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Mammographie : ce que les femmes devraient savoir avant un dépistage

La récente polémique survenue en Andalousie, où près de 2000 femmes participant au programme de dépistage du cancer du sein n’ont pas été correctement informées des résultats indiquant « une lésion probablement bénigne », a replacé le dépistage par mammographies au cœur du débat public. Pourquoi ces dépistages ont-ils donné des résultats non concluants ? Quelle est la fiabilité de ces examens ? Le dépistage fréquent entraîne-t-il des effets secondaires non souhaités ?

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Un médecin examine la poitrine et les ganglions sous les aisselles d’une femme à l’aide d’une échographie. La mammographie et l’échographie sont les principaux examens d'imagerie médicale du sein.

Photo: Shutterstock

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Durée de lecture: 14 Min.

Le ministère espagnol de la Santé affirme sur son site que la mammographie périodique « a démontré son efficacité dans la réduction de la mortalité chez les femmes qui en bénéficient ». Cependant, certains groupes médicaux contestent ces résultats et soulignent que l’examen de dépistage ne permet pas, à lui seul, de confirmer la présence ni d’évaluer l’agressivité d’un cancer, ce qui conduit parfois à des gestes médicaux plus lourds qu’utiles.

Le ministère de la Santé affirme que « les bénéfices du dépistage compensent les effets indésirables du procédé, tels que le surdiagnostic, le surtraitement et les conséquences liées aux faux positifs ou aux faux négatifs ».

Dans la même optique, le gouvernement de Navarre précise que la mortalité par cancer du sein dans cette communauté autonome a chuté de 35 % depuis le lancement, en 1990, du programme national de dépistage précoce.

Un groupe de chercheurs de l’Institut de recherche biomédicale de Lérida et de l’Université de Lérida, dirigé par Montserrat Rue, avait publié en 2009 une étude montrant une réduction de la mortalité variant d’environ 20 % pour un dépistage biennal entre 50 et 69 ans à près de 30 % pour un dépistage annuel entre 40 et 74 ans. Leur méthode reposait sur un modèle statistique élaboré à partir de données catalanes (2009) concernant l’incidence, la mortalité, la survie, la répartition selon le stade et la sensibilité du dépistage.

Cependant, sur le site du ministère espagnol de la Santé, les sections renvoyant aux documents techniques soutenant le programme et à l’évaluation de ces dépistages n’offrent pas de contenu accessible. Il n’est donc pas possible, du moins publiquement, de consulter ces informations.

L’efficacité préventive des mammographies remise en question

Selon le National Cancer Institute (NCI, Institut américain du cancer), les progrès récents en imagerie et en traitement rendent obsolètes certaines grandes études cliniques passées, qui montraient une baisse de la mortalité liée au dépistage.

En premier lieu, « il existe des preuves que la mammographie de dépistage réduit la mortalité spécifique au cancer du sein chez les femmes de 60 à 69 ans (preuve solide) et de 50 à 59 ans (preuve acceptable) », même si les études plus récentes ne reproduisent pas systématiquement cet effet.

« Le suivi sur 25 ans de l’étude nationale canadienne de dépistage mammaire (CNBSS), achevé en 2014, n’a montré aucun bénéfice quant à la mortalité associé aux mammographies de dépistage », indique le NCI sur sa page consacrée à la « détection du cancer du sein ».

Le NCI souligne que l’imagerie seule ne permet pas de distinguer avec certitude une lésion à évolution lente d’un cancer agressif, ni de séparer les faux positifs des faux négatifs : « il n’existe aucune manière définitive de distinguer » les cancers potentiellement mortels de ceux à faible risque.

L’inclusion de lésions à faible risque et de faux positifs dans les statistiques peut ainsi surestimer les bénéfices du dépistage. « Entre 20 % et 50 % des cancers identifiés lors du dépistage relèvent d’un surdiagnostic », rapporte le NCI.

