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L’imitation : la manière la plus naturelle d’enseigner l’art d’écrire

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Copier de beaux textes aide les élèves à mieux assimiler le rythme et la structure de la langue.

Photo: DeanDrobot/Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

« L’écriture s’apprend par imitation », a écrit le grand professeur d’écriture William Zinsser. « Les étudiants se sentent souvent coupables d’imiter le style d’écriture de quelqu’un d’autre. Ils pensent que c’est contraire à l’éthique, ce qui est louable. Ou bien ils ont peur de perdre leur propre identité. Cependant, le fait est que nous finissons par dépasser nos modèles ; nous prenons ce dont nous avons besoin, puis nous nous débarrassons de ces peaux et devenons ce que nous sommes censés devenir. »
Les paroles de M. Zinsser recèlent une grande sagesse, tant pour les étudiants que pour les enseignants. D’après mon expérience comme enseignant et tuteur en écriture, les meilleurs écrivains sont invariablement les étudiants qui lisent beaucoup et bien. Ils ont une sensibilité pour la langue, une compréhension intuitive du sens et de la structure qui ne s’acquiert qu’en se plongeant dans les livres. Cette sensibilité se développe naturellement dans l’esprit de l’étudiant qui lit régulièrement.
À l’inverse, cette intuition est presque impossible à reproduire chez un élève qui ne lit pas beaucoup. Aucune quantité d’exercices, de cours magistraux ou de modèles ne peut compenser cette lacune. La lecture est comme les protéines pour les athlètes : elle est nécessaire à la croissance. Sans une alimentation riche en lecture, l’enseignant (et l’élève) risquent fort de mener un combat perdu d’avance.
Il est possible d’acquérir un certain niveau de maîtrise de l’écriture uniquement grâce à des cours magistraux, mais le résultat sera toujours un peu maladroit et stéréotypé. La muse de l’écriture est exigeante et ne récompense généralement que ceux qui ont lu les grands maîtres de notre langue. C’est alors, et seulement ainsi, que la muse fera chanter la plume de l’étudiant.

Les élèves apprennent plus efficacement lorsqu’ils passent du temps avec de grands livres et de grands esprits. (Yaroslav Shuraev/Pexels)

Une approche universelle de l’apprentissage
C’est en réalité une question de bon sens. Nous apprenons tout par imitation. Le violoniste observe le professeur tenir l’instrument et l’archet à l’angle approprié, puis il essaie lui-même. La nageuse observe le professeur faire une démonstration du mouvement de jambes en papillon, puis elle essaie elle-même. Les enfants écoutent leurs parents parler, puis tentent maladroitement de les imiter. Peu à peu, ces imitations reflètent de plus en plus fidèlement le modèle.
Alors pourquoi certaines approches pédagogiques traitent-elles l’écriture différemment, comme si elle ne pouvait s’apprendre qu’à travers une théorie abstraite ou en suivant un ensemble de règles arbitraires ? Certes, les règles et la théorie sont utiles. Elles ont certainement leur place dans l’enseignement de l’écriture. Mais elles ne peuvent remplacer la pratique consciente de l’imitation des grands écrivains, pas plus que l’étude de l’anatomie du cheval ne vous apprendra à bien monter.
Comment les enseignants peuvent-ils mettre en œuvre le modèle d’imitation ? Voici quelques suggestions.
Lire, lire, lire
Tout d’abord, les enseignants doivent eux-mêmes lire beaucoup, pour toutes les raisons déjà évoquées. Il est judicieux de lire avec un crayon et de souligner les passages particulièrement beaux, convaincants ou efficaces. Les notes et ce qui est souligné peuvent aider l’enseignant à analyser ces passages. Plus important encore, ces passages rencontrés ici et là au cours d’une lecture normale peuvent servir de base à des exercices en classe ou à des devoirs à la maison.