Le problème est que lorsqu’une anomalie est détectée, « les traitements anticancéreux classiques – chirurgie, radiothérapie, hormonothérapie, chimiothérapie et thérapies ciblant le récepteur HRER2  – sont souvent proposés, y compris pour des patientes qui n’en tireront aucun bénéfice », ce que le NCI considère comme faisant partie des « dommages » du dépistage.

En Espagne, la Junta d’Andalousie a récemment précisé que « lorsqu’une mammographie est réalisée dans le cadre du programme de dépistage du cancer du sein, trois diagnostics sont possibles : négatif, positif et lésion possiblement bénigne ».

Femme subissant une mammographie. (Shutterstock)

« Pour les diagnostics négatifs, le résultat est communiqué ; pour les positifs, un suivi et des examens ou traitements complémentaires sont proposés. » En cas de lésions possiblement bénignes, « un suivi médical encadré est mis en place ».

Selon le Dr Juan Gérvas, médecin à Madrid, ancien professeur de santé publique à l’École nationale de santé et à la faculté de médecine de l’Université autonome de Madrid, « tout porte à croire que nous commettons une erreur en qualifiant de cancer du sein des entités très différentes, dont certaines évoluent spontanément vers la guérison ».

Il ajoute que « le dépistage peut simplement avancer le diagnostic de formes de cancers du sein à évolution lente ; beaucoup — près d’un quart — disparaissent d’eux-mêmes ».

À l’inverse, les faux négatifs peuvent donner un faux sentiment de sécurité, notamment chez les femmes ayant une densité mammaire élevée, où certains cancers échappent à la détection. Selon le NCI, le taux varierait de 6 % à 46 % selon la densité mammaire et l’intervalle entre examens.

Pour le Dr Gérvas, « il est essentiel de connaître à la fois les taux de faux positifs et de faux négatifs » et de mieux comprendre le cancer du sein, « ce qui nous manque encore ». Toutefois, ne pas réaliser d’examens en présence de signes ou de symptômes pourrait « retarder le diagnostic de cancers agressifs, invasifs et à plus forte mortalité ».

Dans un article de la revue Swiss Medical Weekly, les auteurs expliquent que le Collège médical suisse a conclu que les programmes systématiques de mammographie « ne sont plus raisonnables pour les femmes », compte tenu de l’incertitude liée aux faux positifs et négatifs.

« Une revue systématique de la littérature existante a permis au Collège de conclure que l’efficacité de la mammographie reste incertaine, que le surdiagnostic et les faux positifs sont nuisibles, et que les programmes de dépistage présentent un rapport bénéfice/risque discutable », écrivent les auteurs — les docteurs Pierre Vassilakos, Rosa Catarino, Michel Boulvain et Patrick Petignat — dans leur article Controverses autour du programme de dépistage mammographique en Suisse, publié dans Swiss Medical Weekly.

Les auteurs estiment qu’en dehors du dépistage, « d’autres raisons expliquent la réduction de la mortalité », par exemple « les traitements hormonaux spécifiques (comme la tamoxifène) et les changements dans la classification des causes de décès, qui peuvent constituer des facteurs de confusion lors de l’évaluation des bénéfices du dépistage ».

Les médecins ont indiqué que, bien que certaines études montrent une baisse de la mortalité grâce au dépistage, l’analyse des données fournies par l’Office fédéral de la statistique suisse a démontré que le taux de mortalité ne différait pas entre les régions sans programme de dépistage et celles où il était largement mis en œuvre.

Ils ont observé une augmentation de l’incidence du cancer du sein diagnostiqué dans les régions où le dépistage était pratiqué, mais pas de baisse du nombre de décès par rapport aux autres.

Des médecins dénoncent les effets indésirables, les faux positifs et les faux négatifs

Le NCI, le Collège médical suisse et le Dr Gérvas mettent tous en garde contre les traitements préventifs et thérapeutiques administrés aux patientes présentant des résultats suspects.

« Aujourd’hui, de nombreux médecins et patientes ont l’impression que la mammographie est un simple examen anodin, capable de détecter le cancer du sein plus tôt, avec un meilleur pronostic et une chirurgie moins invasive. Pourtant, le rapport du Collège médical suisse a montré que ce dépistage peut nuire à davantage de femmes qu’il n’en aide », concluent les auteurs de l’article.

Selon le NCI, l’un des principaux préjudices est l’administration de traitements oncologiques à des patientes qui n’en tireront aucun avantage.

Pour le Dr Gérvas, toute démarche préventive doit prendre en compte ses inconvénients, lesquels devraient être clairement communiqués ; toutefois, selon son expérience, les documents publicitaires envoyés à domicile les mentionnent rarement en détail. À son avis, « il ne faut pas laisser croire » aux femmes que la mammographie ou l’examen cytologique d’une biopsie constituent des tests définitifs lorsqu’un résultat indique une « anomalie probable » ; autrement dit, un résultat positif ou négatif peut ne pas être concluant.

« La confirmation diagnostique peut permettre une intervention appropriée, mais on sous-estime souvent le risque d’une ablation du sein ou de l’utérus parfois évitables », souligne le Dr Gérvas.

L’Institut national du cancer indique que, lors de chaque cycle de dépistage, environ 10 % des femmes sont rappelées pour des examens complémentaires après un résultat positif. Pourtant, seules 0,5 % des femmes examinées sont effectivement atteintes d’un cancer. En conséquence, près de 9,5 % des femmes testées reçoivent un faux positif : soit presque une sur dix.

Le NCI précise que ces chiffres concordent avec ceux du Breast Cancer Surveillance Consortium (BCSC), un réseau collaboratif de registres d’imagerie mammaire chargé d’évaluer et d’améliorer la qualité et l’efficacité du dépistage du cancer du sein. Ce consortium situe le taux de faux positifs par examen autour de 11,1 %.

En 2024, plus de 35.000 nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués chez les femmes en Espagne, selon l’Association espagnole contre le cancer (AECC). Le nombre estimé de décès la même année s’élevait à 6604 (6513 chez les femmes), dont la moitié concernait des patientes de plus de 75 ans. [En France métropolitaine, 61.214 nouveaux cas de cancer du sein ont été diagnostiqués en 2023 et 12.757 décès liés au cancer du sein étaient répertoriés en 2022, selon l’Institut national du cancer, ndlr]

Selon l’association espagnole, l’incidence du cancer du sein a augmenté ces dernières années, probablement en raison de la croissance et du vieillissement de la population, ainsi que de l’extension du dépistage de masse. Parmi les facteurs de risque figurent l’âge, les changements dans les habitudes reproductives, l’obésité, l’utilisation de traitements hormonaux et la sédentarité.

(Crédit : Violeta Michelle, Pixabay)

« Tout à coup, on se voit comme une petite vieille »

« Le premier effet a été la chute des cheveux ; un choc absolu », raconte une patiente diagnostiquée d’un cancer du sein dans une vidéo de 2022 publiée par l’association.

« Quand les cheveux repoussent un peu, on retrouve une certaine normalité, et les gens pensent que vous êtes guérie. Ce qu’ils ignorent, c’est que vous continuez à faire face à de nombreux effets secondaires physiques. Ce sont les effets des traitements postérieurs destinés à réduire le risque de rechute : dans mon cas, des douleurs osseuses, articulaires et musculaires. »

« C’est bouleversant : tout à coup, on se voit comme une petite vieille et on se demande : “pourquoi ai-je ces symptômes alors que je n’ai même pas 50 ans ?” ; on vit alors le deuil de la jeunesse, celui de la perte de santé. »

Journaliste et rédactrice. Elle a étudié trois ans et demi en médecine à l'Université du Chili, en plus de faire de la musique au conservatoire Rosita Renard et au piano à la Suzuki Method School. Après avoir participé à un cours d'écriture créative en Italie, elle a étudié et pratiqué le journalisme à Epoch Times.

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