Grâce à l’imitation, les élèves développent non seulement des compétences techniques, mais aussi une sensibilité au style et au ton. (Cavan Images/Getty Images)

Copie et dictée
Pour les textes courts, ne dépassant pas un paragraphe, les enseignants peuvent les lire à haute voix en classe et demander aux élèves de les recopier. Cet exercice de dictée oblige les élèves à écouter attentivement les sons de la langue, puis à traduire ces beaux mots de manière viscérale dans leur propre corps à travers l’acte d’écrire à la main. Les mots deviennent alors une partie intégrante de l’élève, intimement liés à son cerveau et à ses muscles.
Un exercice similaire pourrait être réalisé en demandant à l’élève de recopier le passage simplement en le regardant, même si je pense que l’élément auditif impliqué dans la dictée peut être utile, car une bonne écriture nécessite une sensibilité au son. Dans les deux cas, l’élève imite exactement les mots du grand écrivain, comme si un danseur pouvait, l’espace d’un instant, habiter le corps de son professeur et ressentir les mouvements corrects de chaque bras et de chaque jambe.
Remplir les espaces vides
Un deuxième exercice, probablement plus agréable, commence à introduire un peu la créativité des élèves dans le processus. Pour cet exercice, les enseignants peuvent à nouveau prendre un passage d’un grand livre ou d’un essai comme point de départ. Mais ensuite, l’enseignant supprime certains mots ou certaines phrases ici et là pour créer une sorte d’exercice de remplissage d’espaces vides, où les espaces vides sont étiquetés avec la partie du discours qui correspondait à la formulation originale de l’auteur.
Les élèves lisent ensuite le passage et le réécrivent en insérant leurs propres mots dans les espaces vides. De cette manière, ils continuent à suivre la structure, le ton, la longueur des phrases, etc. du texte modèle, mais ils commencent également à jouer avec leurs propres choix de mots.

La dictée combine le son et la structure, donnant aux élèves l’occasion d’intérioriser des phrases bien construites. (Rido/Shutterstock)

Réécriture basée sur le style
Pour aller plus loin, un enseignant pourrait demander à ses élèves de lire un passage modèle, puis de le réécrire entièrement avec leurs propres mots tout en conservant le style de l’auteur original. Cela incite vraiment les élèves à réfléchir aux caractéristiques distinctives qui composent le style de l’auteur. Utilise-t-il des phrases longues ou courtes ? Le langage est-il plutôt formel ou informel ? Utilise-t-il des métaphores, des comparaisons, des allitérations, du rythme ?
L’enseignant devra peut-être donner quelques conseils sur ces points avant de laisser les élèves composer leurs propres passages d’imitation. Les passages d’imitation peuvent porter sur le même sujet ou un sujet similaire à celui du modèle, mais ils peuvent également traiter d’un sujet très différent tout en conservant le style de l’original. Cela dépend des aspects du passage original que l’enseignant souhaite mettre en avant.
Trouver le juste équilibre
En plus de remplir l’esprit des élèves d’un ensemble de grands écrivains et de leurs mots, ce type d’exercices peut souvent être plus agréable et plus significatif que les exercices d’écriture standard que l’on rencontre souvent dans les écoles aujourd’hui.
Un excellent petit livre intitulé The Writer’s Workshop: Imitating Your Way to Better Writing (L’Atelier de l’écrivain : imiter pour mieux écrire) de Gregory Roper utilise une méthode d’enseignement très similaire à celle-ci et comprend des exercices utiles. M. Roper fournit de courts passages de grands écrivains, dans différents genres et modes, puis guide les élèves dans la rédaction de leur propre imitation de ce passage. J’ai utilisé ce livre en complément des autres techniques décrites ci-dessus avec de bons résultats dans mes cours d’écriture.
L’art de l’imitation, associé à des cours sur les aspects formels de l’écriture (structure des paragraphes et des essais, grammaire, citations, etc.), crée un environnement idéal pour développer des compétences littéraires. Grâce à l’imitation, les étudiants acquièrent une intuition de ce qui fonctionne dans l’écriture. Lors des cours magistraux, on leur explique ensuite pourquoi telle ou telle technique fonctionne. J’ai constaté que cette combinaison d’apprentissage pratique, expérientiel et théorique crée une belle synthèse.
Walker Larson enseigne la littérature et l'histoire dans une académie privée du Wisconsin, où il réside avec sa femme. Il est titulaire d'une maîtrise en littérature et langue anglaises, et ses écrits sont parus dans The Hemingway Review, Intellectual Takeout, et dans son Substack, "TheHazelnut".

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